Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Les cerveaux des patients MH semblent avoir des problèmes, ne produisant pas suffisamment d’énergie. Un apport d’énergie pourrait être utile dans le cadre de la maladie de Huntington, mais l’obtention d’un carburant supplémentaire dans le cerveau est difficile. Une nouvelle étude menée en France révèle qu’alimenter des patients MH avec un type particulier de matière grasse a amélioré les taux d’énergie de leurs cerveaux. Celle-ci ouvre la porte à de nouvelles études aux fins de tester si cette amélioration au niveau de l’énergie pourrait être utile pour les symptômes MH.

La combustion des graisses dans le cerveau ?

De nombreux tissus de l’organisme ont la capacité de brûler différents combustibles pour produire de l’énergie. Des tissus cellulaires, tels que le foie, ou les muscles, peuvent décomposer la graisse, le sucre ou des protéines pour obtenir le carburant dont ils ont besoin pour continuer à fonctionner. S’il n’y a pas beaucoup de sucre autour d’elles, ces cellules sont heureuses de pouvoir obtenir leur énergie ailleurs.

La triheptanoïne peut être prise sous la forme d'une huile synthétique. Dans cette petite étude, elle améliore la signature énergétique du cerveau sur une IRM particulière.
La triheptanoïne peut être prise sous la forme d'une huile synthétique. Dans cette petite étude, elle améliore la signature énergétique du cerveau sur une IRM particulière.

Mais le cerveau est différent. Normalement, celui-ci utilise uniquement un type de sucre, appelé le glucose, pour l’énergie. Il ne peut pas faire grand-chose avec d'autres sources d'énergie, telles que la graisse. Nous nous sentons étourdis lorsque nous avons réellement faim car l’hypoglycémie est une mauvaise nouvelle pour le cerveau, lequel mange beaucoup de glucose.

Dans certaines circonstances, comme le régime, l’organisme n’a plus de sucre. Pendant ces périodes, le foie produit un type particulier de carburant cérébral, appelé corps cétoniques, pour empêcher le cerveau d'être affamé.

Pendant des siècles, il a été observé que lorsque les personnes étaient affamées de cette façon, leurs cerveaux fonctionnaient différemment. En fait, pour certaines personnes atteintes d’épilepsie, ce type de régime peut réduire la gravité de leurs crises. Les scientifiques se sont intéressés au fait de savoir si ce type de régime pourrait être utile dans le cadre de la maladie de Huntington, car quelques récentes études sur les souris suggèrent qu’il peut avoir certains avantages.

La triheptanoïne

Demander aux personnes d’être affamées chaque jour, même si cela peut être utile pour leur cerveau, est une façon difficile pour traiter les maladies du cerveau. Les scientifiques se sont donc intéressés à la recherche de moyens plus agréables pour nourrir le cerveau d’une manière qui pourrait être bénéfique.

Un traitement a été découvert : il s’agit d’un type de matière grasse, appelé la triheptanoïne. Celle-ci a une propriété particulière : lorsqu’elle est décomposée, cela conduit le foie à produire des corps cétoniques, sans avoir recours à la famine.

Rappel : ces corps cétoniques sont des substances chimiques normalement produites par le foie pendant la famine, mais la triheptanoïne ‘trompe’ le foie, celui-ci les produisant sans sauter de repas.

Premier essai de la triheptanoïne sur les muscles MH

Un groupe de scientifiques dirigé par Fanny Mochel et Alexandra Dürr, de l’Institut de la Santé et de la recherche Médicale à Paris, s’intéresse depuis longtemps à l’utilisation de la triheptanoïne dans le cadre de la maladie de Huntington. Celle-ci peut être avalée sous la forme d’une huile synthétique. En 2010, ils ont publié une courte étude suggérant que la prise de triheptanoïne par un petit nombre de patients MH était bien tolérée.

«L’importante question est de savoir si le traitement à base de triheptanoïne va conduire à des améliorations durables des symptômes ou à un ralentissement de l’évolution de la MH. Ce court essai clinique ne peut pas répondre à cette question. »

Ils ont également trouvé des indices intéressants selon lesquels certains problèmes d’énergie des cellules musculaires chez les patients MH étaient remédiés grâce à ce court traitement à base de triheptanoïne. Il s’agit de résultats intéressants mais évidemment, les scientifiques se sont intéressés à voir si ce traitement pourrait être plus utile au cerveau qu’aux muscles.

Comment allons-nous examiner les problèmes d’énergie dans le cerveau ?

