Par Carly Desmond Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

La protéine MSH3 accomplit une fonction importante dans les cellules, essayant de trouver des erreurs génétiques et de permettre leur réparation, ainsi que celle de l’ADN endommagé. Toutefois, une nouvelle étude menée par les scientifiques de l’Université de Toronto, Hospital for Sick Children, suggère que MSH3 facilite peut-être la progression de la maladie de Huntington en augmentant l’instabilité de la répétition de CAG dans le cerveau.

Le problème de l’instabilité génétique

La cause fondamentale de la maladie de Huntington est bien établie. Un segment de répétition de trois blocs constitutifs du code génétique Cytosine-Adenosine-Guanine (plus simplement ‘C-A-G’), situé vers le début du gène MH, est excessivement long chez les personnes qui développent la maladie.

La famille de protéines MSH (violet) scanne le long de l'ADN (brins jumelés), à la recherche d'erreurs.
La famille de protéines MSH (violet) scanne le long de l'ADN (brins jumelés), à la recherche d'erreurs.

La répétition CAG présente une grande diversité dans la population, même chez les individus non affectés. Les longueurs normales de répétitions peuvent varier entre 6 et 36, alors que plus de 40 répétitions conduisent invariablement vers la maladie de Huntington.

Mais la longueur de la répétition CAG a d’autres propriétés prédictives. Le nombre de répétitions peut, non seulement, déterminer si, oui ou non, une personne développera la maladie de Huntington, mais peut également prévoir à peu près l’âge auquel les symptômes de la maladie peuvent commencer à émerger. En moyenne, plus le nombre de répétitions est long, plus l’apparition de la MH sera précoce.

Chez les familles porteuses de la mutation, la MH s’affiche parfois par ‘anticipation’ – une façon technique de dire que la maladie peut apparaître plus tôt à chaque génération successive. Les scientifiques ont découvert que cette anticipation peut être expliquée par un phénomène biologique, appelé ‘l’instabilité génétique’.

L’instabilité se réfère à une tendance, pour des étendues répétitives d’ADN, de croître tout au long de la durée de vie d’un individu. Ceci peut conduire, par exemple, à une région C-A-G plus longue dans le gène MH.

Pour des raisons que nous ne comprenons pas, l’instabilité génétique se produit plus souvent dans certains types de tissus et de cellules, plutôt que dans d’autres. Par exemple, alors que les longueurs de répétitions sont tout à fait stables dans le sang (où les échantillons sont prélevés pour le test génétique de la MH), elles augmentent souvent dans les spermatozoïdes.

Cette instabilité génétique explique pourquoi l’anticipation se produit dans la MH. Les répétitions ont tendance, en moyenne, à devenir plus longues, et l’apparition de la maladie est alors plus précoce chez les enfants que chez leurs parents. Parce que cette extension est particulièrement fréquente dans les spermatozoïdes, celle-ci est plus susceptible d’être dans les gènes MH hérités des pères, plutôt que de ceux hérités de la mère.

Les effets inter-générationnels de l’instabilité génétique sont connus depuis un certain temps. Toutefois, des études plus récentes ont mis en lumière la manière selon laquelle elle affecte également le pronostic de la maladie chez chaque patient.

L'instabilité dans le cerveau

Les lésions cérébrales dans la maladie de Huntington ont un modèle spécifique : la dégénérescence n’a pas la même importance dans toutes les parties du cerveau. Dans le cadre de la MH, celles les plus vulnérables sont appelées le striatum et le cortex cérébral. Fait intéressant, les scientifiques ont découvert que ces régions du cerveau sont également des zones présentant des taux plus significatifs d’instabilité des répétitions.

Puisque la longueur des répétitions est étroitement associée avec l’âge d’apparition de la MH, l’allongement des répétitions CAG au sein de ces zones du cerveau pourrait éventuellement expliquer pourquoi elles sont sélectivement sacrifiées dans la maladie. Afin d’appuyer davantage cette idée, les patients MH présentant les lésions cérébrales les plus graves sont ceux avec les niveaux d’instabilité des répétitions CAG les plus élevés.

Ces résultats relancent une question importante. Pourquoi certains patients MH ont des taux d’instabilité génétique plus élevés dans le cerveau ? Quels sont les problèmes qui surviennent en premier ; davantage de lésions cérébrales provoquent-elles un accroissement de l’instabilité, ou l’instabilité aggrave-t-elle les lésions cérébrales ?

Dans une tentative de s’attaquer à ce problème de front, une équipe dirigée par le Dr. Christopher Pearson de l’hôpital des Enfants Malades à Toronto a recherché des gènes qui pourraient contrôler les différences d’instabilité génétique d’une personne à l’autre. Dans cette quête, un gène, appelé MSH3, a émergé en tant que concurrent principal.

