Résultats éclairants dans les cellules sanguines des patients MH
Les taux de la protéine huntingtine peuvent être évalués dans le sang – utile pour les études sur le silençage géniqu
Par Dr Jeff Carroll 21 novembre 2012 Edité par Dr Simon Noble Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 6 novembre 2012
Avec les thérapies de silençage génique se dirigeant vers la clinique, une nouvelle question se pose – comment pourrions-nous savoir si celles-ci agissent ? Comment pouvons-nous savoir si la quantité de protéine huntingtine a diminué chez les personnes ? De nouveaux travaux de Londres et de Bâle démontrent que la protéine huntingtine est détectable dans des échantillons de sang, et que ses taux changent au cours de la MH.
Qu'y-a-t-il de si important au niveau des mesures ?
Une des idées les plus fondamentales de la science est que nous devons être capables d'évaluer quelque chose avant de pouvoir l'étudier. Comment pourrions-nous savoir si un médicament agit ? Nous le donnons à un groupe de personnes, nous donnons un comprimé sucré (‘placebo’) à un autre groupe très semblable et ensuite nous évaluons certains symptômes chez ces deux groupes de personnes. Le médicament est efficace si les personnes, ayant reçu le médicament, vont beaucoup mieux que celles ayant eu le placebo.
Les études, telles que PREDICT-HD, TRACK-HD et d'autres, nous ont énormément informés sur ce qui se passe chez les personnes au cours de la MH. Nous sommes prêts, pour l'essentiel, à choisir un ensemble de symptômes afin de pouvoir déterminer si de nouveaux médicaments sont efficaces ou non.
Mais, à un niveau plus profond - un chercheur dirait au niveau moléculaire - comment pouvons nous savoir qu'un médicament est actif selon la façon dont nous pensons qu'il devrait l'être ? Dans certains cas, nous pouvons, en fait, évaluer directement les actions des médicaments.
Par exemple, des millions de personnes prennent des médicaments, appelés statines, qui empêchent les crises cardiaques par la diminution du taux de cholestérol dans le sang. Nous pouvons dire qu'une statine agit, sans attendre les crises cardiaques, simplement en mesurant le taux de cholestérol dans le sang.
Tous les patients MH portent la même mutation dans son ADN - un bégaiement génétique situé à proximité de l'extrémité du gène appelé gène MH. Les gènes sont utilisés par les cellules comme des plans pour créer des protéines - des machines effectuant le travail le plus important de nos cellules. Le gène MH indique donc à l'organisme comment fabriquer la protéine que nous appelons 'huntingtine’.
Une des thérapies MH les plus intéressantes pour l'avenir est le silençage génique, lequel vise à réduire les taux de la protéine MH (huntingtine) dans les cerveaux des personnes porteuses de la mutation MH. Dans la mesure où nous savons que chaque personne ayant la MH a une mutation dans le gène même, il est facile d'imaginer que cette approche pourrait être efficace.
Mais comment pourrions-nous savoir si les médicaments, que nous concevons pour réduire au silence le gène MH, agissent réellement ? Chez les souris et chez d'autres organismes, nous pouvons simplement prendre des échantillons de cerveaux d'animaux après leur mort et évaluer les taux de la protéine huntingtine avec des techniques standards de laboratoire.
Mais, il n'existe aucun moyen d'obtenir des échantillons de tissus cérébraux provenant des personnes participant à un essai portant sur le silençage génique. Il serait idéal de pouvoir évaluer les taux de la protéine huntingtine avec des échantillons faciles à collecter, comme le sang.
Un groupe de scientifiques, dirigé par le Professeur Sarah Tabrizi de l'U.C.L. à Londres et le Dr Andreas Weiss de la compagnie pharmaceutique Novartis, a entrepris l'utilisation d'une technique développée au sein de Novartis pour évaluer la protéine MH dans le sang des volontaires de l'étude TRACK-HD.
Une nouvelle technique permet de nouvelles questions
L'équipe a utilisée une technique très sensible, appelée ‘transfert d'énergie de résonance par fluorescence à résolution temporelle’ ou TR-FRET. Celle-ci utilise une paire d'anticorps - lesquels sont des protéines qui se lient à une autre protéine spécifique - pour étiqueter la huntingtine.
Les détails techniques sont extrêmement compliqués, mais l'idée de base est que lorsque vous zappez l'un des anticorps avec une certaine fréquence de lumière, celui-ci provoque l'autre anticorps pour émettre une lumière d'une fréquence différente. L'intensité de cette fréquence différente de lumière nous informe sur la quantité de protéines huntingtine situées autour. L'avantage de cette approche est qu'elle est très sensible, ce qui permet à l'équipe de scientifiques d'évaluer les taux de protéines huntingtine à partir de très petites quantités d'échantillons biologiques, tels que le sang.