Depuis cette publication, Mochel et ses collègues ont travaillé aux fins de développer des moyens pour observer des problèmes énergétiques du cerveau dans le cadre de la maladie de Huntington. Ils ont trouvé un moyen ingénieux de stimulation du cerveau en utilisant des signaux visuels pour rechercher les modifications chimiques liées à l’énergie.

Fondamentalement, ils profitent du fait que la partie de notre cerveau qui traite ce que nous voyons est située en arrière du cerveau et qu’il est ainsi assez facile de prendre des photographies à travers le crâne en utilisant un aimant particulier.

Cette nouvelle technique a montré que, lorsqu’une image était présentée à des personnes sans mutation MH, la partie du cerveau responsable du traitement de l’information visuelle commençait à utiliser plus d’énergie. Mais les cerveaux MH ne font pas cela si bien, suggérant que quelque chose ne va pas s’agissant de leur capacité à utiliser l’énergie.

Nouvel essai sur la triheptanoïne

Armés d’un moyen pour examiner les modifications d’énergie du cerveau dans le cadre de la maladie de Huntington, Mochel et ses collègues sont retournés à la clinique. Cette fois, ils ont tout d’abord réalisé des scanners cérébraux aux fins de voir comment les cerveaux des patients utilisaient l’énergie. Encore une fois, ils ont constaté cette étrange incapacité à activer la partie visuelle du cerveau des patients MH.

Par la suite, ils ont alimenté dix patients MH avec de l’huile triheptanoïne pendant un mois. Les patients consommaient un gramme de triheptanoïne par jour par kilogramme de poids corporel. Pour la moyenne nord américaine, cela signifie environ 80 grammes par jour, divisées sur 3-4 repas.

Après un mois de ce traitement, les personnes sont retournées réaliser des scanners cérébraux répétés. L’incapacité à activer la partie visuelle du cerveau chez les patients MH, après un mois de traitement à base de triheptanoïne, s’est améliorée, et ressemblait plus à ce qui se passe dans le cerveau de personnes sans mutation MH.

Les IRM ont été utilisées pour détecter des changements dans la consommation d'énergie du cerveau pendant la stimulation visuelle. Les patients traités avec la Triheptanoïne avaient des signatures énergétiques plus saines.
Les IRM ont été utilisées pour détecter des changements dans la consommation d'énergie du cerveau pendant la stimulation visuelle. Les patients traités avec la Triheptanoïne avaient des signatures énergétiques plus saines.

Il y a deux remarques importantes s’agissant de cet essai. Premièrement, il a concerné un petit nombre de patients, augmentant le risque de résultats paraissant positifs arrivant par hasard. Deuxièmement, il s’agissait d’un essai clinique en ouvert, ce qui signifie que les chercheurs et les patients savaient lorsque la triheptanoïne était prise. Il est possible que cette connaissance puisse modifier la performance des patients pendant les tests de scan et conduire à des résultats paraissant être meilleurs que ce qu’ils ne le seraient.

Science passionnante – et maintenant ?

Du point de vue des scientifiques, c’est une chose vraiment cool. Elle suggère que nous pouvons modifier la façon dont le cerveau utilise l’énergie en modifiant l’alimentation des personnes. Et cela nous donne un outil très spécifique, la triheptanoïne, laquelle semble résoudre certains changements d’énergie du cerveau observés dans le cadre de la maladie de Huntington. Bien plus, des scanners particuliers nous donnent un moyen d’évaluer rapidement si de tels traitements valent la peine d’être soumis à des études plus vastes.

Mais nous ne savons pas encore ce que cela signifie sur le long terme pour la maladie de Huntington . L’importante question est de savoir si le traitement à base de triheptanoïne va conduire à des améliorations durables des symptômes ou à un ralentissement de l’évolution de la MH. Ce court essai clinique ne peut pas répondre à cette question. Les changements observés par des scanners semblent positifs mais le véritable test est de savoir si ces améliorations prédisent un effet bénéfique du médicament sur les symptômes ou sur l’évolution de la maladie.

La seule façon de comprendre cela est de lancer un essai sur la triheptanoïne d’une plus longue durée – en double aveugle afin que personne ne sache qui a obtenu le traitement actif – afin de voir si ces changements d’énergie dans le cerveau conduisent à des améliorations durables des symptômes MH. Vous pouvez être sûrs qu’un tel essai est dans l’esprit de tous les scientifiques qui ont mené cet essai, et nous sommes impatients de connaître les prochaines étapes.

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