Par Dr Chris Kay Edité par Dr Sarah Hernandez Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Les chasseurs de médicaments ont été particulièrement intéressés par les lettres répétitives C-A-G du code génétique conduisant à la maladie de Huntington. Le nombre de répétitions du triplet CAG augmente au fil du temps dans les cellules vulnérables et pourrait détenir la clé pour ralentir ou stopper la MH. De nombreux scientifiques se demandent ce qu’il adviendrait des symptômes si nous stoppions cette expansion. Des travaux récents d’un groupe mené par le Dr. Gill Bates à Londres ont examiné exactement cela, cherchant à définir le seuil de répétitions du triplet CAG nécessaire pour provoquer la maladie. Discutons de ce que son équipe a trouvé !

Nous ne sommes qu’une soupe alphabétique

Le code génétique de chaque organisme vivant est composé de seulement quatre lettres – C, A, G et T. Celles-ci sont combinées de différentes manières pour former chaque gène de notre corps. Cela fait beaucoup de diversité pour seulement quatre lettres !

La répétition du triplet CAG, à l’origine de la MH, s’agrandit avec le temps dans certaines cellules, comme les cellules cérébrales vulnérables. Certains chercheurs pensent que si nous parvenons à contrôler la répétition croissante du CAG, nous pourrons peut-être stopper la maladie de Huntington.
La répétition du triplet CAG, à l’origine de la MH, s’agrandit avec le temps dans certaines cellules, comme les cellules cérébrales vulnérables. Certains chercheurs pensent que si nous parvenons à contrôler la répétition croissante du CAG, nous pourrons peut-être stopper la maladie de Huntington.

Dans le gène qui conduit à la maladie de Huntington se trouve une séquence de lettres C-A-G. Les personnes atteintes de la MH sont nées avec 36 ou davantage de répétitions du triplet CAG dans le gène huntingtin. Nous savons que, à mesure qu’une personne vieillit, le nombre de répétitions du triplet CAG peut changer et vaciller dans certaines cellules, grossissant au fil du temps.

Cette expansion continue du triplet CAG est appelée « instabilité somatique ». Cela se produit spécifiquement dans les cellules cérébrales endommagées par la MH. Il est important de souligner que la taille de la répétition du triplet CAG est relativement stable dans le sang. Ainsi, un test sanguin montrant 42 répétitions CAGs à l’âge de 18 ans montrera très probablement encore 42 répétitions à l’âge de 50 ans. Mais les cellules cérébrales de cette personne pourraient avoir plus de 100 répétitions CAG et certaines d’entre elles pourraient même avoir 200 répétitions, voire davantage.

Les expansions pourraient être la clé

Certains scientifiques pensent qu’empêcher l’augmentation des répétitions CAG dans le cerveau pourrait être la clé pour stopper complètement la maladie de Huntington. Mais personne ne sait combien de CAGs sont de trop dans le cerveau ou à quel âge se produisent les augmentations de CAG.

Plusieurs études génétiques importantes, réalisées au cours des dernières années, ont suggéré que des répétitions CAG plus longues pourraient aider à expliquer pourquoi les cellules cérébrales meurent dans le cadre de la maladie de Huntington. Par exemple, les personnes qui développent la maladie plus tôt ou plus tard que prévu présentent des modifications génétiques qui ont un impact sur l’instabilité somatique de la répétition CAG dans le gène huntingtin. Ces gènes sont appelés des gènes « modificateurs » ; ils modifient l’âge auquel un individu commence à présenter des symptômes de la maladie.

«Certains scientifiques pensent qu’empêcher l’augmentation des répétitions CAG dans le cerveau pourrait être la clé pour arrêter complètement la MH. »

Ce qui est intéressant c’est que les gènes modificateurs participent principalement au même processus au sein de notre organisme, appelé réparation des mésappariements, connu pour affecter l’instabilité somatique de la répétition CAG. Très suspect ! Cela suggère que l’instabilité somatique de la répétition CAG est vraiment importante dans le cadre de la MH.

Dans la mesure où l’instabilité somatique dans les cellules cérébrales peut contribuer à la mort de ces cellules et dans la mesure où les gènes de réparation des mésappariements ont un impact sur l’instabilité somatique, les chercheurs MH s’intéressent maintenant à des médicaments qui ciblent les gènes de réparation des mésappariements. Peut-être qu’en ciblant le bon gène de réparation des mésappariements, nous pourrions stopper l’instabilité somatique de la répétition CAG dans les cellules cérébrales vulnérables. L’espoir est qu’un médicament qui réalise cela pourrait ralentir ou stopper la maladie de Huntington.

Un jeu de chiffres

Il se trouve que nous pouvons stopper l’instabilité somatique dans le cerveau ! Nous pouvons au moins, pour le moment, le faire chez les souris. Plusieurs compagnies pharmaceutiques développent des médicaments MH ciblant les gènes de réparation des mésappariements et l’instabilité somatique dans le cadre de la maladie de Huntington (par exemple, les compagnies LoQus23, Rgenta et Voyager Pharmaceuticals).

