Par Joseph Ochaba Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Edité par Professor Ed Wild

Une nouvelle étude permet de comprendre comment la protéine huntingtine mutante se déplace autour de la cellule. Découvrir l’endroit où la huntingtine termine, et pourquoi, pourrait nous permettre de comprendre la MH. A ce jour, des chercheurs canadiens ont montré qu’une petite pièce de la protéine huntingtine se comporte comme une ‘étiquette-adresse’ pour toute la protéine. En étudiant cette étiquette et la façon dont elle affecte les symptômes de la maladie de Huntington, nous pourrions être en mesure de mieux comprendre ce qui va mal dans la MH et espérer générer un traitement modificateur de la maladie.

De grandes choses peuvent arriver de petits colis

Nous savons que, dans la maladie de Huntington, tous les problèmes sont dus à une mutation ou une erreur dans les modèles génétiques pour la fabrication d'une protéine, appelée huntingtine. Chez les personnes diagnostiquées ou destinées à développer la MH, cette ‘faute d'orthographe’, au début des instructions génétiques, a pour conséquence qu'un morceau particulier de la protéine devient plus long que la normale. Mais les fonctions de la protéine normale et les moyens par lesquels la protéine mutante provoque des dommages sont encore assez mystérieux.

L'étiquette-adresse de la huntingtine garde habituellement celle-ci hors du noyau. D'autres étiquettes agissent comme des codes à barres, que lit la cellule pour décider où l'envoyer.
L'étiquette-adresse de la huntingtine garde habituellement celle-ci hors du noyau. D'autres étiquettes agissent comme des codes à barres, que lit la cellule pour décider où l'envoyer.

Lorsqu'une protéine est fabriquée, de petits blocs de construction sont enfilés comme des perles sur un fil. Chez une personne ayant la mutation MH, beaucoup trop de blocs, appelés ‘glutamine’, sont ajoutés au début de la protéine huntingtine.

Les scientifiques appellent ce morceau de huntingtine, contenant des glutamines supplémentaires, la région N-terminal. Peu de temps après que le gène de la maladie de Huntington ait été découvert en 1993, les scientifiques ont décidé que la région N-terminal était le morceau le plus nocif de la protéine huntingtine.

Au cours de la dernière décennie, les chercheurs ont identifié un rôle essentiel pour une pièce encore plus petite de la huntingtine, les dix-sept premiers blocs de construction, connus sous le nom de la région N17. Cette zone semble être importante pour indiquer à la huntingtine où aller et avec quoi interagir.

L'étude de ces caractéristiques de la huntingtine est importante car une fois que nous comprendrons comment la région N17 fonctionne, nous pourrions être en mesure de développer des médicaments aux fins de modifier son comportement et la rendre moins toxique pour nos précieux neurones.

Localisation, localisation, localisation !

De récentes publications par le Professeur Ray Truant de l'Université McMaster au Canada et par Marc Diamond de l'Université Washington à Saint Louis (USA), ont examiné cette pièce particulière de la protéine huntingtine et son impact potentiel sur la maladie.

Les scientifiques ont révélé que la pièce N17 de la huntingtine semble fonctionner comme une 'étiquette-adresse’ afin d'indiquer à la cellule l'endroit où la protéine huntingtine doit être livrée.

L'endroit exact de la destination finale de la huntingtine dans la cellule joue un rôle important dans l'évolution de la maladie de Huntington. La huntingtine effectue différentes choses à différents endroits. Elle peut être moins dangereuse à certains endroits. L'emplacement exact où se trouve la huntingtine à l'intérieur de la cellule peut avoir un impact important sur ses activités normales et, si oui ou non les cellules peuvent traiter avec la protéine mutante.

De précédentes études nous ont appris que la huntingtine peut faire la navette entre différentes régions d'une cellule par le biais de son ‘étiquette-adresse’.

Une adresse pour la huntingtine

La nouvelle étude issue de ces deux équipes de chercheurs est allée plus loin, afin de déterminer que la pièce N17 de la huntingtine ressemblait à ce qu'on appelle une séquence d'export nucléaire.

Une séquence d'export nucléaire est un morceau d'une protéine agissant comme une ‘étiquette-adresse’ aux fins d'indiquer à la cellule où livrer un colis - en l'espèce, la protéine huntingtine. La séquence d'export nucléaire indique à la cellule de garder la protéine hors du noyau, là où l'ADN très important est conservé. Une protéine avec une séquence d'export nucléaire se retrouve plutôt dans le cytoplasme, le morceau visqueux de la cellule qui entoure et protège tous les rouages internes de la cellule.

Si vous imaginez la cellule comme une ville, la séquence d'export nucléaire conserve le colis hors de l'hôtel de ville, lui permettant de flotter autour des espaces ouverts de la ville, comme ses parcs publics.

C'est l'histoire de la protéine huntingtine normale. Qu'en est-il de la protéine mutante ?

