Par Joel Stanton Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Jeff et Ed rendent compte de la conférence thérapeutique portant sur la maladie de Huntington - le plus grand rassemblement annuel de chercheurs MH. La conférence de cette année est plus importante et plus passionnante que jamais.

Mardi matin - la substance blanche

Bonjour de Palm Springs ensoleillée, et premier jour de la conférence thérapeutique MH ! Ce matin, nous débutons la séance par le dysfonctionnement de la “substance blanche” dans la MH.

Regardez combien d'approches différentes pour la diminution de la huntingtine sont développées !
Regardez combien d'approches différentes pour la diminution de la huntingtine sont développées !

Les câbles que les cellules du cerveau utilisent pour se parler sont isolés avec une substance blanche grasse appelée “myéline”, laquelle a une couleur blanchâtre. Dans le cerveau, la myéline n'est pas produite directement par les neurones mais par un type spécial de cellules de soutien du cerveau appelé un “oligodendrocyte”.

Richard Lu s'intéresse au dysfonctionnement de la substance blanche dans la maladie de Huntington et ses premiers travaux ont identifié les gènes importants pour la formation des oligodendrocytes. Les travaux de Lu ont identifié des médicaments qui augmentent les capacités de la cellule à produire de la substance blanche, notamment après des dommages ou blessures. Un traitement avec ces médicaments s'est révélé utile pour aider des animaux à récupérer de dommages nerveux, suggérant que ceux-ci sont capables d'aider à reconstruire la substance blanche. Lu pense que ces médicaments peuvent être utiles dans le cadre de la MH où l'on observe une perte de cette substance, une idée qui mérite certainement d'être testée chez des modèles animaux MH.

Peter McColgan s'intéresse également aux changements de la substance blanche dans le cadre de la MH qu'il étudie à l'aide de techniques d'imagerie de haute technologique chez les humains porteurs de la mutation MH. Lors d'études, telles que TRACK-HD, des changements dans la quantité de substance blanche ont été observés dans le cadre de la MH même avant l'apparition des symptômes, mais pourquoi ? Et pourquoi certaines de ces connexions sont plus vulnérables aux dommages que d'autres ?

Nous pouvons utiliser le fait que ces connexions ressemblent à de minuscules tuyaux de drainages remplis d'eau, que l’on peut étudier à l'aide de scanners IRM à “diffusion” spéciaux. L'eau peut se déplacer le long des tuyaux mais pas dans d'autres directions. Le scanner IRM peut déceler cela. Si l'eau se déplace dans des directions inattendues, celui-ci peut indiquer que les tuyaux sont endommagés. Cela change leur apparence sur les scans. Différentes types de cellules cérébrales pourraient être responsables de l'altération de ces connexions dans le cerveau MH, y compris les neurones ou les cellules dont le rôle est de les soutenir en fabriquant de la myéline pour isoler leurs connexions. Le cortex - la partie externe plissée de notre cerveau, très importante pour la réflexion - est formé de deux couches distinctes, un peu comme les anneaux de croissance des arbres. Ces nouveaux scanners sont assez sensibles pour observer et étudier ces couches individuelles, plutôt que d'étudier tout le cortex. Les couches du cortex sont reliées à différentes parties du cerveau ; il est donc important de comprendre de quelle manière le cortex change, couche par couche, pour comprendre le cerveau MH.

Govinda Poudel s'intéresse également aux troubles de la communication dans les cerveaux des patients MH, et utilise différentes types d'imagerie pour cartographier ces changements. En particulier, les connexions entre le cortex - la partie externe rugueuse du cerveau - et une partie profonde du cerveau appelée le striatum. Ces régions sont reliées par des autoroutes de liaison, lesquelles sont isolées avec la substance blanche. Les recherches de Poudel ont identifié des liens spécifiques entre le cortex et le striatum, lesquels sont particulièrement vulnérables à la dégradation chez les patients MH. Ces changements dans les connexions cortex/striatum se produisent parallèlement aux symptômes MH, ce qui suggère que les troubles de la communication pourraient directement contribuer aux symptômes qui préoccupent les patients MH.

