Par Dr Kurt Jensen Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Laurie Galvan

Un équilibre de particules électriquement chargées est nécessaire pour que les muscles puissent répondre de manière appropriée à un stimulus. Cependant, un rapport récent provenant d’un groupe de scientifiques de l’université Polytechnique de l’état de Californie conclue qu’une rupture de cet équilibre se produit dans la maladie de Huntington - entraînant une facilitation de la contraction des fibres musculaires chez les souris modèles de la MH.

Un bon mouvement

Tous les aidants sont familiers avec la sainte trinité des symptômes de la maladie de Huntington: chorée, déclin cognitif, et modifications du comportement. Il est fréquent que les patients se plaignent en premier d’autres symptômes, néanmoins les mouvements physiques involontaires sont, à ce jour, toujours utilisés par les médecins comme une caractéristique clé dans le diagnostic de la maladie. Les mouvements sont observés comme étant extrêmement désorganisés : le patient a un muscle qui involontairement commence un mouvement sans que celui-ci ne l’achève, ce qui suggère que les fibres musculaires, elles-mêmes, ne sont pas proprement coordonnées les unes avec les autres.

Les muscles du corps sont composés de fibres, celles-ci pourraient être "hyper"excitées dans la MH. Est-ce que cela pourrait contribuer aux symptômes moteurs?
Les muscles du corps sont composés de fibres, celles-ci pourraient être “hyper"excitées dans la MH. Est-ce que cela pourrait contribuer aux symptômes moteurs?

Malheureusement, l’origine des mouvements involontaires pourrait être encore plus mystérieuse que le reste des symptômes. Bien que toutes les cellules du corps expriment la protéine anormale causant la maladie de Huntington, les cellules du cerveau semblent préférentiellement mourir au cours de la pathologie. En effet, certaines populations de cellules cérébrales meurent en premier, avant que la perte cellulaire s’étende à l’ensemble du cerveau. Du fait que les cellules du cerveau meurent dans la MH, celle-ci est classifiée comme une maladie « neurodégénèrative ».

Des ions, partout des ions

Il était présumé jusqu’à présent, que tous les symptômes de la maladie de Huntington puissent trouver leur origine au cerveau. Une équipe dirigée par le Dr Andrew Voss à l’université Polytechnique de l’état de Californie a questionné cette assomption et décidé d’étudier les propriétés des fibres musculaires.

Quand le cerveau envoie un signal au muscle dans le but de se contracter (bouger), il doit être correctement transmis du nerf à une fibre musculaire qui, celle-ci, exécute l’ordre. L’équipe du Dr Voss s’est concentrée sur la réception de ce signal, en d’autres mots à la fin du « câble télégraphique » et non à l’origine cérébrale du signal.

Certaines cellules du corps, comme les cellules cérébrales et musculaires sont “électriquement actives”. Cela signifie qu’elles changent de charges électriques dans le but d’envoyer des signaux de l’une à l’autre. A l’opposé des appareils électriques traditionnels, les muscles et les nerfs n’ont pas de fil de cuivre pour transmettre leurs charges. Alors comment font-elles ?

Elles font cela en bougeant un petit peu leur atome, ce qui donne une charge électrique à l’intérieur et à l’extérieur de la cellule. (Un atome avec une charge électrique est appelé un ion). Les atomes de ces éléments, tels que le sodium et le chlore, ont tendance à être facilement chargés. En réalité, le sel de table n’est rien de plus que des ions de sodium chargés positivement collés à des ions de chlore chargés négativement! Avant qu’un message en provenance du cerveau arrive à une fibre musculaire, les cellules qui édifient cette fibre sont dans un état premier, prêtes à recevoir le signal. Le sodium chargé positivement, est accumulé autour de la cellule, sans entrer dans celle-ci, et les ions potassium chargés aussi positivement sont eux accumulés à l’intérieur de la cellule, sans en sortir.

Quand le message pour la contraction arrive, il ouvre de tous petits pores dans la cellule qui laissent rentrer uniquement les ions sodium, qui se précipitent à l’intérieur de la cellule. Alors, pour compenser le changement de charge dans la cellule, les ions potassium positifs doivent sortir de la cellule en utilisant leurs propres canaux.

Ces séries compliquées d’événements qui débutent chaque contraction musculaire est appelé un potentiel d’action. Eventuellement, l’équilibre électrique d’origine de la cellule sera restauré (les ions chlores négatifs aident ce processus) et la cellule va pouvoir être prête à recevoir un autre signal. En se basant sur ce que nous savons de la contraction musculaire normale, les auteurs ont décidé d’étudier si cette machinerie fonctionne normalement dans la MH.

«Des anomalies non seulement cérébrales mais aussi des fibres musculaires pourraient expliquer les mouvements involontaires. »

Ils ont utilisé une souris modèle de la maladie de Huntington qui contient une partie (la plus importante) du gène humain MH contenant la mutation entrainant la MH chez les patients. Ce modèle a été choisi car il est bien caractérisé (il est utilisé depuis presque 20 ans !), il présente des anomalies motrices et cognitives. Cette équipe de recherche a réalisé toutes ces expériences en utilisant les fibres musculaires extraites des souris modèles, et qui ensuite subissent de nombreux stimuli électriques (chocs). Pas besoin de mentionner que les volontaires humains pour ce type d’expériences sont difficiles à trouver.

