Déposer de nouvelles cibles à la banque : la protéine de réparation 'ATM' est hyperactive dans le cadre de la maladie de Huntington
La MH rend un peu trop zélée la protéine ATM. Nous pouvons actuellement rechercher des médicaments pour la stabiliser
Par Terry Jo Bichell 26 mars 2015 Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 9 mars 2015
Une étude récente menée par le laboratoire Yang à UCLA pointe vers une nouvelle idée pour empêcher la détérioration des neurones dans le cadre de la maladie de Huntington. La stratégie consiste à atténuer une protéine trop efficace, appelée ATM. A l’intérieur des neurones, la protéine ATM joue un rôle très important dans la réparation de l’infrastructure cellulaire, un peu comme celui d’un inspecteur de ponts, mais l’expansion de la protéine MH peut être due au fait que la protéine ATM évalue mal les dommages subiS par l’ADN.
Les inspecteurs de la nature, l’équipe de réparation et celle de démolition
ATM n'a, en fait, rien à voir avec un distributeur automatique de billets. Il s'agit de l’abréviation pour “ataxie télangiectasie mutée” car il s’agit d’un gène qui peut être responsable d’un trouble moteur appelé ataxie télangiectasie, mais celui-ci peut également jouer un rôle dans la maladie de Huntington.
Au sein de la cellule, la fonction de la protéine ATM peut être comparée à celle d’un inspecteur en constructions. Lorsque les ponts vieillissent, ils se rouillent souvent et des pièces doivent être remplacées pour maintenir la sécurité des routes. La plupart des ponts sont inspectés au moins une fois par an par des ingénieurs intrépides munis d’équipements d’escalade, lesquels décident si oui ou non un pont peut être réparé ou devra être condamné.
A l’intérieur des cellules, l’ADN présente également, avec l’âge, de l’usure, le développement de fissures et même de ruptures dans la structure. Cette altération de l’ADN survient dans le cadre du processus normal de vieillissement mais chez les patients MH, celle-ci apparaît plus tôt que prévu ou plus souvent que prévu. L’altération de l’ADN est également observée chez des modèles cellulaires MH et modèles animaux MH.
Le rôle de la protéine ATM est de détecter ce type d’altération de l’ADN, puis de s’accrocher au site endommagé et de faire appel à des protéines spécialisées pour effectuer des réparations. Si l’altération est trop importante, la protéine ATM active un ensemble différent de protéines, une sorte d’équipe de démolition, laquelle condamne et élimine les cellules hébergeant l’ADN endommagé. Il s’agit d’un business délicat – un inspecteur trop zélé pourrait en fait condamner prématurément une structure, alors qu’un inspecteur distrait pourrait échouer dans la détection et la réparation des dommages structurels.
Composer le bon numéro d'appel
Les inspecteurs en constructions communiquent généralement avec leurs équipes via le talkie-walkie. Dans les cellules, la communication s’effectue par la fixation de balises chimiques, connues sous le nom de groupes phosphates, aux bonnes protéines. La protéine ATM appelle, au sein de l’équipe de réparation via la phosphorylation, une protéine appelée H2AX. Cette protéine s’installe ensuite sur le site de la rupture structurelle de l’ADN et commence la réparation. Si l’altération est manifestement excessive, la protéine ATM peut phosphoryler une protéine différente, appelée p53, qui apporte une équipe de démolition à la place de l’équipe de réparation. L’équipe de démolition arrête le cycle cellulaire lors d’un processus appelé apoptose ou mort cellulaire programmée. Inutile de dire que de nombreux problèmes peuvent survenir si l'équipe de démolition est appelée par erreur.
