Par Mr. Shawn Minnig Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Ces derniers jours ont vu une foule de nouvelles informations concernant l'utilisation d’une chose appelée l'édition du génome en tant que thérapie potentielle pour des maladies génétiques, telles que la maladie de Huntington. Ces approches, incluant des outils aux noms exotiques comme les nucléases à doigts de zinc et CRISPR/Cas9, diffèrent des méthodes plus traditionnelles de réduction de l’impact de la mutation MH sur les cellules. Quoi de neuf s’agissant de ce domaine de recherche passionnant ?

Diminution de la huntingtine : petit rappel

Il y a eu récemment beaucoup d’enthousiasme autour de l’avancée d’un nouveau traitement de diminution de la huntingtine, parfois appelé silençage génique. Le premier de ces médicaments à atteindre des essais cliniques humains dans le cadre de la MH, appelé oligonucleotides antisens (ASO’s), réduit la quantité de protéine huntingtine mutante nuisible créée par une cellule, et limite en fin de compte les dommages que cette dernière peut causer.

Votre ADN ressemble à un plan directeur avec des instructions pour vous "construire", alors que l'ARN messager ressemble aux copies individuelles du plan qui sont fournies aux ouvriers afin de construire efficacement.
Votre ADN ressemble à un plan directeur avec des instructions pour vous “construire”, alors que l'ARN messager ressemble aux copies individuelles du plan qui sont fournies aux ouvriers afin de construire efficacement.

Ceux qui ont suivi les actualités de la recherche savent que le premier essai d’évaluation sur l’innocuité des ASO’s chez des patients humains est actuellement en cours (http://en.hdbuzz.net/204), mais certains lecteurs pourraient également se rappeler que les ASO’s ne sont pas les seuls joueurs dans la ville lorsqu’il s’agit de méthodes innovatrices pour réduire la protéine huntingtine nuisible.

En fait, deux autres nouvelles techniques thérapeutiques, connues sous les noms de nucléases à doigts de zinc et CRISPR, ont récemment donné lieu à une certaine effervescence. Bien que nous ayons abordé auparavant ces deux approches (http://en.hdbuzz.net/023), un examen rapide quant à leur fonctionnement et différences entre elles sera utile pour comprendre certaines nouvelles avancées.

Vous vous souvenez probablement, de vos premiers apprentissages en biologie, que votre ADN fournit un ensemble détaillé d’instructions sur la façon de fabriquer … eh bien … vous ! Chaque cellule de votre corps ressemble beaucoup à un chantier de construction, et votre ADN est le plan directeur comportant des instructions pour prendre les blocs de construction les plus élémentaires (appelés les acides aminés) et les transformer en protéines fonctionnelles, lesquelles contribuent à toutes vos caractéristiques uniques, et à s’assurer que les choses continuent à fonctionner en douceur dans votre corps.

Nous appelons des gènes les instructions ADN pour la fabrication de protéines spécifiques, et nous avons tous deux copies du gène fabriquant une protéine importante appelée huntingtine. Les symptômes associés à la maladie de Huntington se produisent car l’un de ces ensembles d’instructions génétiques a développé une erreur aboutissant à la fabrication incorrecte de la protéine huntingtine. Chez la vaste majorité des patients MH, cela conduit à deux types de protéine huntingtine : une protéine huntingtine mutante qui ne fonctionne plus correctement et une protéine huntingtine saine qui fonctionne correctement.

Passons à la construction …

A l’intérieur de chaque cellule de notre corps, notre ADN est stocké et protégé profondément dans un endroit appelé noyau, tout comme le plan directeur pour un bâtiment qui a été enfermé dans le bureau du chef de chantier afin d’éviter qu’il ne soit endommagé.

Un chantier de construction réel serait très lent et inefficace si chaque employé devait se rendre dans le bureau du chef de chantier pour utiliser le même ensemble d’instructions lors de la construction, et il en est de même pour nos cellules.

Pour éviter ce problème, une copie de travail des instructions est réalisée, laquelle est utilisée comme un modèle pour la fabrication des protéines. Cette copie de travail est appelée ARN messager, ou mRNA, et est obtenue à partir de l’ADN original et envoyée dans la cellule où elle est utilisée pour fabriquer de nombreuses copies de la même protéine(s) à une plus grande échelle.