«Malheureusement, un dérivé du processus de réparation est que des répétitions CAG supplémentaires peuvent être introduites à torts dans la séquence. Comme un glissement de terrain, plus les répétitions s’ajoutent, plus le problème initial revient. C’est la racine de l’instabilité génétique. »

La preuve

Afin de rechercher les gènes qui pourraient contrôler l’instabilité génétique, les chercheurs ont ajouté un petit fragment, mais toxique, du gène de la maladie de Huntington à l’intérieur de deux souris, de type différent. Les différents types de souris sont classés comme les personnes issues de familles différentes, ou comme les différentes races de chiens – bien qu’elles soient toutes des souris, elles ont des antécédents génétiques distincts.

Les chercheurs ont découvert que l’instabilité du gène MH apparaît dans un type de souris (appelée B6), mais pas dans l’autre (appelée CBy). Lors de précédentes recherches sur l’instabilité génétique, menées par le laboratoire Pearson, et d’autres, les chercheurs soupçonnaient que la différence considérable entre les souris pourrait se résumer à des écarts dans un processus biologique particulier, appelé réparation des mésappariements, et plus spécifiquement un de ses principaux acteurs, la protéine MSH3.

Afin de tester que des différences génétiques dans MSH3 provoquaient une altération dans la l’instabilité des répétitions, les scientifiques ont transféré le gène MSH3 issu des souris CBy (lesquelles ne présentaient pas auparavant une expansion des répétitions CAG) dans le cerveau des souris B6, et vice versa.

Les résultats ont été spectaculaires. L’inversion des gènes entre les types de souris a provoqué un renversement complet de l’instabilité des répétitions. Les souris CBy, qui avaient été auparavant à l’abri de l’augmentation de la longueur des répétitions, étaient maintenant le type de souris avec les taux les plus élevés, alors que le type de souris B6 a présenté peu d’instabilité des répétitions. L’effet a suivi le gène MSH3 !

Afin de déterminer ce qui pourrait être la cause de l’anomalie, les chercheurs ont examiné les séquences génétiques du gène MSH3 à partir des deux types de souris. Chez le type CBy, une seule mutation a été identifiée, laquelle semble avoir un effet significatif sur la fonction de MSH3. Cette seule mutation a entraîné une instabilité de la protéine MSH3 qui fut rapidement dégradée par la cellule. En conséquence, toute MSH3 produite par les cellules serait rapidement décomposée et recyclée, réduisant ses niveaux globaux de manière substantielle.

Ces résultats ont suggéré deux choses : d’une part, si une personne est naturellement porteuse d’une mutation similaire dans son gène MSH3, elle pourrait également avoir une instabilité réduite des répétitions de CAG, d’où un meilleur pronostic de la maladie ; et d’autre part, concevoir des médicaments ciblant la MSH3 pourrait être utile pour le traitement de la MH, en supposant que l’instabilité est importante.

La réparation des mésappariements et la protéine MSH3

Donc, que fait exactement MSH3, et comment pourrait-elle être capable d’avoir un impact sur le pronostic de la maladie de Huntington ? Pour mieux expliquer cela, nous avons besoin d’en apprendre un peu plus sur ce processus biologique, toujours si important, mentionné précédemment, la réparation des mésappariements de l'ADN.

En général, la réparation de l’ADN est un processus nécessaire, permettant à nos cellules de corriger des erreurs ou des mutations apparaissant au sein de notre code génétique. Ces mutations peuvent être causées par plusieurs évènements, dont certains provenant des activités cellulaires normales et d’autres de dommages environnementaux, comme la lumière UV ou des produits chimiques. Quelques insultes génétiques peuvent provoquer des cassures dans l’ADN, tandis que d’autres présentent des mutations uniques – des changements dans la séquence de lettres dans l’ADN.

Les protéines de réparation des mésappariements, telles que MSH2, MSH3 et MSH6, essayent de trouver deux types différents d’erreurs génétiques : ‘des inadéquations’ qui se produisent lorsque l’ADN est copié dans les cellules qui se divisent et des petites boucles qui peuvent se former au sein de l’ADN après une cassure simple brin.

Les répétitions CAG, qui causent la MH, sont particulièrement sensibles à la formation de ces petites boucles d’ADN. La raison est liée aux propriétés fondamentales de l’ADN qui rend possible la copie de celui-ci dans la cellule.

