Par Dr Tamara Maiuri Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Les chercheurs travaillent dur pour comprendre exactement comment le gène de la maladie de Huntington cause du tort. De récents travaux menés par une équipe du Royaume-Uni ont mis à jour un autre indice pour permettre de résoudre le mystère. Il apparaît que le développement défectueux de la ‘recette’ huntingtine produit un court fragment nocif de la protéine huntingtine.

Le livre de cuisine, la recette, et la tarte aux cerises

La maladie de Huntington est causée par une expansion indésirable du gène huntingtin. Mais, les gènes sont constitués d'ADN, et c'est l'expansion anormale d'une répétition de polyglutamine dans la protéine huntingtine qui cause le problème. Comment passons-nous de l'ADN à la protéine ? Par l'intermédiaire d'une molécule messager appelée ARN.

De petits morceaux de la protéine huntingtine sont connus pour être les plus nocifs. Mais sont-ils tranchés de la principale protéine, ou viennent-ils d'une recette modifiée - ou les deux?
De petits morceaux de la protéine huntingtine sont connus pour être les plus nocifs. Mais sont-ils tranchés de la principale protéine, ou viennent-ils d'une recette modifiée - ou les deux?

Il peut être utile d'imaginer une grand-mère, trop zélée, qui garde son livre de cuisine dans un coffre-fort afin qu'il ne s'abîme pas dans la cuisine. Toute personne qui veut faire sa célèbre tarte aux cerises doit aller dans le coffre-fort, faire une photocopie de la recette, et aller en cuisine pour assembler les ingrédients.

De la même manière, nos cellules conservent notre ADN dans le noyau cellulaire. Des copies ARN des gènes sont faites dans le noyau, et transportées à l'extérieur, où elles sont ‘traduites’ en protéine. Les messages d’ARN agissent comme des recettes indiquant exactement à la cellule les ingrédients à utiliser pour fabriquer la protéine.

Dans le cas d'un gène huntingtin étendu, l’ARN copié à partir de la recette est également étendu. La protéine définitive a trop d'ingrédients et elle n'est pas correctement formée. Bien que nous sachions que cette expansion provoque la maladie de Huntington, nous ne comprenons pas encore avec exactitude comment celle-ci cause des problèmes dans les neurones.

Le long et le court

Le gène huntingtin est très long - un des plus longs gènes que nous ayons - et conserve la recette pour une très grosse protéine. Mais la zone anormalement étendue est située au début même du gène : la première ligne de la recette, si vous voulez.

Les chercheurs ont remarqué une chose : les cellules cérébrales des patients MH et des modèles murins contiennent des versions très courtes de la protéine huntingtine - seuls plus ou moins les premiers cinq pour cent.

Donc, comment ces fragments se produisent ? Jusqu'à présent, il était entendu que des protéines spéciales ‘couperet’ découpaient la protéine huntingtine en fragments de huntingtin.

Les fragments, contenant une expansion anormale, sont cependant nocifs pour les cellules du cerveau. Des chercheurs dirigés par le Professeur Gill Bates du King’s College London ont suggéré qu'il y avait une autre possibilité selon laquelle les fragments se produiraient, et ce au stade où la copie ARN de la recette est effectuée.

L'étage de la salle de montage

Il est rappelé que les gènes sont constitués d'ADN, lequel est copié en ARN qui est ensuite traduit en protéine. Simple, non ? Mais comme avec la plupart des choses dans la nature, il existe une autre couche de complexité à prendre en considération.

«L'épissage, où le charabia non codant est retiré de l'ARN messager, va mal dans la maladie de Huntington. »

En effet, les gènes contiennent des zones codantes et non codantes, organisées en bandes comme les rayures d'un zèbre. Seules les zones codantes du gène finissent sous forme de protéine, alors que les zones non codantes sont ignorées.

Donc, dans le processus de copie de l'ADN en ARN, tout d'abord une copie du gène entier est effectuée, et ensuite les régions non codantes sont retirées de l’ARN, lors d'un processus appelé épissage.

Si nous nous référons à notre livre de recettes de grand-mère, nous pouvons imaginer que ce livre possède des lignes de charabia insérées parmi les instructions. L'ensemble de la recette, avec le charabia, est photocopié à l'intérieur du coffre-fort, mais la copie est découpée et recollée, sans le charabia, avant de réintégrer la cuisine.

