Par Dr Leora Fox Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Un nouvel essai clinique vient d’être annoncé pour 2015 ayant pour objectif de tester une thérapie visant à réduire l’expression de la huntingtine, un oligonucléotide antisens (ASO) qui attaque directement la huntingtine mutante. Nous sommes très enthousiastes – il s’agit du premier essai humain jamais réalisé dans le cadre de la MH pour combattre cette maladie à la racine du problème ; thérapie qui a présenté une grande promesse chez des modèles animaux. Quel est ce scoop ?

Un médicament potentiel visant le gène MH

L’essai clinique annoncé est issu d’une collaboration entre la société pharmaceutique Isis, basée en Californie, et le laboratoire pharmaceutique suisse Roche. Le médicament, appelé ASO-HTT-Rx, est une thérapie visant à traiter la maladie de Huntington en visant le gène mutant lui-même.

Tout comme une ébauche de clé est gravée avec une séquence spécifique de rainures, chaque ASO à une structure de base qui peut être modifiée pour l’aider à se lier au bon message cible, en ignorant les milliers d’autres messages dans la cellule
Tout comme une ébauche de clé est gravée avec une séquence spécifique de rainures, chaque ASO à une structure de base qui peut être modifiée pour l’aider à se lier au bon message cible, en ignorant les milliers d’autres messages dans la cellule

Le cœur du problème dans la maladie de Huntington réside dans un fragment défectueux de l’ADN – un long fragment supplémentaire de CAG, blocs de construction dans le gène huntingtin. Les instructions contenues dans le gène mutant sont d’abord copiées dans une copie intermédiaire ‘messager’ à partir de laquelle est produite la protéine nocive. Ainsi, le gène mutant est la source du problème, mais il est uniquement mauvais parce que des cellules utilisent les informations contenues dans celui-ci pour produire une protéine nocive.

La stratégie du médicament ASO-HTT-Rx est de “tuer le messager”, en s’attaquant à l’étape intermédiaire entre le gène et la protéine en provoquant la destruction de la copie messager.

Ces types de médicaments sont appelés des oligonucléotides antisens, ou ASOs. Il s’agit d’un ADN synthétique, semblable à une molécule, pouvant s’introduire dans des cellules, se lier à l’ARN messager huntingtin mutant et provoquer sa dégradation. Si cela fonctionne comme prévu, cette thérapie pourrait stopper la production de la protéine huntingtine - une stratégie “réduisant l’expression de la huntingtine” qui, à long terme, a le potentiel de ralentir ou de stopper la progression de la maladie.

Chaque ASO à une structure de base qui peut être modifiée pour l’aider à se lier au bon message cible, en ignorant les milliers d’autres messages dans la cellule. C’est un peu comme si vous alliez chez un serrurier pour obtenir une copie de clé – l’employé sélectionne une ébauche de clé correspondant à la vôtre, puis grave la séquence correcte des rainures pour l’adapter à votre serrure mais à aucune de celles de vos voisins. Dans le cas des ASOs, les scientifiques d’Isis utilisent une de leurs molécules constituant ‘la colonne vertébrale’ et la personnalisent, produisant le médicament pour combattre uniquement le message Huntingtin.

Tout cela ressemble à une technologie de pointe, mais la très bonne nouvelle est que la société Isis a, auparavant, testé des médicaments à base d’ASO dans des cerveaux humains dans le cadre de traitements expérimentaux pour la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Lou Gehrig ou maladie neurodégénérative des motoneurones de l'adulte) et l’amyotrophie spinale (AMS) et aucun problème relatif à l’innocuité n’a été signalé.

L'administration du médicament

Les ASOs diffèrent des traitements médicamenteux classiques par le fait qu’ils ne peuvent pas être pris par voie orale sous forme de comprimés mais doivent être administrés directement dans le système nerveux.

Pour atteindre le cerveau, ASO-HTT-Rx sera administré via une aiguille insérée dans l’espace rempli de liquide en dessous de l’extrémité inférieure de la colonne vertébrale. Si cela semble extrême, soyez rassurés, cette méthode est couramment utilisée dans de nombreux domaines de la médecine. Une stratégie semblable est utilisée par les médecins, dans le cadre du cancer, pour délivrer des médicaments de chimiothérapie chez des patients atteints de tumeurs cérébrales. Plus généralement encore, de nombreuses femmes reçoivent une injection ‘péridurale’ de médicaments contre la douleur pendant leur accouchement.

Avantage majeur des médicaments, comme ASO-HTT-Rx : les chercheurs pensent qu’ils peuvent être administrés de manière intermittente et être encore efficaces. Dans le cadre de la maladie de Huntington, les scientifiques ont surnommé cette approche d’un traitement intermittent ‘un congé huntingtin’, visant à donner au cerveau une pause de guérison des dommages causés par la protéine huntingtine.

«Des médicaments semblables à ASO-HTT-Rx ont rétabli sans risque des comportements sains chez des modèles animaux MH, et passer au traitement chez des individus est une étape passionnante pour toute la communauté MH. Aussi passionnante que soit la science, le premier essai prévu est uniquement conçu pour savoir si le médicament est sans danger. »

Une fois injecté dans le liquide céphalo-rachidien, il faut environ 4 à 6 semaines pour que l’ASO-HTT-Rx agisse, et aux termes d’études animales, nous pensons que le silençage peut alors durer quatre mois. Actuellement, l’étude est conçue afin que les patients reçoivent le traitement médicamenteux une fois par mois.