«À ce stade, nous ne savons pas comment la protéine MH provoque une signalisation ATM anormale. Mais la diminution de l'activité de la protéine ATM peut être une nouvelle voie prometteuse pour traiter la MH, et peut-être pour éviter les dommages causés par la mutation MH. »
Les travaux réalisés dans le laboratoire Yang montrent que la signalisation ATM est accrue dans le cadre de la maladie de Huntington, et celle-ci va peut-être de travers. Les chercheurs ont montré que, lorsque les cellules porteuses de la mutation MH sont stressées, il y a une augmentation de la phosphorylation de la protéine H2AX, et davantage de mort cellulaire que prévu. Un excès de phosphorylation de la protéine H2AX a également été constaté dans le tissu cérébral de patients MH, plus particulièrement s’agissant des parties du cerveau connues pour être vulnérables dans le cadre de la MH.
La question qui se pose est de savoir si, dans le cadre de la MH, une signalisation ATM supplémentaire est une bonne ou une mauvaise chose : dans les zones vulnérables du cerveau, la MH pourrait causer plus de dommages à l’ADN, de sorte que la protéine ATM pourrait être une bonne chose, en signalant à la protéine H2AX d’effectuer des réparations. D’autre part, si la signalisation trop zélée de la protéine ATM est l’un des effets néfastes causé par l’expansion de la protéine MH, elle pourrait alors faire une bonne cible pour un traitement potentiel.
Moins on en fait, mieux c'est
La protéine ATM est essentielle à la santé normale – les patients présentant des mutations dans les deux copies de leur gène ATM ont un trouble grave, appelé l’ataxie télangiectasie. Néanmoins, le fait d’avoir seulement une copie fonctionnelle du gène ATM, une demi-dose, ne semble pas causer de problème du tout.
C'est dans cet esprit que le laboratoire Yang a entrepris d’étudier la signalisation ATM selon plusieurs façons. Ils ont commencé par réduire la quantité de protéines ATM produites dans des cellules MH cultivées en boîte de Petri et ont constaté que le blocage de la signalisation ATM permettait d’obtenir des cellules saines. D’une certaine manière, la signalisation ATM a peut-être fait appel, dans les cellules MH, à une équipe de démolition plutôt qu’à une équipe de réparation.
L’équipe de recherche a, ensuite, observé des mouches des fruits porteuses de la mutation MH, lesquelles présentent un trouble de coordination lors de la montée de tubes à essai. Ils ont généré des mouches MH ayant une demi-dose d’ATM (seulement une copie du gène ATM de la mouche). Celles-ci étaient bien meilleurs grimpeuses que les mouches MH normales.
Enfin, lorsque les chercheurs ont reproduit des souris ‘demi-dose ATM’ avec des souris MH, ils ont constaté le plus convaincant de tous les résultats – les souris MH semblaient en bonne santé ! Les souris MH ayant une diminution d’ATM se déplaçaient mieux, présentaient moins de signes de dépression, avaient moins d’agrégats et moins d’atrophie du cerveau que les souris MH ayant une quantité normale d’ATM. En d’autres termes, le fait d’avoir une demi-dose d’ATM normale a empêché certains des symptômes engendrés par la MH.
Déposer la cible ATM à la banque
Il est possible de réduire l’activité de la protéine ATM avec une petite molécule médicamenteuse, appelée un inhibiteur. Les chercheurs ont placé des inhibiteurs ATM sur des neurones cultivés dans une boîte de Pétri et ont constaté qu’ils protégeaient les cellules des dommages causés par la protéine MH. Cela ouvre des possibilités pour le développement d’un médicament inhibiteur de la protéine ATM aux fins de traiter la maladie de Huntington.
A ce stade, nous ne savons pas comment la protéine MH engendre une signalisation anormale de la protéine ATM. Cependant, deux autres études ont remarqué la même chose, et ce type de réplication indépendant va, d’une manière, stimuler notre confiance selon laquelle nous sommes sur la bonne voie. Ensemble, les résultats de ces études suggèrent que la réduction d’ATM peut être un nouveau moyen prometteur pour traiter la maladie de Huntington et peut-être, empêcher les dommages causés par la mutation MH.