Dorian Pustina, de CHDI, tente de combiner différents types d'IRM d'une même personne afin d'obtenir le plus d'informations utiles sur la manière dont la MH affecte le cerveau. Les études TRACK-HD et TrackOn-HD se sont terminées il y a des années mais les données recueillies continuent à nous donner de nouvelles informations lorsque de nouvelles méthodes imaginatives sont utilisées pour les analyser. L'imagerie volumétrique nous dit ce qu'il y a à l'intérieur du crâne. L'imagerie fonctionnelle utilise le flux sanguin pour nous dire ce que fait le cerveau. L'imagerie de la substance blanche nous informe sur les connexions entre les zones cérébrales. Pustina a combiné les trois afin d'examiner les changements cérébraux précoces dans le cadre de la MH. Ces travaux ont été réalisés avec la société IBM qui dispose de la puissance nécessaire pour combiner et analyser de grands ensembles de données. Il a constaté qu'en ajoutant les données de base sur la connexion de la substance blanche aux informations déjà connues sur les patients (âge, nombre de répétitions CAG), nous disposions d'une puissance supplémentaire pour prévoir l'ampleur de l'atrophie cérébrale dans les mois suivants. Cependant, il y a une note de prudence - tout dépend de la façon dont les analyses sont obtenues et il est nécessaire de normaliser et optimiser cela dans toutes les études.

Mardi après-midi - Diminution de la huntingtine

L'après-midi a porté sur une session vraiment passionnante, consacrée à la “diminution de huntingtine” - des thérapies visant à réduire les taux de la protéine huntingtine et des ARN messagers.

Tout d'abord, Paulina Konstantinova de UniQure qui développe une approche de thérapie génique de diminution de huntingtine. Pour en savoir plus sur les récents progrès - ici.

L'approche de UniQure repose sur un virus minuscule et inoffensif, appelé virus adéno-associé (AAV), lequel contient des instructions pour la recette d'un gène aidant des cellules ciblées à diminuer les taux de huntingtine. Le nom officiel du virus de UniQure, s'agissant de la diminution de huntingtine, est “AMT-130”. Dans la mesure où ces virus ne peuvent pas accéder eux-mêmes au cerveau, ils doivent être injectés à l'aide d'aiguilles très fines dans le tissu cérébral.

UniQure prévoit de commencer un essai chez des patients atteints d'une MH manifeste précoce (similaire à l'approche utilisée jusqu'à présent dans d'autres essais de diminution de huntingtine). UniQure a testé leurs virus dans des cellules et chez six modèles animaux MH différents. Konstantinova a décrit des expériences spécifiques sur des modèles porcins de la MH. Il est important de travailler avec de grands animaux comme ceux-ci, dont le cerveau est plus gros que celui de la souris.

Nous avons entendu parler de plusieurs approches de "thérapie génique" pour diminuer la production de la huntingtine - celle-ci est UniQure qui vient d’être approuvée par la FDA pour des essais humains.
Nous avons entendu parler de plusieurs approches de “thérapie génique” pour diminuer la production de la huntingtine - celle-ci est UniQure qui vient d’être approuvée par la FDA pour des essais humains.

Un avantage des thérapies virales est qu'elles peuvent durer très longtemps, même après une seule injection. Konstantinova a présenté des données montrant une diminution de la huntingtine dans le cerveau du porc un an après une injection unique d'AMT-130. Le virus a réduit les taux de la protéine huntingtine dans d'importantes régions profondes du cerveau vulnérables aux lésions engendrées par la MH. Dans le striatum, la réduction de la protéine huntingtine mutante était supérieure à 70%. Konstantinova a présenté les tentatives d'UniQure pour identifier des “biomarqueurs” ou des tests de laboratoire pouvant être réalisés pour évaluer l'impact de la diminution de la huntingtine dans le cerveau. Il est intéressant de noter que 6 mois après une seule injection, les porcs MH présentent une diminution de la huntingtine dans le liquide céphalorachidien de 25% à 70% environ ; ce qui suggère que les diminutions de la huntingtine chez des animaux traités (et espérons-le chez les humains) pourraient être surveillées sans prélèvement d'échantillons de tissus cérébraux. UniQure a découvert que leurs molécules de diminution de la huntingtine se propageaient entre les cellules cérébrales, ce qui pourrait expliquer pourquoi une seule injection de virus permet une telle distribution dans le cerveau. Le mois dernier, la FDA a approuvé le premier essai humain de UniQure portant sur l'AMT-130 qu'elle espère débuter au cours du premier semestre 2019.