Mais personne ne connaît vraiment de quelle longueur doit être une répétition CAG pour endommager les cellules cérébrales, ni à quel moment vous devriez stopper l’instabilité somatique chez les personnes dans le cadre d’un traitement pour la MH. De récentes études chez des souris MH ont tenté de répondre à ces questions en examinant l’impact de l’arrêt de l’instabilité somatique chez des souris MH comportant différentes longueurs de répétitions CAG.

Des chercheurs du monde entier s’efforcent de stopper les expansions du triplet CAG. Comprendre exactement quand stopper et combien de temps les répétitions CAG peuvent durer avant qu’elles ne provoquent une maladie sera essentiel pour la conception des essais.
Des chercheurs du monde entier s’efforcent de stopper les expansions du triplet CAG. Comprendre exactement quand stopper et combien de temps les répétitions CAG peuvent durer avant qu’elles ne provoquent une maladie sera essentiel pour la conception des essais.

Ce qui est utile avec les souris c’est qu’elles naissent avec beaucoup plus de répétitions CAG que les personnes atteintes de la MH – car les chercheurs MH veulent que les souris développent des symptômes de la MH plus rapidement que les individus. Par exemple, un type de souris modélisant la MH, appelée « Q111 », possède plus de 100 répétitions CAG. Un autre modèle murin MH, appelé « Q175 » possède environ 185 répétitions CAG. Ces deux souris présentent des symptômes MH en moins d’un an.

Définir le seuil

Les chercheurs pensent que ce seuil d’environ 100 CAGs pourrait correspondre au nombre de répétitions nécessaires pour tuer les cellules cérébrales chez les personnes atteintes de la maladie de Huntington. Alors, que se passe-t-il donc si vous stopper l’instabilité somatique chez ces souris MH ? Vont-elles mieux ? Etonamment, la réponse pour les souris nées avec 185 répétitions CAG est non. Elles développent encore la MH alors même que l’instabilité somatique a été stoppée.

Aux termes d’une étude récemment publiée par le laboratoire du Dr. Gill Bates de l’Université Collège de Londres, les souris Q175, ayant environ 185 répétitions CAG, ont été modifiées afin de ne pas posséder le gène de réparation des mésappariements MSH3. Le gène MSH3 est une cible hautement prioritaire pour les traqueurs de médicaments MH dans car l’instabilité somatique cesse complètement lorsque le gène MSH3 disparaît.

Comme prévu, l’instabilité somatique est stoppée presque complètement dans le cerveau des souris Q175 lorsque MSH3 est supprimé. Mais ces souris ont quand même développé des caractéristiques de la MH même si MSH3 a été supprimé et que l’instabilité somatique de la répétition CAG a été stoppée.

«Ainsi, arrêter l’instabilité somatique dans les cellules cérébrales avant qu’elles n’atteignent 100 répétitions CAG peut être nécessaire pour que cette stratégie fonctionne chez l’homme. »

Qu’est-ce que cela pourrait-il signifier ? L’arrêt de l’instabilité somatique ne devrait-il pas empêcher les souris de développer la MH ? L’équipe de Gill estime que les souris nées avec 185 répétitions CAG ont déjà trop de répétitions dans le cerveau ; donc arrêter les expansions en dessous de 185 CAG sera probablement nécessaire pour traiter la MH chez l’homme.

Cela rejoint les conclusions d’une précédente étude, laquelle a éliminé MSH3 chez les souris Q111, ayant 100 répétitions CAG, soit moins que les 185 répétitions CAG étudiées par Gill. Dans cette autre étude, le Dr. Vanessa Wheeler a montré que les souris Q111 sans MSH3 ne présentaient aucune instabilité somatique et une amélioration des marqueurs cellulaires de la MH. Ainsi, l’arrêt de l’instabilité somatique dans les cellules cérébrales avant que ne soit atteint le seuil de 100 répétitions CAG pourrait être nécessaire pour que cette stratégie fonctionne chez l’homme.

Quand doit-on traiter la maladie de Huntington ?

Cela soulève la question que de nombreuses personnes se posent ces derniers temps : quand doit-on traiter la maladie de Huntington ? A quel moment une personne atteinte de la MH devrait-elle être traitée pour empêcher ses cellules cérébrales de se développer au-delà du seuil de 100 répétitions CAG ? Certaines cellules cérébrales semblent avoir 100 répétitions CAG avant que les personnes ne commencent à présenter des symptômes MH mesurables. Ainsi, il serait peut-être nécessaire de traiter les personnes bien avant qu’elles ne commencent à développer les symptômes.

Le fait de traiter les personnes avant qu’elles ne développent les symptômes MH soulève de nombreuses questions difficiles auxquelles personne n’a encore de réponse. Cependant, de nombreux scientifiques brillants étudient désormais les répétitions CAG directement dans le cerveau des personnes atteintes de la MH afin de trouver des réponses. Ces informations détaillant le seuil de la toxicité CAG aideront les scientifiques à concevoir de meilleurs médicaments et les prochains essais cliniques pour cibler l’instabilité somatique en tant que thérapie potentielle pour la maladie de Huntington.

Sarah est une employée de la Hereditary Disease Foundation, pour laquelle un chercheur de cet article siège au conseil consultatif scientifique. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...