Si notre ADN est comme le plan directeur original, alors l’ARN messager ressemble beaucoup aux copies individuelles du plan qui sont fournies par le chef de chantier à son équipe afin qu’elle commence à construire efficacement. Cela peut sembler confus mais pour la suite, vous devez connaître les trois étapes impliquées dans la fabrication d’une protéine : ADN ->mRNA -> protéine.

ASO’s, doigts de zinc et CRISPR : même but, différents moyens

Il est important de faire une distinction entre le gène MH situé dans l’ADN et celui situé dans l’ARN messager car ils sont ciblés différemment par le développement rapide de thérapies portant sur la réduction de la huntingtine. Il s’agit notamment de différentes techniques telles que les ASO’s, les doigts de zinc, ainsi qu’une nouvelle approche appelée CRISPR/Cas9. D’une façon ou d’une autre, toutes ces techniques thérapeutiques ont le même objectif – réduire la quantité de protéine huntingtine mutante nuisible produite dans une cellule – mais elles vont accomplir cet objectif de manière très différente.

Parmi les trois options, celle des ASO’s a probablement le plus d’ancienneté, ce qui pourrait ne pas vous surprendre puisqu’elle a été la première à être évaluée chez les patients MH. Les ASO’s agissent en intimant aux cellules de tuer le messager, en l’espèce l’ARN messager intermédiaire transportant les instructions ADN en vue de la production d’une protéine. Dans une cellule traitée, les médicaments ASO se lient littéralement à l’ARN messager fournissant les instructions pour la production de la protéine huntingtine mutante nuisible et convainquent la cellule de le hacher afin que la protéine ne puisse plus être produite.

De nombreux scientifiques et personnes de la communauté MH sont très enthousiastes par l’avancement de la thérapie ASO en tant qu’option de traitement pour la MH mais le fait demeure que cette thérapie ne cible pas la principale cause de la MH (le gène MH défectueux codé dans l’ADN d’une personne) et il reste une étape à éliminer en ciblant l’ARN messager. Dans la mesure où le gène mutant est encore présent dans l’ADN, l’ARN messager mutant et la protéine continueraient à être produits dans les cellules traitées par les ASO’s. Ce qui signifie, pour autant que nous le comprenions aujourd’hui, qu’un traitement avec des ASO’s devrait se poursuivre tout au long de la vie.

Contrairement à la réduction de la huntingtine à l’aide d’ASO’s, des techniques plus récentes, à savoir les nucléases à doigts de zinc et CRISPR/Cas9, sont toutes deux une forme de technique d’édition du génome. Ces nouveaux outils étonnants permettent aux scientifiques de cibler la principale source du problème dans la MH, l’ADN mutant lui-même. Ceux-ci leur permettent de cibler précisément un emplacement spécifique dans l’ADN (tel que les instructions pour la production de la protéine huntingtine), puis d’effectuer un certain nombre de trucs.

Un de ces trucs qu’ils peuvent faire est d’agir comme une sorte de signal d’arrêt pour la cellule. Lorsque le mécanisme qui lit normalement l’ADN arrive au gène MH mutant, des outils d’édition du génome conçus de manière appropriée peuvent le désactiver – lui intimant de ne pas effectuer son travail sur ce gène précis. Il en résulte qu’aucun ARN messager ou protéine n’a été produit. Notez que cela est différent de la manière dont agissent les ASO’s, lesquels détériorent l’ARN messager déjà produit.

Un nouvel outil important d’édition du génome, appelé **CRISPR/Cas9, a récemment rendu de nombreuses personnes très enthousiastes. Ces outils, empruntés à certaines espèces bactériennes qui les utilisent comme une sorte de système immunitaire, permettent aux cellules d’insérer des séquences ADN étrangères dans leur propre ADN. Des hommes vraiment intelligents ont pris ces outils à partir de bactéries et les ont remaniés pour permettre aux scientifiques de réaliser des coupes précises dans l’ADN à des séquences spécifiques.

En théorie, et en laboratoire, les techniques CRISPR peuvent être utilisées pour découper des séquences ADN spécifiques afin que la cellule ne puisse plus lire un gène. Elles peuvent également être utilisées pour guider les cellules à réaliser des modifications spécifiques aux séquences ADN – voire même, en théorie, à réparer des mutations, comme celle responsable de la MH. Cibler la cause de la MH à sa racine (le gène MH) garantirait que l’ARN messager huntingtin mutant et la protéine huntingtine mutante ne soient plus produits et qu’ils ne puissent plus causer de dommages.