Pendant la 'réplication' de l'ADN, les deux brins complémentaires de la 'double hélice' sont séparées ; et de nouveaux brins sont construits par l'addition séquentielle de lettres d'ADN complémentaires - dupliquant parfaitement la double hélice dans le processus.
Pendant la ‘réplication’ de l'ADN, les deux brins complémentaires de la ‘double hélice’ sont séparées ; et de nouveaux brins sont construits par l'addition séquentielle de lettres d'ADN complémentaires - dupliquant parfaitement la double hélice dans le processus.
Crédits graphiques: Madeleine Price Ball

Beaucoup de personnes ont entendu parler que l’ADN est une ‘double hélice’. Cela signifie, au fond, qu’il est composé de deux brins formant une structure enroulée. Ces brins d’ADN sont souvent décrits comme des copies des uns des autres, ou comme une image miroir, mais ce n’est que partiellement vrai.

L’ADN est constitué seulement de quatre blocs de construction génétiques différents, appelés nucléotides, lesquels se nomment cytosine ©, guanine (G), adenosine (A) et thymine (T). C a une affinité naturelle pour G, alors que A est attiré par T.

Lorsque l’ADN est répliqué, la double hélice est déchirée en deux brins individuels. Des machines moléculaires spécialisées, appelées ‘polymérases’, lisent alors le code génétique, une lettre à la fois, générant un nouveau second brin, et à son tour, une nouvelle copie de l’ADN.

Pour ce faire, les polymérases exploitent les affinités naturelles des nucléotides. Par exemple, lorsque la machine atteint un C dans la séquence génétique, elle recrute un G dans le brin d’ADN en croissance, et lorsqu’elle détecte un T, elle le marie avec un A. C’est pourquoi, nous disons que les deux brins d’ADN ne sont pas exactement la copie l’un de l’autre. Ils fournissent les informations pour fabriquer le second brin, mais ils ne sont pas une réplique.

Maintenant, revenons aux répétitions de CAG. Lorsqu’un brin d’ADN se brise à proximité ou à l’intérieur d’une longue répétition CAG, il peut libérer ce brin pour former une boucle, en raison de l’affinité de C et G à l’intérieur de sa séquence.

Deux protéines de réparation des mésappariements, MSH2 et MSH3 se réunissent pour rechercher et réparer ces types de boucles d’ADN. Malheureusement, un dérivé du processus de réparation est que des répétitions CAG supplémentaires peuvent être introduites à torts dans la séquence. Comme un glissement de terrain, plus les répétitions s’ajoutent, plus le problème initial revient. C’est la racine de l’instabilité génétique.

Donc que se passe-t-il exactement chez les souris CBy qui les rend résistantes à l’expansion de répétitions ? Rappelez-vous, les chercheurs ont constaté que les souris CBy avaient une mutation dans la séquence génétique de MSH3, rendant la protéine instable. Avec moins de MSH3 disponible pour trouver et corriger les boucles ADN au sein de la répétition CAG du gène MH – et avec la possibilité d’introduire des CAGs supplémentaires dans le processus – l’instabilité génétique est au point mort.

Quelle est la prochaine étape ?

Qu’est-ce que tout cela signifie pour les patients MH ? Pour le moment, tout cela suggère que l’une des raisons de l’existence d’une variation au niveau de l’âge d’apparition de la maladie entre des personnes ayant une longueur de répétition identique pourrait être liée à diverses capacités de leurs protéines MSH3 à réparer ces boucles ADN. S’il y avait des personnes porteuses d’une mutation similaire à celle identifiée chez les souris, elles pourraient avoir retardé la progression de la maladie.

En théorie, l’étude suggère également que si nous pouvions modifier l’activité de la protéine MSH3 chez les patients MH, nous pourrions modifier le nombre de répétitions instables dans leur gène MH. Si l’instabilité des répétitions est importante pour le développement de la MH, cela pourrait théoriquement ralentir le développement de la maladie.

Cependant, le défi du ciblage de MSH3 est que la réparation de l’ADN est un important processus pour toutes les cellules du corps. Si les mutations au sein des gènes ne peuvent être corrigées de manière efficace, elles ont le potentiel pour accumuler et causer le cancer. Il reste à voir si la perturbation de l’activité de MSH3 pourrait être assez bien tolérée pour empêcher le début de la MH, sans provoquer d’autres maladies graves.

Cette étude ne fait aucune promesse quant au potentiel thérapeutique de la recherche, mais elle a certainement suscité un grand intérêt dans le suivi de MSH3 chez les patients. Plus nous en savons sur les différents gènes qui peuvent influer sur la maladie de Huntington, le meilleur des informations pourra être utilisé afin de fournir de meilleurs soins aux patients grâce à un pronostic plus précis de la maladie.

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