Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Edité par Professor Ed Wild Traduit par Laurie Galvan

De nombreux patients atteints de la maladie de Huntington souffrent aussi de dépression. Le travail récent d’Asa Petersen à Lund en Suède, réalisé chez la souris, suggère qu’une partie du cerveau appelée « hypothalamus » puisse jouer un rôle dans ce symptôme dans la MH.

La dépression dans la MH

Vivre avec la maladie de Huntington est une situation extrêmement difficile à gérer, il n’est donc pas surprenant d’entendre que de nombreux patients de la MH souffrent aussi de dépression. Il est plus difficile de déterminer si cette dépression n’est causée que par le fait de vivre avec la maladie ou bien, si elle est un des problèmes cérébraux liés à cette pathologie.

La dépression est un symptôme courant
La dépression est un symptôme courant

Les porteurs de la mutation responsables de la maladie de Huntington ont un grand risque d’être confrontés à la dépression, avant même qu’ils ne développent les symptômes. Cela a suggérer aux scientifiques que la dépression pourrait être le reflet d’un changement précoce du cerveau chez les porteurs de la MH et ils sont très attachés à en comprendre les causes.

Les scientifiques pensent que même les souris génétiquement modifiées afin d’exprimer le gène muté de la MH (gène HD) sont déprimées !

Comment sait-on que les souris sont déprimées ?

Les scientifiques parlent souvent d’animaux « modèles » de la maladie de Huntington. Cela peut être déroutant. Comment une souris, une mouche ou un ver peuvent être un modèle pour une maladie qui affecte les êtres humains ?

Dans le sens commun, ils ne le sont pas. Aucun animal connu, mis à part l’être humain, ne développe naturellement la MH. Donc si les scientifiques veulent étudier la MH chez les animaux, ils doivent modifier leur ADN.

La façon la plus courante est de copier entièrement ou partiellement le gène humain HD en laboratoire afin d’être répliqué et modifié. En laboratoire, l’ADN peut être modifié à souhait, des séquences spécifiques peuvent êtres réécrites ou de nouvelles peuvent être ajoutées.

L’utilisation de ces astuces permet aux scientifiques d’acquérir le gène “sain” HD et de le muter afin qu’il ressemble à la version connue responsable de la maladie, c'est-à-dire avec une expansion de répétition « C-A-G » au début du gène.

Alors, en utilisant plus d’astuces encore, les scientifiques peuvent réintroduire la version « faites maison » du gène responsable de la MH dans les cellules murines afin de générer une souris exprimant ce gène muté dans toutes les cellules de son corps. Cette souris est alors considérée comme un « modèle » génétique de la MH, parce que toutes ces cellules sont exposées à la protéine HD mutante.

Il est important de remarquer que ces souris n’ont pas vraiment la maladie de Huntington. Par exemple, aucune souris modèle de la MH ne développe une « chorée », ces mouvements anormaux sont une des caractéristiques de la maladie chez l’Homme.

Néanmoins ces souris sont des outils utiles pour étudier les changements cérébraux qui ont lieu dans la MH. Ces modifications sont très difficiles à étudier chez les individus car, qui aimerait qu’on lui observe son cerveau ! De très nombreux changements ont été découverts chez les souris modèles de la MH et ont pu être retrouvés après coup, chez les patients, ce qui suggère que ces souris sont essentielles, même si elles n’ont pas vraiment la MH.

Revenons à nos moutons - Comment est-il possible d’étudier la dépression chez les souris? Ce que nous aimerions comprendre c’est si les souris modèles de la MH ont des symptômes qui ressemblent à ceux observés dans la dépression humaine.

Il est évident qu’on ne peut pas demander à une souris comment elle se sent, mais des tests de comportements simples peuvent être effectués. Un des tests classiques est de déterminer si les souris sont apathiques comme les gens déprimés peuvent l’être. Cela semble compliqué mais les scientifiques ont mis au point des tests simples pour évaluer l’apathie chez les souris, comme par exemple, mettre une souris dans un saut d’eau.

Les souris n’aiment généralement pas l’eau et se débâtent pour s’en échapper. Les souris qui sont « déprimées » abandonnent l’idée de s’échapper plus tôt que les autres. (Pas d’inquiétudes, les souris ne se noient pas et les tests durent seulement 5 minutes !).

Un autre comportement observé par les scientifiques chez les souris modèles de la MH, consiste à être moins motivé à boire de l’eau sucrée que les souris saines. Comme les êtres humains, les souris trouvent du plaisir dans les boissons sucrées. L’idée principale est que la souris évite volontairement une sensation de plaisir cela équivaut chez les gens déprimés au sentiment de ne plus ressentir de plaisir là où ils en trouvaient auparavant.

Ces comportements, et d’autres, suggèrent aux scientifiques que ces souris modèles ont des symptômes cohérents avec la dépression. D’autres tests suggèrent qu’elles sont aussi anxieuses.

Quelles parties du cerveau est impliquée dans la dépression?

En prenant en compte ces comportements, les scientifiques essayent de déterminer quelles parties du cerveau atteintes dans la MH pourraient finalement conduire aux symptômes de la dépression. De nombreuses régions du cerveau ont été citées comme contribuant à la dépression chez les humains et les animaux. Comprendre laquelle de ces région est dysfonctionnelle pourrait nous amener à soigner de manière plus efficace.

