Lueur d'espoir : Un nouveau biomarqueur pour la maladie de Huntington
Un nouveau biomarqueur révèle les changements dans le cerveau au début de la maladie de Huntington
Par Melissa Christianson 8 mai 2015 Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 20 avril 2015
Dans le cadre de la maladie de Huntington, les neurones commencent à mourir bien avant que les symptômes de la maladie n’apparaissent. Malheureusement, de bons outils pour suivre de près les premiers changements dans le cerveau – et tester si de nouvelles thérapies pourraient les ralentir ou les stopper – n’avaient pas été auparavant disponibles. Cependant, un outil nouvellement développé, visant à surmonter ce problème, pourrait apporter de grands changements sur la façon dont nous suivons la maladie de Huntington.
Les symptômes de la maladie de Huntington sont provoqués par la mort des neurones situés dans des parties spécifiques du cerveau. Cependant, une des curieuses caractéristiques de la maladie est que les symptômes apparents n’apparaissent habituellement pas avant qu’un bon nombre de cellules du cerveau ne soient déjà mortes. Ainsi, il existe un grand décalage entre le calendrier des changements dans le cerveau et les symptômes apparents de la maladie de Huntington.
Ce décalage rend très important le traitement proactif précoce de la maladie de Huntington. Pour comprendre pourquoi, imaginez la maladie de Huntington comme un incendie à l’intérieur d’un bâtiment. Si personne n’appelle les pompiers avant que la moitié du bâtiment ne soit carbonisée, alors davantage de parties du bâtiment seront perdues au moment où les pompiers arriveront et leurs efforts ne pourront les sauver. De la même manière, attendre de traiter la maladie de Huntington tant que les symptômes apparents n’apparaissent pas revient à permettre aux cellules importantes du cerveau de mourir – et une fois ces cellules mortes, elles ne peuvent pas être remplacées.
Par conséquence, un traitement efficace de la maladie de Huntington nécessitera presque certainement une intervention avant que la perte des cellules du cerveau ne provoque des symptômes apparents. Malheureusement, il n’existe pas encore de bons outils pour le suivi des changements dans le cerveau au début de la maladie. Ce manque d’outils est un problème car cela signifie que les médecins et les scientifiques ne voient pas ce qui se passe dans le cerveau au début de la maladie.
Revenons à notre analogie de l’incendie, essayer de traiter la maladie de Huntington sans voir les premiers changements dans le cerveau est comme essayer de combattre un feu les yeux fermés. Si vous ne pouvez pas voir le feu, vous ne savez pas si vous le contenez – ou si au contraire, vous avez votre lance d’incendie pointée entièrement dans la mauvaise direction. De même, si les médecins ne voient pas les premiers changements dans le cerveau, ils ne peuvent pas dire avec exactitude si de nouvelles thérapies empêchent ou ralentissent ces changements. Cela signifie qu’ils doivent perdre un temps précieux – temps que les personnes atteintes de la MH n’ont pas – à attendre que les symptômes apparents se développent avant de déterminer si un traitement a des chances d’être efficace.
Pour éviter ce temps d’attente, nous avons un besoin urgent d’outils pour le suivi des premiers changements dans le cerveau. Tout comme des outils de suivi de la température d'un incendie fournissent des informations importantes sur l'étendue de celui-ci, des outils de suivi des premiers changements dans le cerveau fournissent des informations importantes sur l'étendue de la maladie.
Signe, signe, partout un signe
En clinique, ces outils de suivi sont connus sous le nom de “biomarqueurs”. Les biomarqueurs donnent des signes ou des signaux sur ce qui se passe dans des maladies comme la maladie de Huntington. Ils peuvent consister en n’importe quel type de test – tests sanguins, tests cognitifs, scanners du cerveau et tout le reste – mais ils ont tous une chose en commun : ils mesurent quelque chose de concret s’agissant de la maladie. Un bon biomarqueur nous permet de suivre l’étendue de la maladie, ce qui est important pour prédire la progression ou savoir si un traitement est efficace.
Par conséquent, dans un sens pratique, les biomarqueurs sont très importants pour la communauté Huntington car ils peuvent rendre des essais cliniques, portant sur de nouveaux médicaments, plus rapides et plus fiables. Avoir de bons biomarqueurs pourrait être une arme puissante dans la lutte contre la maladie de Huntington.
Un biomarqueur pour PDE10
Heureusement, dans le cadre de la maladie de Huntington, un bon biomarqueur concernant les premiers changements dans le cerveau pointe le bout de son nez.
Le nouveau biomarqueur se concentre sur la protéine PDE10 – une protéine du cerveau ayant déjà fait sensation dans le milieu de la recherche scientifique concernant la M.H. Les scientifiques pensent que la protéine PDE10 aide les neurones à communiquer entre eux et que celle-ci pourrait être une bonne cible thérapeutique pour la maladie. Chez des animaux, des substances ciblant la protéine PDE10 améliorent la survie des cellules du cerveau et retardent le début de l’apparition des symptômes ressemblant à ceux de Huntington. En clinique, un essai en cours, recrutant actuellement des sujets, est entrain de tester si des médicaments ciblant la protéine PDE10 améliorent les symptômes chez des personnes atteintes de la M.H.