L’intervenant suivant est Dinah Sah, de Voyager Thérapeutics, qui développe également une thérapie de diminution de la huntingtine basée sur la diffusion d'instructions via des AAV qui apprennent aux cellules cérébrales ciblées comment réduire les taux de la huntingtine. Le médicament s'appelle VY8HTT01. Il existe des différences très subtiles s'agissant de la charge active des virus en cours de développement par Voyager et par UniQure, mais les deux aboutissent finalement à des réductions de la huntingtine dans des cellules ciblées. Il est intéressant de noter que Voyager propose d'injecter leur médicament dans le thalamus - une partie du cerveau moins impliquée dans la MH que le striatum, mais qui est fortement connectée à d'autres régions, ce qui lui permettrait de propager plus largement le virus. L'administration du virus dans le thalamus a entraîné son apparition dans le cortex, où la huntingtine est diminuée dans des neutrons corticaux isolés. Il reste à voir de quelle manière l'approche de la diminution de la huntingtine de Voyager permet d'atteindre un modèle animal MH avec un gros cerveau.

Il est très intéressant de voir ces différentes approches d'administration virale d'agents réducteurs de la huntingtine - et il est important d'essayer autant que possible d'identifier le plus sûr et le plus efficace.

Bev Davidson étudie les thérapies de diminution de la huntingtine depuis près de 20 ans. Son laboratoire a publié l'une des premières démonstrations de diminution de la huntingtine dans un cerveau de souris. Le laboratoire de Davidson a récemment mené des travaux avec des outils d'édition du génome, notamment CRISPR/Cas9 qui permet aux chercheurs de modifier réellement l'ADN. Il développe des outils leurs permettant d'utiliser CRISPR/ Cas9 pour supprimer sélectivement le gène MH mutant et non pas son partenaire non mutant ou “de type sauvage”. Nous avons déjà publié cette approche avant. Le laboratoire de Davidson ne travaille pas sur de nouveaux outils CRISPR/Cas9 qui n’ont pas besoin de couper réellement l’ADN pour diminuer les taux de la huntingtine. Si cela fonctionne, cela serait probablement beaucoup plus sûr que la méthode traditionnelle. Ces nouveaux outils permettent non seulement de diminuer la huntingtine dans les cellules sans couper l'ADN mais sont également capables de le faire de manière sélective et de diminuer uniquement la huntingine mutante. Ils travaillent actuellement sur une nouvelle technique qui devrait leurs permettre d'activer les outils CRISPR/Cas9 pendant de brèves périodes. Il est plus pratique d’avoir ces ciseaux flottants autour des cellules aussi longtemps que vous en avez besoin !

La dernière présentation du jour a été celle de Anu Bhattacharya, de PTC Therapeutics, qui a décrit une approche totalement différente de la diminution de la huntingtine.

L'approche de PTC repose sur des médicaments “à petite molécule” qui peuvent être administrés comme des pilules afin de cibler des gènes spécifiques Elle le fait pour plusieurs genres de gènes, tels que le gène huntingtin. Il s'agit d'une approche radicalement différente de celle présentée précédemment. Si cette approche de PTC fonctionne, elle permettrait une diminution de la huntingtine dans tout le cerveau avec une simple pilule. Bhattacharya a expliqué que le médicament de PTC agit en signalant de manière sélective le messager huntingtin aux fins de le détruire.

Dans les cellules, les médicaments de PTC réduisent fortement les taux de la huntingtine. Lorsqu'il est administré oralement aux souris, le même médicament réduit les taux de la huntingtine dans le cerveau jusqu'à 80%. Une analyse plus détaillée montre que cette diminution est très répandue dans le cerveau. PTC optimise actuellement ces médicaments afin de s’assurer que les substances pénètrent le plus possible dans le cerveau et qu’elles puissent être disponibles pour réduire la huntingtine. Ce processus étant en cours, PTC a pour objectif de débuter des essais sur l'homme dès l'année prochaine.

La journée s'est terminée par une intéressante table ronde: « Comment la communauté HD devrait-elle se préparer à suivre les résultats des essais cliniques de diminution de la huntingtine, positifs ou négatifs ? ».

Avec toutes les thérapies de diminution de la huntingtine en clinique ou en approche, il est très important de planifier la manière dont nous allons comprendre tous les résultats qui vont bientôt arriver.

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