Bon, dans la maladie de Huntington, il semble y avoir une erreur dans ‘l'étiquette -adresse’, entraînant une mauvaise lecture. En l'espèce, la forme mutée de la huntingtine n'est pas cantonnée dans le cytoplasme - le parc public - mais reste dans le noyau - l'hôtel de ville.

Cette erreur, permettant à la protéine ‘non autorisée’ de rester dans le noyau, peut contribuer à la mort des neurones et à la progression de la maladie. Le noyau est un élément fondamental de la cellule - il agit comme un centre de commande de la cellule et abrite le matériel génétique.

De nombreuses études suggèrent que la huntingtine est plus toxique pour les cellules lorsqu'elle est dans le noyau. Mais, elle peut également être néfaste lorsqu'elle est hors du noyau ; en conséquence découvrir où et comment ce colis est livré est important.

Les cils sont de minuscules poils, comme des saillies sur nos cellules. Différentes étiquettes conduisent la huntingtine à interagir avec les cils de façon différente.
Les cils sont de minuscules poils, comme des saillies sur nos cellules. Différentes étiquettes conduisent la huntingtine à interagir avec les cils de façon différente.

Comment les chercheurs étudient-ils une chose si petite ?

Afin d'étudier comment la huntingtine se déplace dans la cellule, les chercheurs ont utilisé des cellules vivantes, cultivées en laboratoire dans des boîtes de Pétri. Ils ont modifié génétiquement les cellules afin qu'elles ne produisent que la pièce N17 de la huntingtine. Ce fragment a été fixé à une protéine de méduse qui s'illumine sous un microscope.

La protéine illuminée fixée permet aux scientifiques d'observer comment la pièce N17 se déplace à l'intérieur des cellules. Plus important, elle permet aux chercheurs, lorsqu'ils apportent ou introduisent délibérément des erreurs dans ‘l'étiquette-adresse’, d'observer le lieu où elle est délivrée.

Qui distribue ces colis ?

Sur la base de ce qu'ils savaient déjà à partir d'autres protéines ayant des signaux de localisation nucléaire, les chercheurs pensaient que l'étiquette sur la huntingtine peut être reconnue par une protéine ‘préposé’ appelée CRM1. En étudiant les deux protéines à la fois - le préposé CRM1 et le colis huntingtine - ils ont découverts que CRM1 interagit avec l'étiquette -adresse de N17 en fonction de sa structure unique et de sa forme.

Grâce à de petits changements de l'étiquette-adresse, les chercheurs ont constaté que le signal de localisation nucléaire était très précis. Celui-ci doit avoir tous les renseignements, forme et autres propriétés, afin d'être livré au bon endroit dans la cellule. Si pour une raison quelconque, l'étiquette est différente de la normale, le colis est livré au mauvais endroit. C'est ce qui semble se passer dans la maladie de Huntington.

Oh cils

Truant et son équipe ont démontré que la région N17 contrôle également le fait que la huntingtine finisse attachée aux cils des cellules - de minuscules poils en forme d'hélices à l'extérieur de la cellule.

En fonction de ce qui se passe dans une cellule, une étiquette-adresse d'une protéine peut être modifiée à l'aide de petits marqueurs chimiques qui sont attachés ou supprimés. Les engins de transport de la cellule peuvent alors lire ces marqueurs, comme un code barre, afin de déterminer ce qu'il faut faire avec la huntingtine.

Les chercheurs ont constaté que lorsqu'un morceau N17 de la huntingtine n'avait pas de marqueur, il restait à l'intérieur des cils. Lorsqu'ils mettaient une étiquette sur la huntingtine, celle-ci s'agglutinait à la base des cils

La prochaine étape

Cette nouvelle étude se penche sur des évènements minuscules pour nous permettre de comprendre une image d'une grande importance. Ce type de recherche nous permet de comprendre les signaux qui déplacent la protéine huntingtine mutante autour de la cellule et comment ce processus fonctionne mal dans la MH.

Ce type de travaux réalisé dans les cellules est loin de générer des traitements pouvant être utilisés chez les patients. Cependant, ces études permettent de clarifier de précédentes recherches menées par des équipes différentes de chercheurs avec, parfois, des résultats déroutants concernant la région N17 de la huntingtine.

Ces résultats sont une étape importante, nous permettant de comprendre comment les dommages cellulaires surviennent dans la maladie de Huntington. Ils ouvrent une nouvelle porte aux chercheurs afin de travailler sur de futurs traitements pour essayer de rétablir la navette normale de la protéine huntingtine.

Bien que ces 17 blocs de construction ne soient qu'une petite partie de toute la protéine huntingtine, ils peuvent avoir un impact énorme sur son emplacement et sa fonction - et sur notre compréhension de la maladie de Huntington.

L'auteur et l'éditeur ne déclarent aucun conflit d'intérêt. Le Prof Truant Ray, auteur de la recherche décrite, est un conseiller scientifique non rémunéré de HDBuzz mais il n'a pas été impliqué dans cet article. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...