Par Melissa Christianson Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

C’est comme un jardinage qui a mal tourné : les scientifiques peuvent ajouter de la protéine huntingtine à l’extérieur des cellules du cerveau cultivées en laboratoire et produire des amas de protéines potentiellement collants et nuisibles qui se développent à l’intérieur des cellules. A présent, une nouvelle étude révélant que le liquide céphalo-rachidien humain fait la même chose pourrait nous aider à surveiller la maladie de Huntington.

La maladie de Huntington est causée par une mutation génétique qui rend la protéine huntingtine très longue. Tout comme un tuyau d’arrosage très long est plus difficile à enrouler qu’un tuyau plus court, la protéine huntingtine très longue est plus difficile à plier que la version normale.

La difficulté supplémentaire du pliage de la protéine huntingtine très longue engendre des problèmes pour le cerveau car des protéines mal repliées à l’intérieur des cellules du cerveau finissent en amas collants qui peuvent rendre celles-ci malades. Par conséquent, les cellules du cerveau qui développent des amas de protéines collants peuvent être à risque dans le cadre de la maladie de Huntington.

Le processus de développement des amas de protéines à partir de l'extérieur d'une cellule du cerveau est appelé "l'ensemencement".
Le processus de développement des amas de protéines à partir de l'extérieur d'une cellule du cerveau est appelé “l'ensemencement”.
Crédits graphiques: freeimages.com

Quelques mauvaises graines

Des scientifiques étudiant en laboratoire la façon dont ces amas collants se développent ont récemment fait une découverte intrigante.

S’agissant de cellules cultivées dans une boîte de Pétri, l’ajout de protéines huntingtine mal repliées à l’extérieur d’une cellule du cerveau fait apparaître des amas de protéines collants à l’intérieur de cette même cellule du cerveau. En raison de similitudes avec le jardinage que vous pourriez faire dans votre propre arrière-cour, les scientifiques ont appelé “ensemencement” ce processus de développement d’amas collants.

L’ensemencement pourrait se produire dans des cellules du cerveau cultivées en laboratoire selon deux façons générales. Tout d’abord, des amas de protéines provenant de l’extérieur pourraient en fait envahir des cellules du cerveau, de la même manière que des mauvaises herbes provenant du gazon de votre voisin pourraient envahir la vôtre. De la même manière, des amas de protéines situés à l’extérieur des cellules du cerveau pourraient amener les cellules à se modifier, de sorte qu’elles développeraient à l’intérieur d’elles-mêmes de nouveaux amas, de la même façon qu’un changement dans votre méticuleuse routine d’entretien du gazon par rapport à celle de votre paresseux voisin pourrait faire pousser des mauvaises herbes dans votre pelouse (tout comme dans la sienne). L’une ou l’autre de ces méthodes – ou même les deux en même temps – pourrait contribuer à la façon dont les amas de protéines collants se développent en laboratoire.

Bien que nous sachions que l’ensemencement se produit dans le laboratoire de recherche, ce qui se passe dans le cadre de la maladie de Huntington - ou est plutôt simplement un joli truc de laboratoire - demeure, toutefois, un mystère.

Un autre usage du fluide de cerveau

Pour répondre à cette question, les scientifiques de l’Université de Californie à Irvine ont essayé de savoir s’ils pouvaient faire en sorte que l’ensemencement puisse se produire dans des conditions plus réalistes en impliquant du “fluide de cerveau”.

Le “fluide de cerveau”, également connu sous le nom de liquide cérébro-spinal (ou céphalo-rachidien), est un liquide transparent qui entoure le cerveau et le protège contre les blessures. Ce liquide effectue un certain nombre de bonnes choses pour le cerveau, telles que l’élimination des toxines et des déchets.

Son travail d’élimination de déchets fait du liquide cérébro-spinal une très bonne ouverture sur ce qui se passe au sein du cerveau. A titre de comparaison, pensez à ce qu’une personne pourrait en apprendre sur vous en examinant vos ordures – elle pourrait savoir ce que vous mangez, où vous effectuez vos courses et peut-être même connaître votre carte bancaire, simplement en examinant ce que vous jetez. De la même manière, l’examen minutieux du liquide cérébro-spinal pourrait nous aider à jeter un coup d'oeil sur ce qui passe dans le cerveau.

«Le liquide cérébro-spinal humain peut ensemencer une tumeur d'amas collants - et le liquide cérébro-spinal des personnes atteintes de la maladie de Huntington le fait beaucoup plus facilement que celui des personnes saines. »

Le liquide cérébro-spinal nous permet une chose : celle de jeter un coup d’oeil sur la protéine huntingtine. Même si nous trouvons généralement la protéine huntingtine à l’intérieur des cellules du cerveau, nous savons aux termes d’un travail vraiment génial (http://en.hdbuzz.net/197) qu’elle circule à l'intérieur du liquide cérébro-spinal. Ce qui devrait être logique car l’une des tâches les plus importantes du liquide cérébro-spinal est l’élimination des toxines du cerveau (telles que les protéines mal repliées).

Cependant, si la protéine huntingtine mal repliée peut provoquer l’ensemencement, cette tâche de nettoyage – au cours de laquelle le liquide cérébro-spinal emmène la protéine huntingtine mal repliée et donc en dehors du cerveau - pourrait effectivement mettre en danger les cellules du cerveau saines.

Qu'ont-ils trouvé ?