La sécurité d’abord !

Si vous vous demandez pourquoi nous ne testons pas ces nouveaux outils en tant que médicaments, c’est parce que beaucoup de choses s’imposent dans le pipeline de développement de médicaments afin de s’assurer que le produit final est à la fois sans danger et efficace avant de pouvoir être testé chez des patients MH.

Tout d’abord, les scientifiques doivent trouver les moyens d’apporter ces médicaments au cerveau, à l’endroit où la protéine huntingtine mutante cause la plupart de ses dommages. C’est difficile, notre cerveau est particulièrement efficace pour garder des choses qui pourraient être nuisibles, et malheureusement il n’est pas disposé à donner à ces médicaments un laisser-passer gratuit. Si nous essayons de mettre ces médicaments dans une pilule ou de les injecter dans notre sang, notre organisme les décomposerait et les rendrait inutiles bien avant qu’ils n’atteignent le cerveau.

«D’une façon ou d’une autre, toutes ces techniques thérapeutiques ont le même objectif – réduire la quantité de protéine huntingtine mutante nuisible produite dans une cellule – mais elles vont accomplir cet objectif de manière très différente. »

Dans la mesure où les ASO’s ont une plus longue ancienneté, les scientifiques ont eu un peu plus de temps pour résoudre ce problème, bien que leur solution soit encore loin d’être parfaite. Les ASO’s actuellement utilisés dans le cadre d’un essai MH humain doivent être injectés dans le liquide céphalo-rachidien, dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière. Nous avons toutes les raisons de croire que cela va fonctionner mais cela est évidemment plus compliqué que d’avaler une pilule.

Des outils d’édition du génome, tels que CRISPR et les doigts de zinc sont encore plus compliqués à mettre en place que leurs homologues, les ASO’s. C’est parce qu’en fait ils sont eux-mêmes des protéines, et sont difficiles à administrer intacts dans les cellules.

Pour contourner ce problème, les chercheurs utilisent des virus inoffensifs pour transporter les instructions ADN de production de ces protéines dans les cellules cérébrales. A partir de là, les cellules sont induites à utiliser le même mécanisme qu’elles utilisent pour construire leurs propres protéines aux fins de produire des outils d’édition du génome, transformant essentiellement les cellules en usines pour leurs propres médicaments !

Quoi de neuf avec les doigts de zinc ?

N’étant pas de ceux qui reculent devant un bon défi, de nombreuses équipes de recherche ont travaillé dur pour résoudre les problèmes précités afin de progresser vers l’application de ces nouvelles techniques à la maladie de Huntington. Ainsi, HDBuzz avait rapporté qu’un groupe de chercheurs espagnol avait testé un nouveau médicament doigts de zinc, lequel a montré quelques effets bénéfiques chez un modèle murin MH lors d’une étude à court terme (article novembre 2012).

Récemment, la même équipe de recherche, menée par Mark Isalan, qui réside actuellement au Royaume-Uni à Londres, Imperial College, a conçu et testé une version actualisée de leur médicament afin de voir s’il était possible d’améliorer ses effets pendant une plus longue période et de réduire la réaction immunitaire néfaste y associée dans le cerveau avec l’administration du médicament en utilisant des AAV’s.

Après quelques essais biochimiques intenses, Isalan et ses collègues ont pu démontrer que leur nouveau candidat doigt de zinc, amélioré, était plus efficace que leur précédente version pour réduire la protéine huntingtine mutante nuisible, était plus pérenne, était plus sélectif en ciblant uniquement le gène MH, et présentait un meilleur profil d’innocuité.

Il s’agit de résultats vraiment très excitants, et toutes les avancées positives font de la thérapie doigts de zinc une option viable pour le traitement de la maladie de Huntington. Ce travail lent et patient sur les doigts de zinc est similaire à ce qui s’est passé avec les médicaments ASO, lesquels ont plusieurs années d’avance sur les outils d’édition du génome.

Qu’en est-il de CRISPR ?