Des résultats « électrisants »

Les mesures obtenues proviennent de fibres musculaires qui ont été accrochées à une petite paire d’électrodes et qui ont reçu différents courants électriques. Le signal de contraction provenant du cerveau a été simulé par une série d’impulsions électriques.

Les fibres musculaires des souris de la maladie de Huntington comme les souris « témoins » (souris qui n’ont pas le gène humain MH et qui sont utilisées comme un contrôle « normal ») répondent de manière appropriée aux impulsions. Cependant, les fibres musculaires des souris MH ont besoin de plus de temps pour que leur charge électrique revienne à la normale après l’impulsion. Ceci est la partie du potentiel d’action où les ions potassium bougent à l’extérieur de la cellule.

De plus, la force du stimulus nécessaire pour déclencher un potentiel d’action est bien plus faible dans le cas des fibres MH, ce qui suggère qu’elles sont plus faciles à se contracter. De manière surprenante, l’envoi d’une faible impulsion électrique qui ne devrait pas générer de potentiel d’action a permis chez de nombreuses fibres MH de se contracter.

Les fibres musculaires des souris de la maladie de Huntington sont clairement plus sensibles à ces stimuli (“hyperexcitables”), et les auteurs spéculent que cette hyper-excitabilité pourrait s’expliquer par une réduction du flux de ions potassium/chlore dans ces cellules.

Une autre série d’impulsions électriques a montré que les canaux des fibres MH présentent moins de charges électriques les traversant au cours du temps. De plus, le courant y passe moins facilement qu’à travers ceux de fibres normales. Les auteurs ont conclu que ces diminutions pourraient être expliquées par le fait qu’il y ait moins de canaux fonctionnels pour le chlore et le potassium. Ce qui les a amenés à étudier les processus qui mènent à la production de ces canaux.

L’information qui précise la structure d’une protéine (comme un canal à ion) est contenu initialement dans l’ADN de l’organisme, puis ce message prend la forme d’un intermédiaire temporaire appelé ARN avant qu’il ne soit traduit en protéine. Quand les scientifiques ont regardé les fibres musculaires des souris MH, ils ont trouvé que les ARN codants pour le canal chlore et le canal sodique étaient moins abondants que dans les fibres normales.

Le Potassium, et d'autres ions, circule à travers des "canaux à ions". Les canaux à ions sont des protéines incroyablement compliquées qui laissent entrer dans la cellule ces ions chargés électriquement . Ici, nous voyons un canal potassique vu de l'extérieur de la cellule. Regardez de plus près. Il y a une sphère minuscule au centre, qui représente un ion potassium chargeant la cellule!
Le Potassium, et d'autres ions, circule à travers des "canaux à ions”. Les canaux à ions sont des protéines incroyablement compliquées qui laissent entrer dans la cellule ces ions chargés électriquement . Ici, nous voyons un canal potassique vu de l'extérieur de la cellule. Regardez de plus près. Il y a une sphère minuscule au centre, qui représente un ion potassium chargeant la cellule!

Donc s’ils ont vu juste – les problèmes électriques observés dans les fibres des muscles MH seraient associés au fait que les cellules des muscles ne produisent pas assez de copies de canaux spécifiques qui aident le muscle à travailler.

Qu’est-ce-que cela signifie pour la MH?

Une fois que vous êtes passés outre l’électrophysiologie et la génétique moléculaire, qu’est que cet article signifie pour la communauté de la maladie de Huntington ? Et bien, en premier lieu, il fait une observation intéressante : il y a des anomalies non seulement dans le cerveau mais aussi dans les fibres musculaires qui pourraient aider à expliquer les mouvements involontaires.

Cette découverte intéressante a besoin d’être remise en perspective. Tout d’abord, cette étude a été entièrement réalisée chez une souris modèle de la maladie. Bien que ce soit un modèle bien établi, il n’y a pas de garanti que nous retrouvions la même observation chez les patients humains, ce qui est, finalement, la seule chose qui nous importe. Plus important encore, nous sommes à l’heure actuelle loin d’être capable d’utiliser cela pour soigner la MH. Même si ces problèmes sont observés chez les patients humains, il faudrait encore trouver un moyen de les réparer.

Finalement, même si ces observations sont confirmées chez les humains et que des thérapies efficaces peuvent être imaginées (les fibres musculaires sont une cible plus facile à atteindre que le cerveau) ; celles-ci ne seraient efficaces que pour traiter les symptômes moteurs. Ceci ne devrait pas avoir d’effet sur les autres symptômes comme les anomalies de la personnalité et le déclin cognitif. Toutefois, Les aidants savent qu’atténuer ce symptôme serait extrêmement utile (diminuerait l’isolation) et les patients pourraient être physiquement moins assistés et plus facile à gérer.

Les médicaments utilisés à l’heure actuelle pour traiter les symptômes moteurs de la MH ont pour cible le cerveau. Cet article démontre que les muscles sont aussi des cibles potentielles pour un traitement ce qui ouvrent de nouvelles pistes de recherches. La médication du mouvement qui cible le cerveau a des effets secondaires notoires ; le type de thérapie de la MH suggéré dans ce papier pourrait aider à générer un nouveau type de traitement plus ciblé.

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