Gènes sauteurs : La protéine de la maladie de Huntington envahit les greffes cérébrales
Etude à long terme sur des cerveaux de patients MH ayant reçu une greffe de tissus fœtaux : résultat surprenant
Par Dr Jeff Carroll 2 juin 2014 Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 26 mai 2014
La maladie de Huntington est due à un dysfonctionnement et à une mort précoce des cellules cérébrales. Le remplacement de ces cellules mortes ou mourantes par des cellules souches a été, pendant fort longtemps, l’objectif de certains scientifiques MH. Une étude récente examine la santé à long terme de certaines de ces premières greffes dans le cerveau de patients MH, et découvre un résultat surprenant.
Combler les vides dans le cerveau MH
La maladie de Huntington, ainsi que d’autres maladies ‘neurodégénératives’similaires, survient lorsque des cellules spécifiques du cerveau meurent. Malheureusement, pour les personnes porteuses de la mutation MH, ces cellules cérébrales très importantes prolifèrent, la plupart du temps, au cours des premières semaines de notre développement. Après la naissance d’un individu, la plupart des zones du cerveau développent peu de nouvelles cellules cérébrales pour remplacer celles qui sont inévitablement perdues, même au cours du vieillissement normal.
Et si nous pouvions prendre des tissus issus d’un cerveau en cours de développement et les utiliser pour combler les vides d’un cerveau MH en cours de dégénérescence ? Bien qu'il s'agisse d'un sujet assez controversé, il est techniquement possible de disséquer des régions cérébrales d'embryons humains et de les transplanter dans les régions de cerveaux de patients MH subissant une dégénérescence.
Thérapie de remplacement cellulaire
Dans le cadre de la maladie de Huntington, cette idée de “remplacement cellulaire” a, en fait, une longue histoire. Dans le milieu des années 80, une série d’études sur des animaux ont montré qu’il était possible de réparer des dommages causés au cerveau par des toxines et ce, par la transplantation de cellules souches neurales embryonnaires dans la zone endommagée. Des travaux ultérieurs chez des modèles animaux plus sophistiqués ont soutenu l’idée que cette approche pourrait être bénéfique.
Sur la base de ces travaux portant sur des animaux et de la progression d’essais similaires dans le cadre de la maladie de Parkinson, un petit nombre de patients MH ont bénéficié d’une greffe cérébrale de cellules embryonnaires, il y a plus de quinze ans. Décevant : aucun patient ayant bénéficié d’une telle transplantation n’a présenté d’amélioration importante, voire aucune, de ses symptômes MH après la greffe.
Un patient ayant bénéficié d’une transplantation de tissus fœtaux est décédé environ 18 mois après l’opération chirurgicale, décès dû à une cause non liée à celle-ci (crise cardiaque). Bien que triste pour le patient et sa famille, ce décès a permis aux scientifiques d’étudier le tissu transplanté et voir comment il a interagi dans le cerveau. Une explication possible sur le fait que les patients n’allaient pas mieux : les greffes n’auraient pas survécu ou pourraient de pas avoir réalisé les bons types de connexions dans le cerveau de l’hôte.
En fait, cette première étude a montré que les tissus fœtaux ont survécu dans le cerveau des patients MH et que les cellules de la greffe semblaient réaliser les types de connexions qu’elles auraient dû faire avec d’autres cellules dans le cerveau. Ce sont de bonnes nouvelles car cela signifie que ce type de transplantation est techniquement possible mais également de mauvaises car cela signifie que nous ne savons pas pourquoi les patients n’allaient pas mieux.
De nouvelles cellules, de vieux problèmes
Après qu’un certain temps se soit écoulé, les scientifiques ont été en mesure d’étudier un plus grand nombre de cerveaux de patients MH, lesquels sont finalement décédés des suites de la maladie de Huntington des années après avoir bénéficié d’une greffe de tissus fœtaux. Cette analyse a révélé une raison plus décevante concernant l’échec de la greffe de tissus quant à son efficacité à aider les patients MH : les nouvelles cellules semblaient être en train de mourir, un peu comme les vieilles cellules qui les entourent.
C’était inattendu ! Rappelez-vous, les cellules transplantées dans le cerveau des patients MH sont issues d’embryons humains et sont donc très jeunes. Cependant, il existe quelque chose à l’intérieur du cerveau MH qui les rend malades et entraîne leur mort, comme les cellules qu’elles sont censées remplacer.