Tout d'abord, l'innocuité

La décision d’aller en avant avec un essai clinique débutant en 2015 résulte de plus de dix ans de travaux impliquant de nombreux chercheurs du monde universitaire et industriel. Lorsque des souris de laboratoire, modèles murins MH, ont été traitées avec l’ASO-HTT-Rx, celles-ci ont présenté de sérieux bénéfices ; même un traitement avec des ASOs après qu’elles aient présenté des symptômes conduit à une amélioration de leurs cerveaux et de leurs comportements.

Les chercheurs de la compagnie Isis et le Professeur Sarah Tabrizi, de l’University Collège London et responsable mondial de l’étude ASO-HTT-Rx, mettent l’accent sur le fait que ce premier essai clinique est uniquement conçu pour évaluer l’innocuité du traitement.

C’est un point crucial. Aussi passionnante que soit la science, le premier essai prévu est uniquement conçu pour savoir si le médicament est sans danger. L’injection de médicaments directement dans le système nerveux ne peut pas être faite à la légère – tous les risques éventuels et les effets secondaires doivent être examinés de manière exhaustive sur un petit nombre de patients volontaires.

L'anatomie d'un essai clinique

Tous les essais cliniques phase I ont pour objectif premier et principal d’évaluer l’innocuité et la tolérance de nouveaux médicaments. Cela signifie qu’un petit groupe de patients (probablement environ 36 patients) seront traités avec différentes quantités d’ASO-HTT-Rx dans le but de déterminer si le médicament a des effets secondaires indésirables et de trouver la dose optimale.

Environ 25% des patients concernés recevront une injection de placebo (ne contenant aucun médicament) pour servir de groupe de comparaison. Les médecins surveilleront les symptômes des patients en réponse au traitement mais le principal objectif de cet essai est de savoir si le nouveau médicament est sans danger.

Une fois le médicament jugé sans danger en Phase I, celui-ci peut évoluer vers la phase II. C’est lors de cette seconde étape que les médecins peuvent recruter un plus grand nombre de patients et commencer à examiner l’efficacité du médicament au niveau du traitement des symptômes de la maladie. Après avoir établi l’innocuité et la dose lors du premier essai, les chercheurs peuvent alors se poser la question « le traitement agit-il ou non sur les symptômes des personnes MH ? ».

Ce premier essai clinique est uniquement conçu pour évaluer son innocuité.
Ce premier essai clinique est uniquement conçu pour évaluer son innocuité.
Crédits graphiques: Shutterstock

Si les résultats de l’essai phase II sont positifs, un essai phase III impliquera encore un plus grand nombre de patients, examinant les effets secondaires, l’efficacité et l’innocuité du médicament. Le succès d’un essai Phase III est nécessaire aux compagnies pharmaceutiques aux fins d'obtenir l’approbation d’un médicament par les organismes règlementaires nationaux.

Qu’est-ce que cela signifie pour les patients MH ?

L’ensemble du processus pour commercialiser un médicament prend des années, même si tout se passe parfaitement bien. Si ASO-HTT-Rx se révèle sans danger dans l’étude Phase I, récemment annoncée, ce premier résultat sera seulement le début d’une longue route vers une application clinique. Chaque essai, le long de ce chemin (Phases I, II et III), impliquera un nombre relativement faible de patients traités. En outre, au sein de chacun de ces essais, quelques volontaires recevront un traitement placebo afin de servir de groupe de comparaison pour les patients recevant ASO-HTT-Rx.

Dans l’essai Phase I concernant l’ASO-HTT-Rx, les patients seront recrutés à partir de quelques centres médicaux situés en Europe et au Canada. Un petit ensemble de centres de recherche MH, qui sera annoncé au début de l’année 2015, cherchera à recruter des participants à l’essai. Les recrues seront des personnes aux premiers stades de la maladie de Huntington mais les critères spécifiques d’inclusion, les lieux et le calendrier, n’ont pas encore été rendus publiques. Nous savons avec certitude qu’une planification détaillée se passe en coulisses et que tout le monde travaille dur pour faire avancer cet essai le plus rapidement possible.

Innocuité, incertitude, espoir

En résumé, nous sommes très contents qu’un premier essai humain portant sur un médicament ciblant le coeur du problème de la maladie de Huntington puisse débuter dès l’année prochaine. Cet enthousiasme est tempéré par la prise de conscience que ce premier essai porte sur une question de sécurité, implique seulement un très petit nombre de patients MH et que de nombreux détails de l’étude sont encore incertains.

Des médicaments semblables à ASO-HTT-Rx ont rétabli sans risque des comportements sains chez des modèles animaux MH, et passer au traitement chez des individus est une étape passionnante pour toute la communauté MH. Nous suivrons les progrès de l’essai avec attention, de sorte que nous espérons pouvoir fournir des doses intermittentes d’optimisme prudent.

Les rédacteurs en chef de HDBuzz, les Docteurs Ed Wild et Jeff Carroll ont, tous deux, mené des recherches en collaboration avec la compagnie pharmaceutique Isis, qui leur a fourni des ressources de recherches non financiers. Le Dr Wild travaille sous la direction du Professeur Sarah Tabrizi, responsable mondial de l’essai ASO-HTT-Rx. Le Dr Carroll est un inventeur nommé sur un brevet impliquant un oligonucléotide antisens ciblant le gène huntingtin mutant ; la technologie de ce brevet n’est pas utilisée pour l’étude ASO-HTT-Rx dans laquelle il n’a aucun intérêt financier Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...