Pour découvrir si c’est le cas, des scientifiques, dirigés par Steven Potkin de l’Université de Californie à Irvine, ont ajouté du liquide cérébro-spinal humain sur des cellules du cerveau cultivées dans une boîte de Pétri aux fins de voir si celui-ci pourrait faire croître des amas de protéines collants à l’intérieur des cellules.

Ils ont testé trois principales variétés de liquide cérébro-spinal : provenant de personnes atteintes de la maladie de Huntington (qui ont la protéine huntingtine mal repliée dans le LCS), provenant de personnes saines (qui n’ont pas la protéine huntingtine mal repliée dans le LCS) et provenant de personnes “à risque”.

Les scientifiques ont constaté que le liquide cérébro-spinal provenant de personnes atteintes de la MH avait semé une expansion d’amas de protéines beaucoup plus facilement que celui des personnes saines. De plus, le liquide cérébro-spinal des personnes symptomatiques ensemence beaucoup mieux que celui des personnes asymptomatiques.

Par conséquent, le liquide cérébro-spinal peut engendrer l’ensemencement et la facilité avec laquelle celui-ci se produit pourrait être liée avec la sévérité des symptômes.

Qu'est-ce que cela signifie ?

Donc, pourquoi devrions-nous nous préoccuper de toutes ces graines et amas qui surviennent seulement dans une boîte de Pétri et pas chez des personnes ?

Même si cette recherche est vraiment intéressante et bien réalisée, il y a – comme toujours – quelques questions irrésolues à garder à l’esprit lorsque nous envisageons l’impact final de ces travaux pour la communauté MH.
Même si cette recherche est vraiment intéressante et bien réalisée, il y a – comme toujours – quelques questions irrésolues à garder à l’esprit lorsque nous envisageons l’impact final de ces travaux pour la communauté MH.
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Premièrement, l’ensemencement pourrait nous donner un nouveau moyen de suivre les taux de protéine huntingtine, et par extension, la progression de la maladie au fil du temps. Suivre la progression de la maladie est très important car cela nous permet de déterminer si des thérapies MH testées dans le cadre d’essais cliniques sont efficaces. Historiquement, ce suivi a nécessité des années d’observation et a été une science inexacte car le tableau clinique de la maladie de Huntington varie tellement entre les différentes personnes. L’évaluation de la progression de la maladie par l’intermédiaire de l’ensemencement pourrait nous donner un moyen plus sûr, plus cohérent – ou au moins plus rapide – de suivre les changements qui se produisent dans la maladie.

Cependant, il y a encore beaucoup de travail à réaliser avant de pouvoir développer une méthode de suivi de la maladie sur la base de l’ensemencement. Une première et importante question à laquelle devront répondre les scientifiques est de savoir si les choses qui permettent aux souris MH d'aller mieux, peuvent réellement affecter la capacité du liquide cérébro-spinal des souris à ensemencer la croissance de l'amas de protéines. Si tel est le cas, nous sommes sur la bonne voie!

Deuxièmement, ces expériences pourraient avoir une influence sur la recherche de nouveaux médicaments MH. Normalement, nous pensons que la protéine huntingtine fait de mauvaises choses à l’intérieur des cellules du cerveau. Cependant, des expériences d’ensemencement mettent en évidence la présence de la protéine huntingtine dans le liquide cérébro-spinal – lequel est à l’extérieur des cellules du cerveau. Par conséquent, ces travaux servent de rappel selon lequel les thérapies MH pourraient avoir besoin de bloquer la protéine à ces deux endroits.

Quelques questions

Même si cette recherche est vraiment intéressante et bien réalisée, il y a – comme toujours – quelques questions irrésolues à garder à l’esprit lorsque nous envisageons l’impact final de ces travaux pour la communauté MH.

Premièrement, nous savions déjà que la protéine huntingtine était présente dans le liquide cérébro-spinal et que nous pourrions déjà la quantifier. Donc, pourquoi aurions-nous besoin, en premier lieu, d’utiliser l’ensemencement pour suivre la maladie de Huntington ? Il s’agit d’une question difficile car nous ne serons pas en mesure d’y répondre tant qu’une méthode basée sur l’ensemencement n’aura pas été testée, pour de vrai, pour le suivi de la maladie de Huntington. Néanmoins, il est tout à fait possible que l’ensemencement, qui examine la protéine huntingtine “en action”, nous donnera plus d’informations ou des informations différentes de celles que nous pouvions obtenir auparavant. En général, posséder davantage d’informations nous équipe mieux pour suivre la maladie.

Deuxièmement, même si l’ensemencement nous donne un nouveau moyen pour suivre la maladie de Huntington, une méthode basée sur l’ensemencement pourrait-elle être assez sensible pour détecter les changements de la maladie au fil du temps ou avec un traitement ? Ces expériences, dont nous parlons ici, ne visaient pas à répondre à cette question, et il est donc difficile de dire si ce que les scientifiques ont vu en laboratoire se traduira par un test significatif chez l’homme. Les scientifiques sont déjà sans doute au travail pour tenter de le réaliser.

Le message à retenir

Même s’il reste des questions importantes – et beaucoup de travail à réaliser dans l’avenir – ces nouveaux résultats sont intéressants et pertinents pour la communauté MH. Ils nous indiquent ce que la protéine huntingtine pourrait faire et comment elle pourrait le faire, et ils sèment des graines (de la bonne espèce) pour de futures recherches aux fins d’améliorer la façon de développer et de suivre des thérapies. Comme tout bon jardinier, nous avons juste besoin de donner à ces graines du temps pour croître.

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