L'équipe de Tabrizi s'est intéressée, pendant une longue période, à l'activation du système immunitaire dans la MH. Ils ont publié des travaux démontrant que le système immunitaire des patients MH semble être hyper-actif. Cela peut paraître comme une bonne chose, mais les scientifiques savent qu'un système immunitaire top actif peut être mauvais - et pourrait même nuire à ce qui se passe dans le cerveau.
Compte tenu de cet intérêt et de la capacité à évaluer la protéine huntingtine à partir de petits échantillons, l'équipe de scientifiques a entrepris d'évaluer, chez les patients MH, la quantité de protéines huntingtine présentes dans les différents types de cellules sanguines. Dans la mesure où le système immunitaire est largement composé de cellules circulant dans le sang, ils ont estimé que l'évaluation des taux de la huntingtine pourrait être utile.
Qu'ont-il découvert ?
Ce qu'ils ont découvert est intéressant et un peu perplexe. Dans différents types de cellules immunitaires, ils ont constaté que les taux globaux de la protéine huntingtine demeuraient inchangés alors que la MH a progressé. C'est une démonstration utile de leur technique, et montre qu'ils peuvent évaluer avec précision les taux de la protéine huntingtine dans les cellules provenant de petits échantillons de sang.
L'équipe de scientifiques a, ensuite, utilisé différents anticorps dans leurs évaluations, afin que ceux-ci reconnaissent la forme mutée de la protéine huntingtine. Rappelez-vous, la grande majorité des patients MH (et tous les participants à cette étude) possèdent deux types de protéine huntingtine - normale et mutée.
Lorsqu'ils ont évalué la forme mutée de la protéine MH, ils ont observé une augmentation des signaux chez les personnes présentant plus de symptômes MH. Ainsi, il semble donc que les personnes à un stade plus avancé de la maladie ont plus de huntingtine mutée dans leurs cellules immunitaires présentes dans le sang. Cette découverte a été surprenante, mais devrions nous nous soucier de comprendre ce qui se passe ?
Liens cerveau/corps
C'est là que la puissance des études observationnelles entre en jeu. Dans la mesure où l'équipe de chercheurs a examiné des volontaires ayant donné des échantillons de sang, ils ont pu rechercher des corrélations entre ce qui passait dans leur sang et le développement de leurs symptômes.
Ils ont constaté que des taux élevés de la protéine huntingtine mutante dans les cellules immunitaires présentes dans le sang étaient clairement liés au fait d'avoir une charge plus élevée de symptômes, et étaient également associés à l'augmentation de l'atrophie du cerveau. En conséquence, tout ce qui conduit à des taux accrus de la protéine huntingtine mutante dans les cellules sanguines vaut la peine d'être compris et pourrait nous révéler quelque chose d'important.
Le suivi des expériences suggère que de courts fragments de la protéine huntingtine pourraient, en fait, s'accumuler dans les cellules sanguines des patients MH. Des travaux antérieurs, menés par un certain nombre de laboratoires, révèlent que la protéine huntingtine est découpée en petits morceaux, et que ceux-ci pourraient être particulièrement toxiques pour la cellule.
De quelle façon cela peut-il être utile ?
Ces travaux sont scientifiquement intéressants car ils suggèrent qu'il pourrait y avoir une accumulation et une fragmentation de la protéine huntingtine dans les cellules immunitaires présentes dans le sang des patients MH. Il y a encore quelques mystères - qu'est-ce que la protéine huntingtine normale fait dans ces cellules immunitaires ? Est-ce que l'accumulation de la protéine huntingtine mutante est liée à l'augmentation de l'activation du système immunitaire chez les patients MH ?
En termes de bénéfices immédiats, cette étude démontre qu'il est pratique d'évaluer les taux de la protéine huntingtine, normale et mutée, à partir de très petits échantillons ; ce qui est un progrès technique important qui pourrait avoir de nombreuses utilisations dans la recherche MH. Par ailleurs, cette technique pourrait être utilisée pour suivre les taux de la protéine huntingtine mutante dans le sang ; ce qui pourrait fournir un outil utile pour les scientifiques concevant des essais de médicaments - en particulier, ceux focalisés sur le silençage génique.
Une possibilité très passionnante qui mérite d'être approfondie est de savoir si les taux de la protéine huntingtine mutante dans le sang reflètent les taux de la huntingtine mutante dans le cerveau - cela offre-t-il, pour l'essentiel, une ouverture sur ce qui se passe dans le cerveau ? Si cela est le cas, alors, cela pourrait être un indicateur très utile pour savoir si les thérapies visant à réduire les taux de la protéine huntingtine mutante dans le cerveau agissent actuellement, ou non.