Huntington’s disease research news.
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Sous un angle plus large : observation des symptĂŽmes non moteurs dans le cadre de la MH

Dans le cadre de la MH, les déficits de sommeil précÚdent les problÚmes moteurs.

Les descriptions courantes de la maladie de Huntington, ne mettant l’accent que sur les symptĂŽmes moteurs, brossent un tableau incomplet de la maladie rĂ©elle. La maladie de Huntington engendre Ă  la fois des symptĂŽmes moteurs et non-moteurs qui, conjointement, affectent l’ensemble du corps. A prĂ©sent, les scientifiques adoptent un angle plus large pour explorer cet ensemble complet de symptĂŽmes MH et dĂ©terminer comment ceux-ci pourraient ĂȘtre liĂ©s Ă  la maladie.

Zoom arriĂšre

Bien que les Ă©missions tĂ©lĂ©visuelles et films dĂ©peignent souvent la maladie de Huntington comme un simple trouble moteur, qui que ce soit au sein de la communautĂ© MH sait que cette image est une Ă©norme simplification. Comprendre la maladie de Huntington nĂ©cessite un zoom arriĂšre et une prise en considĂ©ration de la maladie sous un angle beaucoup plus large. En rĂ©alitĂ©, la maladie de Huntington est une maladie systĂ©mique qui affecte de nombreuses parties diffĂ©rentes du corps et aspects de la vie, et ses symptĂŽmes non-moteurs peuvent ĂȘtre tout aussi dĂ©vastateurs que leurs homologues moteurs, plus cĂ©lĂšbres.

PlutĂŽt que d'ĂȘtre un simple trouble monteur, la MH est une maladie systĂ©mique qui affecte de nombreuses parties diffĂ©rentes du corps et les aspects de la vie.
PlutĂŽt que d’ĂȘtre un simple trouble monteur, la MH est une maladie systĂ©mique qui affecte de nombreuses parties diffĂ©rentes du corps et les aspects de la vie.
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Notre comprĂ©hension croissante de la maladie de Huntington, comme Ă©tant une maladie systĂ©mique, apporte de nouvelles questions. Quels sont les tous premiers signes et symptĂŽmes de la MH ? Comment les diffĂ©rents symptĂŽmes sont-ils liĂ©s ? Les premiers symptĂŽmes MH en affectent-ils d’autres plus tard?

Dans le prĂ©sent article, nous allons parler d’une nouvelle recherche entreprise pour rĂ©pondre Ă  ces questions.

SymptĂŽmes de prĂšs

Cette nouvelle recherche se concentre sur des symptÎmes MH perturbant deux aspects importants de la santé : le sommeil et le poids corporel.

Commençons avec le sommeil. Vous pouvez savoir Ă  quel point le sommeil est trĂšs important pour nous les humains par le constat du temps de sommeil : l’individu passe en moyenne plus de temps Ă  dormir qu’à travailler, regarder la tĂ©lĂ©vision, cuisiner et nettoyer, le tout rĂ©uni.

Cependant, les personnes atteintes de la maladie de Huntington souffrent de perturbations du sommeil, apparaissant au dĂ©but de la maladie, qui affectent Ă  la fois la quantitĂ© et la qualitĂ© de leur sommeil. Ainsi que nous l’avons vu prĂ©cĂ©demment, les personnes atteintes de la MH se rĂ©veillent plus souvent et dorment moins profondĂ©ment que les personnes saines. Nous ne savons pas exactement pourquoi ces perturbations du sommeil apparaissent, mais les taux dĂ©traquĂ©s d’une hormone appelĂ©e mĂ©latonine peuvent y ĂȘtre impliquĂ©s (pour en savoir plus sur la mĂ©latonine dans le cadre de la MH : ici.

Cette perte de sommeil est importante car, mĂȘme pour les personnes en bonne santĂ©, elle est associĂ©e Ă  un ensemble de problĂšmes de santĂ© physique et mentale. ArrĂȘt cardiaque, prise de poids, problĂšmes cognitifs ; le risque de ceux-ci, et de nombreux autres problĂšmes de santĂ© en plus, se dĂ©veloppe lorsque notre sommeil est perturbĂ©.