Alors, quoi de neuf ?

En étudiant les souris, l'équipe de Bates a découvert que l'étape d'épissage, au cours de laquelle le charabia non codant est retiré de l’ARN messager, fonctionne mal si l’ARN huntingtin est étendu, comme c'est le cas dans la maladie de Huntington.

Chez les souris normales, la région non codante a été excisée correctement, et les deux premières régions codantes ont été réunies correctement ensemble afin de former un message sensible sur toute la longueur.

Mais chez les souris génétiquement modifiées pour supporter le gène huntingtin étendu, la première région non codante n'a pas été supprimée correctement. Dans cette région de charabia réside un message intimant à la cellule de ‘couper cet ARN court’. Par conséquent, les souris ayant un gène MH étendu produisent un ARN messager court supplémentaire constitué juste de la première région codante et d'une partie de la région non codante.

Une fois que cet ARN messager court est traduit en protéine, les souris finissent avec un court fragment de protéine huntingtine, contenant une région étendue : le même fragment court qui est censé être nocif dans la maladie de Huntington.

L'équipe a examiné des échantillons provenant de personnes atteintes de la maladie de Huntington. L’ARN messager anormalement court et la protéine ont été trouvés dans certains échantillons, mais pas dans tous. C'est peut-être parce que la production de petits fragments varie entre les différentes régions du corps ou entre les patients.

Comment l'expansion dans la copie de l’ARN gâche le processus d'épissage ? L'équipe de Bates a montré qu'une protéine généralement responsable pendant l'édition des molécules d’ARN messager colle en fait à l’ARN huntingtin étendu, mais pas à l’ARN huntingtin normal. Il se peut que ce collage inapproprié interfère avec l'épissage correct, aboutissant à la copie d'un ARN court défectueux de la huntingtine.

Des ARN messagers contiennent des zones 'codantes' et 'non codantes'. L'entier message est fait, lorsque les morceaux non codants sont ciselés et les morceaux codants sont réunis. Il semble que ce processus tourne mal lorsque le gène HD est anormal.
Des ARN messagers contiennent des zones ‘codantes’ et ‘non codantes’. L'entier message est fait, lorsque les morceaux non codants sont ciselés et les morceaux codants sont réunis. Il semble que ce processus tourne mal lorsque le gène HD est anormal.

Que faisons-nous avec cet indice ?

Cette étude nous permet de comprendre un nouveau moyen possible par lequel les fragments nocifs de la protéine huntingtine sont générés.

Notre cerveau et nos neurones sont des choses complexes, et ce nouveau mécanisme peut ne pas être le seul moyen envisagé par lequel les fragments de huntingtine nocifs surviennent. Le traditionnel mécanisme ‘couperet’ n'est pas exclu de cette nouvelle découverte, et en fait, ces deux mécanismes pourraient se produire en même temps.

De plus, les fragments nocifs ne sont probablement pas le seul moyen par lequel la protéine huntingtine étendue cause ses dommages.

Mais cette nouvelle information est un ajout important à notre connaissance sur la façon dont se comporte la huntingtine étendue dans le cerveau. Et plus nous en savons, mieux nous serons équipés pour attaquer le problème.

Une implication possible de ces travaux est pour les thérapies dites de ‘silençage génique’ pour la maladie de Huntington, lesquelles visent à réduire la production de protéine huntingtine, en se tenant à ses molécules d’ARN messager et aux cellules indiquant de se débarrasser d'eux.

Jusqu'à présent, nous pensions que tous les ARN huntingtin dans la cellule étaient une version pleine longueur. Les chercheurs devront garder à l'esprit qu'une partie de la protéine huntingtine nocive peut provenir d'un ARN messager plus court, qui peut être oublié par certains médicaments de silençage génique.

Avec soulagement, depuis que nous avons déjà observé des médicaments de silençage génique agir chez plusieurs modèles animaux de la MH, il est clair que cette nouvelle recherche n'infirme pas cette approche. En effet, en améliorant notre compréhension, cela nous donne de nouveaux moyens de comprendre comment le gène MH provoque la maladie de Huntington, et d'ajouter ‘l'épissage anormal’ à notre liste de cibles potentielles pour résoudre le problème.

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