Des résultats décevants similaires ont également été observés chez les patients atteints de la maladie de Parkinson ayant bénéficié de greffes de tissus fœtaux, suggérant qu'il pourrait s'agir d'un problème général quant à l'idée elle-même de thérapie de remplacement cellulaire. Il se pourrait que les cerveaux des patients atteints d’une neurodégénérescence soient juste trop inhospitaliers pour recevoir de nouvelles cellules pouvant les aider à aller mieux.
Dans le voisinage
Mais comment cela se fait-il ? Si les cellules des donneurs ne possèdent pas de mutation MH, pourquoi tombent-elles malades, tout comme les cellules qui le sont ? Nous ne connaissons pas à l’heure actuelle la réponse à cette question mais un ensemble de travaux émergents suggère que, chez des personnes atteintes d’une neurodégénérescence, les cellules du cerveau pourraient effectivement rendre les autres malades.
«L’équipe de Cicchetti a remarqué quelque chose d’étrange à propos du tissus fœtal greffé dans le cerveau des patients MH – il contient des agrégats ! C’est très surprenant car ce tissu greffé n’a pas le gène MH mutant. »
Dans un grand nombre de maladies neurodégénératives, il a été constaté que les cellules étaient entièrement remplies d’amas de déchets. Ces amas sont appelés ‘agrégats’ dans le cadre de la maladie de Huntington, ‘corps de Lewy’ dans le cadre de la maladie de Parkinson et ‘plaques amyloïdes’ dans le cadre de la maladie d’Alzheimer. Dans chaque cas, les cellules semblent, dans certaines zones du cerveau, être incapables d'évacuer les déchets cellulaires, ce qui pourrait contribuer à les rendre malades et causer leur mort.
Lorsque les greffes fœtales ont été implantées dans les cerveaux de patients atteints de la maladie de Parkinson, il est apparu que les cellules de la greffe contenaient des ‘corps de Lewy’, tout comme les cellules malades autour d’elles. Ce fut très surprenant – il s’agit de jeunes cellules saines et normalement, la maladie de Parkinson ne se développe pas avant des décennies.
Nouveaux travaux dans le cadre de la maladie de Huntington
Quelque chose de similaire pourrait-il survenir dans le cadre de greffes MH ? Une récente étude, menée par une équipe de scientifiques dirigée par Francesca Cicchetti de l’Université de Laval, suggère que quelque chose de bizarre pourrait survenir. Cicchetti a examiné les cerveaux de trois patients MH, décédés dix ans après avoir bénéficié de greffes de tissus fœtaux.
Pour comprendre les résultats de leur étude, il convient de rappeler quelques éléments du fonctionnement de la maladie de Huntington. Chaque patient MH a hérité d'une copie mutante du gène MH, responsable de la production par les cellules d’une protéine MH mutante. C’est cette protéine qui est à l’origine des dommages dans le cerveau MH. En fait, la plupart de ces amas de déchets présents dans les cellules du cerveau MH (les ‘agrégats’) sont composés de protéine MH mutante.
L’équipe de Cicchetti a remarqué quelque chose d’étrange à propos du tissu fœtal greffé dans le cerveau des patients MH – il contient des agrégats ! C’est très surprenant car ce tissu greffé n’a pas le gène MH mutant et la cellule ne devrait pas posséder de protéine MH mutante. Que se passe-t-il ?
Pour être clair : les amas de protéine MH mutante ne sont pas à l’intérieur des cellules de la greffe mais plutôt coincés à l’extérieur des cellules, semblables à des détritus qui ne devraient pas être là. L’explication de ce surprenant résultat n’est pas claire mais savoir d’où viennent ces amas et s’ils contribuent à l’échec de ces greffes va être un domaine de travail important. Mais au moins, maintenant, nous savons qu’ils sont là.
Alors, et maintenant ?
Les résultats de cette étude, ainsi que ceux d’autres études menées dans le cadre d’autres maladies neurodégénératives, suggèrent que nous devons être très prudents s’agissant du remplacement des cellules mortes dans le cerveau en cours de dégénérescence. Si la maladie est toujours présente, les cellules transplantées dans le cerveau deviendront également malades.
Il s’agit de nouvelles un peu décevantes en termes de réalisation de la thérapie de remplacement cellulaire dans le cadre de la maladie de Huntington. Mais de grands progrès sont réalisés au niveau de la science des cellules souches au sein de laboratoires à travers le monde entier ; cette histoire n’est donc pas la fin de cette voie en particulier. Enfin, bien que le remplacement cellulaire soit une idée séduisante, des travaux de recherche aux fins d'augmenter la survie des cellules du cerveau, plutôt qu'aux fins de remplacer celles qui meurent, se développent rapidement et continuent à toute vitesse.