Les personnes atteintes de la maladie de Huntington prĂ©sentent Ă©galement souvent une perte de poids progressive et un faible poids corporel au cours de leur maladie. Les scientifiques recherchent actuellement la cause de ces symptĂŽmes mais nous savons dĂ©jĂ  que ce n’est pas seulement du fait que les personnes MH ne mangent pas assez. Ces symptĂŽmes peuvent donc ĂȘtre une consĂ©quence des changements au niveau de l’équilibre Ă©nergĂ©tique et/ou du mĂ©tabolisme. Cependant, tout comme avec le sommeil, ces symptĂŽmes prĂ©disposent les personnes atteintes de la MH Ă  des problĂšmes de santĂ© supplĂ©mentaires.

Certains scientifiques, se basant sur ces liens, se demandent si des problĂšmes de sommeil et du mĂ©tabolisme pourraient aggraver, voire dĂ©clencher, d’autres symptĂŽmes MH. Pour que cette idĂ©e se rĂ©alise, il faudrait que ces symptĂŽmes apparaissent trĂšs tĂŽt dans la maladie, avant l’apparition d’autres symptĂŽmes. Cependant, nous ne savons pas si c’est le cas (ou non) car jamais personne n’a mis en Ă©vidence quand (et si) dĂ©butent effectivement les problĂšmes de sommeil et du mĂ©tabolisme dans le cadre de la maladie de Huntington.

Formulation de la question

Pour rĂ©pondre Ă  cette question, une Ă©quipe de scientifiques de l’UniversitĂ© de Cambridge, dirigĂ©e par le Dr Roger Barker, a conçu une Ă©tude de recherche portant sur l’examen du sommeil et du mĂ©tabolisme dans le cadre de la maladie de Huntington.

Pour formuler la question relative au moment oĂč peuvent survenir les problĂšmes de sommeil et de mĂ©tabolisme dans le cadre de la MH, une Ă©quipe de scientifiques a examinĂ© Ă  la fois Ă  diffĂ©rents stades de santĂ© et de maladie.
Pour formuler la question relative au moment oĂč peuvent survenir les problĂšmes de sommeil et de mĂ©tabolisme dans le cadre de la MH, une Ă©quipe de scientifiques a examinĂ© Ă  la fois Ă  diffĂ©rents stades de santĂ© et de maladie.
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L’équipe de Barker a, dans son Ă©tude, rĂ©uni trois groupes de sujets : des personnes saines, des personnes MH prĂ©-symptomatiques (qui ne prĂ©sentent pas encore de symptĂŽmes moteurs) et des personnes atteintes de la MH au premier stade de la maladie (qui prĂ©sentent de lĂ©gers symptĂŽmes moteurs). Ces sujets Ă©tant tous Ă  diffĂ©rents stades de santĂ© ou de maladie, ils ont donnĂ© aux scientifiques un moyen facile pour voir Ă  quoi ressemblaient les symptĂŽmes alors que la maladie progresse.

Les scientifiques ont Ă©tudiĂ© trĂšs minutieusement ces sujets en laboratoire et dans la « vie rĂ©elle » par l’intermĂ©diaire de questionnaires, de surveillance des mouvements et des ondes cĂ©rĂ©brales, de tests sanguins et d’évaluation de la consommation d’énergie. Cette Ă©tude approfondie leur a confirmĂ© que tout ce qu’ils avaient observĂ© reflĂ©tait ce qui se passait vraiment dans la maladie.

Une image se développe

Cette étude a révélé une description intéressante du sommeil et du métabolisme dans le cadre de la maladie de Huntington.

S’agissant du sommeil, les dĂ©ficits sont apparus au cours de la maladie prĂ©-symptomatique et Ă©taient apparents bien avant l’apparition des symptĂŽmes moteurs. Comme cela se passe plus tard au cours de la maladie, ces dĂ©ficits ont principalement perturbĂ© la continuitĂ© du sommeil : les personnes prĂ©-symptomatiques se rĂ©veillent plus souvent, passe du temps Ă©veillĂ© au milieu de la nuit et dorment moins profondĂ©ment que les personnes saines. Ces problĂšmes ont Ă©tĂ© progressifs et se sont aggravĂ©s au dĂ©but de la maladie.

