Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Le cerveau est un organe très gourmand, mais consomme-t-il l’énergie de manière différente dans le cadre de la maladie de Huntington ? Une équipe, dirigée par David Eidelberg de l’Institut Feinstein pour la Recherche Médicale, a étudié les habitudes de consommation d’énergie dans le cerveau de personnes porteuses de la mutation MH. Des changements dans la quantité de sucre utilisée par le cerveau ont été observés avant même que celui-ci ne commence à changer physiquement, ce qui suggère que cela pourrait être une chose utile à suivre dans des essais cliniques.

Pourquoi voulons-nous trouver les premiers changements dans les cerveaux MH ?

Nous aimerions tous tester des médicaments dans le but de retarder ou de stopper l’apparition de la maladie de Huntington. Mais le développement des symptômes MH prend tellement de temps – des décennies, le plus souvent – qu’il est difficile de concevoir des essais cliniques.

Le cerveau utilise environ 20% de l'énergie que nous consommons, principalement sous forme de sucre. Les changements dans la consommation de sucre peuvent être dus à la mutation MH, ou par la façon dont s'adapte le cerveau.
Le cerveau utilise environ 20% de l'énergie que nous consommons, principalement sous forme de sucre. Les changements dans la consommation de sucre peuvent être dus à la mutation MH, ou par la façon dont s'adapte le cerveau.

Pour effectuer des essais cliniques plus efficaces, les scientifiques MH sont à la chasse de bio-marqueurs. Un exemple de bio-marqueur ayant du succès : la mesure de la pression artérielle permettant aux médecins d’estimer les risques de crise cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral.

Nous savons maintenant que des médicaments, réduisant la pression artérielle, aideront à empêcher des crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux. Cela accélère le développement de nouveaux médicaments, car il n’est pas nécessaire d’attendre que les personnes aient des crises cardiaques.

Nous aimerions avoir des mesures similaires chez les patients MH. Plutôt que de donner des médicaments à un grand groupe de personnes et d’attendre de nombreuses années pour voir si la progression de la MH est plus lente, nous voudrions avoir des mesures que nous pourrions utiliser pour tester, rapidement, les effets bénéfiques d’une thérapie MH.

L'examen du cerveau MH vivant

De nombreuses personnes atteintes de la maladie de Huntington ont eu, ou un ‘scanner cérébral’, ou un autre type d'examen, soit dans le cadre de la recherche, soit pour aider leur médecin à suivre ce qui se passe dans leur cerveau. Tous les scanners cérébraux ont pour but de créer une image du cerveau, mais différentes technologies sont utilisées aux fins de voir les différentes caractéristiques des tissus cérébraux. C’est un peu comme une photographie et un dessin à l’encre qui peuvent sembler différents, bien qu’ils soient l’image d’une même chose.

Le plus souvent, les personnes atteintes de la MH effectueront des scanners cérébraux avec la machine d’imagerie par résonance magnétique, ou IRM. L’IRM utilise de puissants champs magnétiques afin de permettre de visualiser avec précision la forme et la structure du cerveau. Dans le cadre de la MH, nous voulons le faire, afin de pouvoir comparer les cerveaux des patients MH à ceux des personnes sans mutation, ou pour comparer les scanners d’une personne avant et après qu’elle ait reçu un traitement médicamenteux. Cela pourrait nous aider à trouver des médicaments qui ralentissent ou stoppent la perte des tissus cérébraux, observée au cours de la maladie.

De nombreux scientifiques pensent que ces changements de forme, détectés avec l’IRM, sont parmi nos meilleurs espoirs de fournir des bio-marqueurs MH. Mais il existe d’autres types de scanners qui pourraient également être utilisés.

Le cerveau a une dent sucrée

Le cerveau est l’organe le plus gourmand de notre corps. Bien qu’il ne représente qu’environ 2% de notre masse corporelle, il consomme environ 20% du sucre que nous absorbons chaque jour. Ce qui signifie que le sucre, absorbé chaque jour par notre cerveau, équivaut, environ, à une cannette pleine de soda.

«Ces régions du cerveau pourraient compenser les dommages en cours dans d'autres parties de celui-ci. »

Toute cette énergie va alimenter la communication entre les cellules cérébrales. Chacune de nos milliards de cellules cérébrales est reliée à des milliers d’autres par le biais de 100 trillions de synapses. Les synapses sont simplement des points de liaison entre deux cellules cérébrales. C’est l’énergie requise par cette ahurissante quantité de bavardage entre les cellules cérébrales qui consomme la plupart du sucre utilisé par le cerveau.

Etonnamment, même lorsque nous nous reposons et que nous avons l’impression de ne pas faire fonctionner notre cerveau, celui-ci travaille à sa capacité quasi maximale. Lorsque nous commençons à penser sérieusement à un problème, ou à réaliser une tâche spécifique, différentes régions de notre cerveau sont impliquées, mais il s'y passe toujours quelque chose.