Techniquement deux régions cérébrales appelées l’hippocampe et l’hypothalamus ont été proposées comme contribuant spécifiquement à la dépression. Savoir laquelle de ces deux régions fonctionne mal aiderait les scientifiques à élaborer de meilleures thérapies pour les patients atteints de la MH.

Qu’est qui a-été-fait ?

Le Dr Asa Petersen et les chercheurs de son groupe à Lund en Suède sont particulièrement intéressés par cette question. Cette problématique a été étudiée chez les souris mutantes pour le gène HD appelées souris BAC-HD.

«Ces comportements, et d'autres, suggèrent aux scientifiques que les souris modèles de la MH ont des symptômes cohérents avec la dépression. »

Ils ont tout d’abord étudié l’hippocampe dans l’espoir d’observer chez ces souris, certains des problèmes associés à la dépression dans cette région. Le drôle de nom de l’hippocampe provient de la forme de l’animal marin qui signifie « monstre des mers » en grec.

Le groupe du Dr Petersen n’a pu retrouver chez les souris BAC-HD les changements observés dans la dépression humaine associée à l’hippocampe et décrits dans la communauté scientifique. Ce qui suggère que ce type précis de dysfonction n’a pas lieu chez cette souris.

Ce qui laisse l’hypothalamus comme piste de recherche et pour cela, ce groupe a utilisé une astuce. Le créateur de la souris BAC-HD, William Yang à UCLA, a modifié intelligemment le gène HD de manière à pouvoir l’inactiver dans certaines régions du cerveau si besoin est.

C’est ce qu’a réalisé le groupe du Dr Petersen en ciblant l’hypothalamus. Ils ont utilisé un virus pour délivrer aux cellules cérébrales l’instruction suivante « Eteignez le gène mutant HD que William a mis ici ! ».

Bien sur, cela ne fonctionne que chez les souris modifiées en laboratoire, le gène HD humain n’a pas la bonne séquence pour être éliminé de la même manière.

Chez les souris BAC-HD, quand le gène mutant HD a été éteint dans l’hypothalamus, les souris ont montré moins de signe de dépression dans un test comportemental. Les symptômes associés à l’anxiété n’ont cependant pas été modifiés.

Qu’est que ça change pour nous ?

C’est une étude très utile pour les scientifiques qui suggère que certaines régions spécifiques du cerveau peuvent contribuer à la dépression dans la MH. Les futures études chez les souris pourraient révéler plus de détails sur comment les dysfonctions de l’hypothalamus conduisent à la dépression. La compréhension de ce mécanisme est vraiment important - la dépression est un symptôme très grave dans la MH qui conduit à une grande souffrance.

L’approche utilisée dans cette étude visant à réduire la “dépression” chez ces souris n’est pas transposable chez les patients de la MH car cela a été rendu possible par une manipulation génétique qui ne marche que chez les souris BAC-HD. Néanmoins, cette étude pointe du doigt où sont localisés les problèmes dans le cerveau des patients de la MH mais pas comment les soigner.

Cette étude renforce l’idée que le meilleur moyen de traiter la maladie de Huntington est de traiter le « cerveau dans sa globalité ». Les traitements ciblés qui ratent l’hypothalamus ne pourraient donc pas être suffisant dans le contrôle de la dépression dans la maladie. C’est une leçon utile pour les chercheurs travaillant sur les traitements comme le silençage des gènes, qui pourrait avoir besoin d’être appliqué dans différentes régions du cerveau.

Bonne science, communiqués de presse honteux

Pour une source d’information appelée HDBuzz, il est approprié d’avoir des « bourdonnements » à propos des communiqués de presse. Trop souvent, nous voyons de la bonne science gonflée dans les communiqués de presse écrits par les relations publiques des universités contenant quelques citations de scientifiques hors contexte. Ces communiqués basés sur de nouvelles découvertes se retrouvent surévaluées, potentiellement mal –interprétées et décevantes pour les membres de la famille de la MH.

Le communiqué de presse de l’université de Lund était titré “ Une percée importante dans la maladie de Huntington », et contenait la citation suivante du Dr Petersen « Nous sommes les premiers à montrer qu’il est possible de prévenir les symptômes de dépression dans la maladie de Huntington en désactivant la protéine malade dans les neurones de l’hypothalamus dans le cerveau ».

Il est important de se rappeler que nous parlons de compétences comportementales très simples chez la souris – pas de « symptômes de dépression dans la maladie de Huntington », ce qui n’est pas clair pour ceux qui ne lisent que la presse. Même si les souris génétiquement modifiées se sentent mieux en désactivant le gène HD dans leur hypothalamus, cette approche ne peut pas être utilisée chez les patients humains car leur gène HD ne contient pas les séquences nécessaires pour l’éteindre avec un virus comme utilisé par le Dr Petersen et ses collègues.

Ces distinctions peuvent être claires pour les scientifiques qui lisent les recherches dans les journaux mais pas pour les membres des familles. Les membres des familles de la MH lisant un tel communiqué sont enclin à voir que cette équipe à réussi à « prévenir les symptômes de dépression dans la MH », ce qui après coup les amènent à la déception.

Nous allons continuer à bourdonner aux oreilles des chercheurs afin d’améliorer la qualité de leur communiqués de presse dans le but que lorsqu’ils atteignent les membres des familles, ils soient porteurs d’espoir et non de sensationnel. Entre temps, gardez un œil sur HDBuzz pour lire entre les lignes.

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