En revanche, des dĂ©ficits semblables au niveau du mĂ©tabolisme ne sont pas prĂ©sents avant l’apparition des symptĂŽmes moteurs. En fait, les scientifiques n’ont observĂ© aucune diffĂ©rence mĂ©tabolique convaincante entre les volontaires en bonne santĂ© et les personnes prĂ©-symptomatiques ou atteintes de la maladie de Huntington. Ce constat Ă©tait surprenant compte tenu de la perte progressive de poids/le faible poids corporel associĂ©s Ă  la maladie de Huntington mais celui-ci a Ă©tĂ© confirmĂ© par une seconde Ă©tude complĂšte et indĂ©pendante menĂ©e par le Dr Thomas Warner de l’University College London.

Augmenter la résolution

Ensemble, ces résultats fournissent un tableau en haute résolution des symptÎmes non-moteurs dans le cadre de la maladie de Huntington.

PremiĂšrement, ils nous montrent que les perturbations du sommeil sont parmi les premiers symptĂŽmes de la maladie de Huntington. Celles-ci dĂ©butent avant les symptĂŽmes moteurs, juste au moment oĂč les premiers dĂ©ficits de jugement, de mĂ©moire et d’autres capacitĂ©s cognitives commencent Ă  apparaĂźtre (voir plus loin).

DeuxiĂšmement, ils mettent en Ă©vidence une petite rĂ©gion du cerveau, appelĂ©e hypothalamus. Celle-ci a seulement environ la taille d’une amande mais elle joue un rĂŽle important dans la rĂ©gulation de nos Ă©tats de sommeil et d’insomnie. Si, dans le cadre de la maladie de Huntington, des modifications au sein de cette petite rĂ©gion du cerveau sont responsables des problĂšmes de sommeil, alors celles-ci seraient parmi les premiers changements Ă  se produire au sein du cerveau. Comprendre ces premiers changements pourrait nous donner une bonne base pour comprendre les changements les plus rĂ©pandus qui se produisent dans le cerveau plus tard au cours de la maladie.

TroisiĂšmement, dans la mesure oĂč les dĂ©ficits de sommeil Ă©taient facilement Ă©valuables, ceux-ci apportent un nouveau biomarqueur potentiel relatif Ă  l’apparition ou Ă  la progression de la maladie de Huntington. Les biomarqueurs sont des tests Ă©valuant ou prĂ©disant la progression de maladies, telles que la maladie de Huntington, et ils sont importants car ils nous permettent de dĂ©crire objectivement les maladies. Un biomarqueur axĂ© sur certains aspects du sommeil qui pourrait ĂȘtre non invasif , suivi au fil du temps, pourrait ĂȘtre un outil prĂ©cieux dans le cadre d’essais cliniques et pourrait Ă©ventuellement ĂȘtre utile pour prĂ©dire le moment oĂč un individu dĂ©velopperait des symptĂŽmes moteurs.

Dans la mesure oĂč les manques de sommeil font des ravages sur les compĂ©tences cognitives, il est tentant d'imaginer un scĂ©nario dans lequel les premiers dĂ©ficits de sommeil provoquent des dĂ©ficits cognitifs dans le cadre de la MH.
Dans la mesure oĂč les manques de sommeil font des ravages sur les compĂ©tences cognitives, il est tentant d’imaginer un scĂ©nario dans lequel les premiers dĂ©ficits de sommeil provoquent des dĂ©ficits cognitifs dans le cadre de la MH.
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Enfin, le fait que cette Ă©tude n’ait pas trouvĂ© de dĂ©ficits manifestes dans le mĂ©tabolisme souligne combien il est important de tester nos idĂ©es sur ce qui se passe dans le cadre de la maladie de Huntington – parce que parfois nous avons tort. Une explication sur le faible poids corporel basĂ©e sur une altĂ©ration du mĂ©tabolisme est une idĂ©e attractive mais les nouvelles donnĂ©es ne la soutiennent absolument pas. DĂ©couvrir ceci maintenant est vraiment bien car maintenant nous pouvons aller de l’avant pendant que nous cherchons de meilleures explications s’agissant des symptĂŽmes relatifs au poids corporel dans le cadre de la maladie de Huntington.

Un Ă©clair d’hypothĂšse

Une des conclusions les plus intrigantes de cette Ă©tude est que les dĂ©ficits de sommeil surviennent en mĂȘme temps que les premiers dĂ©ficits de jugement, de mĂ©moire et d’autres capacitĂ©s cognitives au cours de la MH prĂ©-symptomatique.