«Le biomarqueur PDE10 pourrait vraiment être important pour la communauté Huntington car il offre un moyen facile et précis pour suivre les premiers changements dans le cadre de la maladie. »
Deux caractéristiques font de la protéine PDE10 un biomarqueur particulièrement bien adapté pour la maladie de Huntington. Tout d’abord, celle-ci est présente presque exclusivement dans des régions du cerveau où les neurones meurent. Par conséquent, en tant que biomarqueur, elle pourrait fournir des informations spécifiques sur des problèmes de la maladie. Par ailleurs, bien que ces cellules du cerveau produisent normalement beaucoup de protéine PDE10, elles commencent à en produire de moins en moins bien avant de mourir. Ainsi, un biomarqueur PDE10 pourrait fournir des informations sur les cellules du cerveau qui sont malades, mais pas encore mortes.
Ensemble, ces deux éléments d’information pourraient donner à la protéine PDE10 le potentiel pour être un biomarqueur très puissant – un qui permettrait aux médecins de surveiller spécifiquement la santé des neurones à risque dans le cadre de la maladie de Huntington avant que les symptômes apparents ne se développent.
Brille, petit biomarqueur, brille
Avec cette idée en tête, les scientifiques de la société Pfizer ont créé un biomarqueur PDE10 pour suivre les premiers changements dans le cerveau dans le cadre de la maladie de Huntington.
En théorie, le nouveau biomarqueur est une substance en pointillé, collante qui s’attache étroitement à la protéine PDE10 mais pas à d’autres protéines du corps. Plus important, cette substance possède de tous petits fragments lumineux. Bien que tout petits, ces fragments lumineux ont un gros plus : ils permettent aux scientifiques de suivre, à l’aide d’une caméra spéciale, la substance partout où elle va. La substance elle-même est sans danger ; ainsi les scientifiques peuvent l’administrer chez des personnes atteintes de la maladie de Huntington – et ensuite regarder où elle voyage à l’intérieur du corps humain.
La plupart des nouveaux biomarqueurs finissent par se fixer à la protéine PDE10 dans les cellules du cerveau, ce qui signifie qu’ils s’accumulent exactement dans les régions du cerveau que nous voulons observer dans le cadre de la maladie de Huntington. Dans ces régions, les cellules saines (avec beaucoup de PDE10) sont plus lumineuses que les cellules malades (avec seulement un peu de PDE10) en danger de mort. Par conséquent, en mesurant la brillance du biomarqueur avec une caméra spéciale, les scientifiques peuvent surveiller, au fil du temps, la santé de ces neurones à risque.
Mise à l'épreuve
Les scientifiques de la compagnie Pfizer ont soumis ce nouvel outil à un test pratique dans le cadre d’une étude publiée dans la revue de l’American Medical Association.
Au cours de leur étude, les scientifiques ont pris des photographies des régions cérébrales vulnérables dans le cadre de la maladie de Huntington, éclairées par leur nouveau biomarqueur lumineux, et ils ont ensuite examiné minutieusement ces photographies afin de voir si ces régions semblaient être différentes chez des individus avec et sans un début de maladie de Huntington. Surtout, dans le cadre de cette étude, les personnes MH étaient à un stade très précoce de la maladie : ils avaient soit de légers symptômes, soit aucun symptôme.
Lorsque les scientifiques ont analysé les photographies, ils ont constaté que les régions du cerveau des différents groupes de sujets étaient, en fait, très différentes – même s’il n’y avait pas de différences évidentes au niveau des symptômes apparents entre les sujets atteints de la MH et les sujets sains. Plus précisément, pour les régions importantes du cerveau, le biomarqueur PDE10 était plus lumineux chez des volontaires sains que chez des personnes atteintes de la maladie de Huntington. En outre, même parmi les personnes atteintes de la MH, la luminosité chez celles-ci, sans symptômes apparents, était plus importante que chez celles présentant des symptômes bénins.
Ainsi, il existe une forte relation entre la luminosité du nouveau biomarqueur PDE10 et l’étendue de la maladie de Huntington. Cette relation est beaucoup plus forte que ce que les scientifiques pouvaient découvrir à l’aide d’outils existants.
En se basant sur ces résultats, les scientifiques pensent que, dans le cadre de la maladie de Huntington, leur nouveau biomarqueur est sensible aux premiers changements dans le cerveau.
Comment celui-ci peut-il nous aider ?
Le biomarquer PDE10 pourrait être un outil très puissant pour la communauté Huntington car il offre un moyen facile et précis pour le suivi des premiers changements dans le cerveau. Un meilleur suivi de la maladie rend l’évaluation de l’efficacité d’un traitement potentiel plus facile et plus précise, ce qui accélère les essais cliniques. Ainsi, même si le biomarqueur n’est pas en soi un traitement, il peut directement améliorer et accélérer la recherche de nouvelles thérapies dans le cadre de la maladie de Huntington.
En outre, ce biomarqueur pourrait permettre aux médecins de prédire le moment où une personne pré-symptomatique va commencer à ressentir la maladie symptomatique. Cette prédiction serait précieuse pour des études cliniques (où il est important de tester des thérapies chez des patients dont le statut est connu) et pour des personnes vivant dans l'ombre de la menace de la maladie symptomatique.
La conclusion
Il est encourageant de voir une grande compagnie pharmaceutique, bien dotée en ressources, investie dans la gestion active d’essais cliniques efficaces pour la maladie de Huntington. Bien que les scientifiques de la compagnie Pfizer doivent travailler davantage pour vérifier la sensibilité de leur nouveau biomarqueur, les avantages potentiels de ce nouvel outil dans le cadre de la recherche de thérapies MH sont clairs. Dans l’ensemble, le développement et la validation de bons biomarqueurs accélèreront la recherche d’un traitement efficace.