Les scientifiques peuvent tirer avantage de ce flux énorme de sucre présent dans le cerveau pour un autre type de scanner cérébral, appelé la tomographie par émission de positons, ou PET scan. Le balayage par PET est soigné, car il nous permet d’utiliser une ‘molécule traceur’ pour observer l’activité chimique de zones spécifiques du cerveau, tout en ignorant le reste de celui-ci.

L'un des traceurs les plus simples utilisé par les scientifiques dans les PET scans est appelé ‘18FDG’ (18-fluorodéoxyglucose, pour les connaisseurs). 18FDG est quasiment identique au glucose, un type de sucre consommé par nos cerveaux, auquel est ajouté une étiquette chimique qui permet aux scientifiques de voir où celui-ci va.

Donc, l’expérience est assez simple. Prendre quelques personnes porteuses de la mutation MH, leur donner une injection intra-veineuse de sucre 18FDG, et les mettre dans un PET scan. Regarder les images qui sortent du scanner, et en particulier rechercher les zones spécifiques du cerveau qui consomment le plus ou le moins de sucre chez les patients MH.

Aucune cellule du cerveau n'est une île

L’équipe de scientifiques, dirigée par Eidelberg, a décidé de réaliser cette expérience, et d’une façon très intelligente. Ils ont commencé avec douze personnes ayant la mutation MH, mais qui n’avaient encore aucun symptôme de la maladie. Chaque personne a, initialement, fait l’objet d’un scan, et puis à nouveau un an et demi, quatre et sept ans plus tard. Cela leur a permis d’étudier la façon dont le cerveau des individus changent au fil du temps, exactement comme nous voudrions le faire dans le cadre d’un essai médicamenteux. Cette première étude réalisée, un groupe distinct de personnes porteuses de la mutation a été examiné aux fins de valider les résultats de celle-ci.

Outre l’exécution d’un scan 18FDG pour regarder la consommation de sucre, les scientifiques ont également pris en considération les changements de forme du cerveau, ainsi que d’autres traceurs PET, connus pour être modifiés dans les cerveaux des patients MH.

Toutes les cellules du cerveau fonctionnent en envoyant des messages à d’autres. Ceci se produit sur une courte échelle – un voisin chuchotant à l’oreille de l’autre – mais également sur une plus grande échelle. En effet, l’ensemble du cerveau est équipé d’autoroutes de ‘substance blanche’ reliant une région du cerveau à une autre.

Les PET scans FDG nous permettent de voir la quantité de sucre utilisée par chaque région du cerveau. Il s'agit d'un scan portant sur un cerveau sain. Les zones rouges consomment plus de sucre.
Les PET scans FDG nous permettent de voir la quantité de sucre utilisée par chaque région du cerveau. Il s'agit d'un scan portant sur un cerveau sain. Les zones rouges consomment plus de sucre.

Compte tenu du fait que la communication est importante dans le cerveau, cette équipe de scientifiques a décidé de mettre l’accent non seulement sur les changements à l’intérieur d’une zone particulière, mais également sur les changements dans l’ensemble du réseau du cerveau. Ils ont soutenu qu’aucune région du cerveau ne fonctionne par elle-même, et qu’en observant le cerveau dans son ensemble, nous pourrions voir des modèles intéressants.

L'espoir d'une compensation

Comme prévu, l’équipe a observé d’importants changements dans les cerveaux des personnes porteuses de la mutation. Leurs cerveaux se rétrécissent et le PET scan a également montré des changements au fil des ans, à mesure que ces personnes se rapprochent du moment où elles éprouvent des symptômes.

Etonnamment, l’équipe a observé, chez les personnes porteuses de la mutation, que de nombreuses régions du cerveau consommaient moins de sucre au fil du temps alors que d’autres en consommaient en réalité plus. Nous ne savons pas encore pourquoi, mais une des possibilités intéressantes est que ces autres régions du cerveau pourraient compenser les dommages en cours dans les autres parties du cerveau, travaillant plus durement afin de prendre le relais pour maintenir le fonctionnement un peu près normal de la personne.

Ceci représente plein d’espoir car si le cerveau trouve, effectivement, des moyens pour compenser les dommages dans le cadre de la MH, peut-être pourrions-nous l’aider en ralentissant les dégâts de la maladie, et lui permettre de travailler correctement plus longtemps. Cette étude ne prouve pas que ceci est possible mais nous montre où l'on doit chercher.

L’approche, consistant à analyser l’ensemble du ‘réseau’ du cerveau, adoptée par les scientifiques s’est avérée être plus puissante que la recherche des changements dans les différentes régions du cerveau. Ceux-ci soutiennent que l’observation du réseau de changements dans la consommation de sucre dans le cerveau révèle les premiers changements jamais observés dans les cerveaux des patients MH, et ils ont constaté des changements avant que des modifications évidentes touchant la forme du cerveau n’aient eu lieu.

La chasse aux bio-marqueurs se poursuit, mais cette étude est un excellent apport à l’arsenal des changements se produisant dans le cerveau, que les ‘chasseurs’ de médicaments peuvent utiliser pour tester leurs produits.

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