Cette conclusion est intrigante car nous savons que l’insuffisance de sommeil fait des ravages dans le cerveau. Par exemple, la privation modĂ©rĂ©e de sommeil causĂ©e seulement par 17 heures d’éveil affecte la performance autant qu’un taux d’alcool de 0,05% dans le sang et plusieurs grandes catastrophes historiques (ex, l’Exxon Valdez en 1989 par le dĂ©versement de pĂ©trole au large de l’Alaska, le dĂ©sastre de la navette spatiale Challenger et l’accident nuclĂ©aire de Tchernobyl) ont Ă©tĂ© attribuĂ©es en partie Ă  des erreurs cognitives humaines causĂ©es par le manque de sommeil. Ainsi, il est raisonnable de supposer que les premiers changements dans le sommeil pourraient directement contribuer Ă  des changements cognitifs lors des premiers stades de la maladie de Huntington.

Bien qu’un lien entre les problĂšmes cognitifs et le manque de sommeil soit une idĂ©e intĂ©ressante, il faut ĂȘtre prudent avant de supposer que ceci soit vrai. Pour comprendre le pourquoi, considĂ©rons l’analogie suivante. Imaginez que vous Ă©tudiez la criminalitĂ© dans la ville de New York et dĂ©couvrez un lien entre la petite dĂ©linquance et les ventes de crĂšme glacĂ©e : Ă  chaque fois que les ventes de crĂšme glacĂ©e sont en plein essor, la petite dĂ©linquance augmente ; Ă  chaque fois que les ventes de crĂšme glacĂ©e baissent soudainement, la petite dĂ©linquance diminue.

Compte tenu de la relation Ă©vidente entre ces deux Ă©vĂšnements, prĂ©tendriez-vous que les ventes de crĂšme glacĂ©e sont Ă  l’origine de la criminalitĂ© ? Probablement non. Au lieu de cela, vous en tireriez une conclusion beaucoup plus raisonnable selon laquelle un autre facteur interviendrait (par exemple, la tempĂ©rature : pendant l’étĂ©, la hausse des tempĂ©ratures pourrait entraĂźner une augmentation des ventes de crĂšme glacĂ©e et de la criminalitĂ© ; pendant l’hiver, il fait trop froid pour les deux).

Nous utilisons exactement le mĂȘme raisonnement lorsque nous nous interrogeons sur la relation entre le sommeil et les dĂ©ficits cognitifs dans le cadre de la maladie de Huntington. MĂȘme si ces symptĂŽmes surviennent en mĂȘme temps et se suivent les uns avec les autres, nous ne disposons pas encore suffisamment d’informations pour savoir si un symptĂŽme provoque l’autre ou si les deux sont le rĂ©sultat d’autres facteurs de la maladie. DĂ©mĂȘler ces possibilitĂ©s est un important sujet qui nĂ©cessitera davantage de recherche.

Le grand angle

Nous pensons qu’il s’agit d’une Ă©tude sĂ©rieuse, montrant que les dĂ©ficits de sommeil prĂ©cĂšdent les problĂšmes moteurs qui se manifestent dans le cadre de la maladie de Huntington (mais pas les dĂ©ficits du mĂ©tabolisme), et nous sommes impatients de voir ces travaux appliquĂ©s pour le dĂ©veloppement de biomarqueurs et pour la comprĂ©hension des premiers changements dans le cerveau. Par ailleurs, nous avons Ă©tĂ© intriguĂ©s par la possibilitĂ© d’un lien mĂ©caniste entre le sommeil et la cognition, et nous attendons davantage de travail Ă  cette fin.

Dans l’ensemble, cette Ă©tude est Ă©galement un trĂšs bon rappel de la complexitĂ© de la maladie de Huntington. L’élargissement de notre objectif pour Ă  la fois comprendre cette complexitĂ© et identifier la survenance des symptĂŽmes, et comment ceux-ci interagissent, est important pour mettre l’accent sur la maladie et des traitements efficaces. Enfin, en attendant des thĂ©rapies efficaces pour la maladie de Huntington, nous disposons de trĂšs bons mĂ©dicaments utiles pour le sommeil et nous encourageons les patients MH Ă  en parler avec leur mĂ©decin !

Pour en savoir plus

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