En dépit d’être considérée comme le moyen le plus précis pour réaliser l’édition du génome, la technologie CRISPR est toujours le « petit nouveau » et les scientifiques ont eu beaucoup moins de temps pour régler les problèmes qu’avec les autres techniques.

Lors d’une évolution intéressante de l’utilisation de CRISPR en tant qu’option thérapeutique dans le cadre de la MH, une équipe de chercheurs, menée par Jong-Min Lee de l’Hôpital Général du Massachusetts, a récemment développé un concept CRISPR qui permet de supprimer de manière sélective la copie mutante, mais non sauvage, du gène MH dans des cellules cultivées dans des boîtes de Pétri. Profitant de la capacité de ciblage très spécifique de CRISPR, cette équipe a été en mesure d’ordonner aux cellules traitées de découper le gène MH mutant, tout en laissant intacte la copie saine.

Bien sûr, c’est une chose de montrer qu’un médicament est efficace sur des cellules cultivées dans des boîtes de Pétri, et entièrement autre chose de montrer qu’il peut être efficace lorsqu’il est testé sur un organisme vivant. Ceci est particulièrement vrai avec des techniques comme CRISPR – pour autant que nous le sachions aujourd’hui, nous avons besoin d’un virus pour transmettre des instructions à chacune de nos 100 milliards de cellules cérébrales pour sauver chacune d’entre elles des effets du gène MH mutant.

Autre risque : CRISPR et d’autres outils d’édition du génome modifient définitivement l’ADN. Cela est différent avec des médicaments comme les ASO’s qui sont en fait supprimés du cerveau, signifiant que leurs effets s’usent au fil du temps s’ils ne sont pas administrés à nouveau.

Au début, cette idée semble fantastique ! Si nous pouvions soigner la MH avec un seul traitement, nous aimerions certainement être en mesure de le faire. Cependant, nous sommes encore incertains sur les effets à long terme associés à la suppression définitive du gène MH et à la réduction de la quantité de protéine huntingtine que celle-ci entraîne, qu’il s’agisse du gène mutant ou non. Il est possible que la suppression définitive du gène MH puisse conduire à de graves problèmes de santé, de variétés différentes, qui apparaîtront plus tard, et nous devrons consacrer un temps considérable à étudier ses effets avant de savoir si cette suppression est sans danger.

Et après ?

Il y a encore beaucoup de travail à réaliser avant que des techniques d’édition du génome, telles que les doigts de zinc et CRISPR, puissent devenir des options viables pour la maladie de Huntington, mais la recherche présentée ici montre que nous avons franchi des pas importants dans l’accomplissement de cet exploit.

Bien que la récente étude montre que la thérapie doigts de zinc est efficace chez un modèle murin MH – dont le cerveau est plus petit qu’un centime – il sera beaucoup plus difficile de montrer qu’elle peut être efficace chez les hommes, dont le cerveau est beaucoup plus gros, plus complexe, et celle-ci présente de nombreux autres défis à surmonter. La thérapie CRISPR prendra probablement encore plus de temps puisque nous sommes aujourd’hui seulement en train d’arriver au stade où nous pouvons faire des plans pour tester son efficacité chez des modèles murins MH.

Cependant, ce n’est pas une raison pour se décourager, et en fait, nous pensons que c’est tout le contraire ! La partie la plus excitante de la recherche actuelle est qu’elle montre que nous avons plusieurs flèches à notre arc alors que nous essayons de développer un traitement de réduction de la huntingtine. Même s’il s’avère qu’une option ne fonctionne pas comme nous l’espérions, nous réalisons des progrès constants en développant de nouvelles thérapies qui peuvent également fournir des traitements efficaces pour la maladie de Huntington.

Cette idée est celle que beaucoup commence à saisir rapidement – récemment, deux compagnies pharmaceutiques, Sangamo Biosciences et Shire Pharmaceuticals, ont joint leurs forces pour accélérer leurs efforts dans le développement du traitement à doigts de zinc en tant qu’option thérapeutique pour la maladie de Huntington. Bien qu’il faudra un certain temps pour aplanir les difficultés, nous pensons qu’il ne s’agira que d’une question de temps avant que la même chose ne devienne vraie pour CRISPR. Personnellement, nous pensons que les progrès réalisés jusqu’à présent ont de quoi nous réjouir !

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