Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Traduit par Francoise Germain Edité par Professor Ed Wild

Les anticorps, produits par le système immunitaire pour combattre les infections, peuvent aussi servir aux scientifiques pour étudier les protéines. Un nouvel anticorps donne un aperçu nouveau sur la cause de la mort neuronale dans la maladie de Huntington.

De la mutation à la mort neuronale

La maladie de Huntington est due à la mutation du gène huntingtin. Cette mutation est une répétition de trois lettres C-A-G ou triplets dans le code génétique. Dans les copies normales du gène huntingtin, il y a environ 17 répétitions du motif C-A-G. Chez les personnes atteintes par la maladie, il y en a 36 ou plus.

 Structure d'un anticorps
Structure d'un anticorps

Mais ce n'est pas le gène qui cause la maladie directement. Les dégâts apparaissent lorsque les cellules lisent le gène et fabriquent la protéine huntingtine. Aussi, pour comprendre la maladie, nous devons découvrir le plus de choses possibles sur la protéine huntingtine.

Les protéines sont des molécules assez grosses et compliquées. Elles sont comme des enchaînements de blocs, un peu comme des colliers de perles. Les blocs sont appelés acides aminés et il peut y en avoir 21 différents.

L'expansion des C-A-G qui cause la maladie altère la structure de la protéine huntingtine. Lorsque la cellule “lit” C-A-G dans le DNA, elle ajoute un acide aminé appelé “glutamine” dans la protéine qu'elle fabrique. Plus il y a de C-A-G dans le gène huntingtin, plus la protéine huntingtine aura de glutamines.

Ces glutamines supplémentaires modifient la protéine qui va alors nuire aux neurones, de toutes sortes de façons.

Les chercheurs se trouvent donc confrontés a un double défi: Comment les dommages apparaissent-ils exactement? Comment y remédier?

Comparée à la plupart des protéines, la protéine huntingtine humaine est énorme; elle contient 3,144 acides aminés, tous interagissant de façon complexe et formant ensemble une structure massive. Huntingtine est si énorme et complexe que nous ne savons pas même quelle forme elle a.

Les anticorps

Pour étudier les protéines, les scientifiques utilisent généralement un outil appelé “anticorps”. Les anticorps sont eux mêmes des protéines. Ils sont crées par le système immunitaire pour détecter et combattre les microorganismes invasifs.

Les anticorps ont la capacité de reconnaître certains agents pathogènes et de s'y attacher. Chaque anticorps a ses cibles particulières et s'y fixe de manière spécifique. Les scientifiques peuvent fabriquer des anticorps qui vont s'attacher à des protéines particulières, en injectant les protéines cibles dans des souris et tromper leur système immunitaire pour que des anticorps puissent s'y attacher.

Utiliser des anticorps pour étudier la huntingtine

Une équipe de chercheurs, dirigée par Jason Miller et Steve Finkbeiner de l'Université de Californie, San Franscisco, a utilisé des anticorps pour essayer de comprendre quelles sont les parties de la protéine qui sont toxiques.

«Les anticorps ne se fixent pas sur les protéines huntingtine dans les agrégats. Quand ils sont mélangés à ces gros paquets, ils les dissolvent. »

D'abord, ils ont injecté les protéines huntingtine purifiées à des souris, provoquant la formation d'anticorps qui se fixent sur les protéines. En fait, cela a produit 480 anticorps différents.

Ensuite, ils ont étudié chaque anticorps pour déterminer celui qui serait le meilleur pour s'attacher à la protéine mutée avec son excès de glutamines.

La plupart des anticorps se fixaient aux protéines, quelque soit le nombre de glutamines qu'elles contenaient. Mais l'équipe de Finkbeiner s'est intéressée au petit nombre d'anticorps qui ne montraient pas de préférence particulière pour la protéine mutée.

Les anticorps peuvent être modifiés de façon à “rayonner”. Cela permet de les utiliser comme marqueurs de cellules contenant des protéines spécifiques. Les cellules qui contiennent ces protéines “brillent” lorsque l'anticorps rayonnant les atteint.

Le microscope robot

L'équipe a construit un microscope robotisé qui peut prendre des milliers d'images de neurones pendant des jours ou des semaines.

Nous avons récemment parlé de cela avec S.Finkbeiner dans notre interview “Oz Buzz” au Congrès Mondial sur la MH.

Le microscope robotisé permet à l'équipe d'étudier individuellement les neurones pendant de longues séquences et sur une longue durée.

L'équipe utilise le microscope et les anticorps simultanément, pour essayer de prédire quelles sont les cellules qui vont mourir.

On pense que, si un anticorps spécifique à une protéine fait “briller” une cellule qui devrait mourir, la partie de la protéine où s'est fixé l'anticorps est très importante.

Montrer ceci est plus difficile qu'il n'y paraît. L'équipe de Finkbeiner a utilisé des mathématiques sophistiquées pour comprendre la relation entre la production des protéines et leur mort. Mais ils ont réussi et trouvé des résultats intéressants avec un anticorps appelé du nom charmant: 3B5H10.

Culture de neurones - Finkbeiner lab. Les cellules vertes et jaunes ont été "marquées" et brillent, montrant la forme des cellules.
Culture de neurones - Finkbeiner lab. Les cellules vertes et jaunes ont été “marquées” et brillent, montrant la forme des cellules.
Crédits graphiques: Dr S. Finkbeiner

Lorsque les neurones produisant la protéine huntingtine rencontrent cet anticorps, ils sont à peu près sûrs de mourir. Mauvaise nouvelle pour les cellules possédant une structure reconnue par cet anticorps!

Les trouvailles de l'anticorps

Ces connaissances ont permis à Finkbeider et son équipe de repérer exactement sur quoi leur anticorps se fixe. Ils ont découvert qu'il se fixe sur une simple zone de la protéine mutée.

Beaucoup de chercheurs se sont intéressés aux agrégats de protéines dans les cellules. Ces agrégats sont des paquets de protéines qui ne devraient pas être là, comme des sacs de poubelles non relevées. On trouve ces agrégats dans le cerveau de patients décédés de la maladie de Huntington, aussi beaucoup de personnes se sont demandé si ils n'étaient pas responsables de la mort des neurones.

Mais, de façon surprenante, l'anticorps 3B5H10 ne se fixe pas sur la protéine huntingtine lorsqu'il est dans ces agrégats. En fait, si on l'introduit parmi ces agrégats de protéines huntingtine, il va même les dissoudre.

Cela conforte l'hypothèse que les cellules sont endommagées par de simples parties de la protéine mutée qui se déplaçe librement, plutôt que par ces gros paquets de protéines.

Un bon outil, à suivre…

L'anticorps 3B5H10 est un bon outil pour les scientifiques qui étudient comment la protéine huntingtine mutée tue les neurones.

Mais il peut aussi être un bon outil pour développer des médicaments.

Il y a quelques temps, on a fait des études pour chercher et tester des produits qui dissolvent les agrégats de protéines mutées dans les cellules. La recherche de Finkbeider montre que ce ne doit pas être le meilleur moyen pour trouver des médicaments efficaces. Les anticorps nous disent que les neurones qui ont de gros agrégats de protéines ne sont pas ceux qui vont mourir.

Cette recherche est importante car elle nous montre comment nous pouvons découvrir des phénomènes inattendus et importants dans les cellules. Ensuite, il faudra s'assurer que les médicaments obtenus à partir de ces informations pourront être efficaces pour les humains en toute sécurité.

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