Des cibles médicamenteuses importantes issues d'une nouvelle étude génétique de la MH
D’infimes différences dans les gènes de réparation de l'ADN peuvent influer sur l'âge d'apparition des symptômes MH
Par Dr Leora Fox 11 mai 2016 Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 2 mai 2016
Il existe un grand mystère : pourquoi différentes personnes ayant la même mutation MH développent-elles parfois les symptômes à des âges très différents. L'année dernière, une grande analyse génétique nous avait donné quelques pistes intéressantes et à présent, les chercheurs se concentrent sur les résultats les plus prometteurs. Une étude récente montre que de minuscules changements au sein des gènes qui réparent l'ADN endommagé, peuvent avoir un effet important sur l'âge d'apparition de la maladie de Huntington et de maladies apparentées.
Rechercher les raisons des différents âges d'apparition des symptômes
La maladie de Huntington est une maladie héréditaire, et par conséquent, une personne dont un parent ou grand-parent est atteint de celle-ci présente un risque de développer un jour les symptômes. Même ceux qui apprennent, par un test génétique, qu'ils sont porteurs de la mutation MH, font face à une grande et difficile inconnue : à quel moment les symptômes vont-ils commencer à se développer ?
Un minuscule bégaiement génétique est à l'origine de la maladie de Huntington, une section répétée de lettres CAG dans le code ADN qui est trop longue pour fonctionner correctement. La longueur de cette expansion nous fournit une indication concernant l'âge auquel les symptômes pourraient apparaître - en moyenne, plus les mutations sont longues, plus l'âge d'apparition de la maladie peut être précoce. Mais elle ne suffit pas, sinon les médecins pourraient alors être en mesure de prédire avec précision le moment où la maladie va frapper. Souvent, chez des personnes ayant la même longueur de mutation, même celles qui sont étroitement liées, l'apparition des symptômes peut différer de plusieurs mois, années, et même décennies.
Pour comprendre ce phénomène, les chercheurs MH ont recherché de nouvelles pistes génétiques dans l'espoir de découvrir d'autres cibles pour élaborer des traitements qui pourraient retarder l'apparition des symptômes. En analysant de grandes populations de patients volontaires et de familles ayant la mutation MH, les scientifiques ont découvert des différences dans d'autres gènes affectant l'âge d'apparition de la MH, connus sous le nom de gènes modificateurs.
L'année dernière, nous avons évoqué une étude d’association pangénomique (GWAS) qui s'est penchée sur de nombreux modificateurs possibles, ouvrant une nouvelle voie de recherche sur les disparités génétiques qui pourraient accélérer ou retarder les symptômes. Une étude plus récente s'est concentrée sur un ensemble de gènes importants pour la réparation de l'ADN endommagé. Elle a révélé que des petites modifications apportées au mécanisme d'auto-réparation peuvent affecter l'âge d'apparition de la MH et de maladies héréditaires apparentés.
La maladie de Huntington fait partie d'une famille de maladies génétiques
Le code ADN est l'ensemble essentiel des instructions stockées dans une cellule, détaillant la manière de fabriquer chacune des pièces du mécanisme nécessaire pour le bon fonctionnement de celle-ci. Les molécules ADN sont composées de deux brins enroulés l'un autour de l'autre en une double hélice, comme un escalier en colimaçon. Chacun de ces brins est constitué d'un enchaînement de bases nucléiques : l'adénine ‘A’, la guanine ‘G’, la cytosine ‘C’ et la thymine ‘T’.
«Un point commun entre les maladies poly-Q, établi lors d'une récente étude clinique, est qu'il existe un ensemble de gènes pour réparer l'ADN endommagé. »
Chaque lot de trois bases constituent l'unité d'information servant de base pour la création d'un acide aminé (élément constitutif des protéines). La séquence C-A-G code pour un acide aminé appelé glutamine, souvent désigné par la lettre Q. Les personnes atteintes de la MH ont trop de répétitions CAG dans le gène MH, et par conséquent un surplus de glutamines (Q’s) dans la protéine huntingtine. C'est pour cette raison que la maladie de Huntington est parfois appelée maladie par expansion de polyglutamine ou maladie poly-Q.
En fait, la maladie de Huntington n'est pas la seule maladie par expansion de polyglutamine, plusieurs autres maladies héréditaires sont causées par des répétitions CAG au sein de différentes parties du génome. Deux exemples : l'ataxie spinocérébelleuse (ASC) qui se caractérise notamment par des troubles de l'équilibre et de la coordination et l'atrophie musculaire spinale et bulbaire (SBMA) qui affecte généralement les hommes et provoque une faiblesse musculaire et des déséquilibres hormonaux. Un point commun entre les maladies résultant de l'expansion de répétitions CAG : plus les répétitions sont longues, plus l'âge d'apparition des symptômes est précoce. Et il apparaît que certains des mêmes gènes modificateurs, qui contribuent au déclenchement des symptômes MH, jouent un rôle similaire dans d'autres maladies à expansion de polyglutamine.
Rechercher, dans les gènes réparateurs de l'ADN, des pistes quant au début des symptômes
Un point commun entre les maladies poly-Q, établi lors d'une récente étude clinique, est qu'il existe un ensemble de gènes pour réparer l'ADN endommagé. Afin de les étudier, les scientifiques ont eu recours à un grand nombre de volontaires atteints de la MH ou d'autres maladies à expansion de polyglutamine, lesquels présentaient déjà des symptômes moteurs. Les chercheurs ont utilisé la longueur de répétition CAG de chaque participant pour déterminer un âge “prédictif” d'apparition et l'ont comparé au véritable âge d'apparition. Ils ont ensuite analysé les infimes différences dans les gènes de réparation de l'ADN de chaque personne. Ils voulaient comprendre quels étaient les minuscules changements génétiques les plus susceptibles de modifier l'âge auquel apparaissent les symptômes dans la MH et autres maladies à répétition CAG.
Mais pourquoi avons-nous des gènes qui nous aident à réparer … d'autres gènes ? Et comment concernent-ils la maladie de Huntington s'ils ne réparent pas la mutation MH ?
Tout d'abord, il est important de faire une distinction entre les dommages à l'ADN et les mutations sur l'ADN. Les mutations sont généralement des variations innées dans la séquence de base de l'ADN qui diffèrent de la norme et peuvent causer la maladie, comme les répétitions supplémentaires de CAG, ou l'absence d'un fragment qui entraîne l'absence d'une protéine. Les dommages à l'ADN sont des changements physiques de l'ADN : généralement des cassures de l'un ou des deux brins de la molécule d'ADN, ou une substance biologique gluante qui est collée au code, le rendant illisible.
Cela arrive BIEN plus souvent que vous ne le pensez peut-être, dans la mesure où le code génétique est extrêmement important pour le sort d'une cellule - en fait, des dommages infimes à notre ADN peuvent survenir entre dix mille et un million de fois par jour. Les dommages sont principalement induits par l'oxygène réactif, un sous-produit de la manière normale par laquelle notre corps crée et consomme de l'énergie, mais ils peuvent également être induits par des facteurs environnementaux, tels que l'exposition à des produits chimiques ou l'exposition excessive au soleil.
Lorsque le code génétique subit ces types de traumatismes physiques, les gènes de réparation de l'ADN fournissent les informations nécessaires pour repérer les lésions et rassemblent une équipe de protéines bricoleuses pour arranger les choses. La cellule peut activer le mécanisme pour aplanir les ruptures, séparer des liaisons imprévues, ou supprimer des ajouts chimiques inutiles. Dans les cellules qui se divisent et se multiplient, les gènes de réparation remettent en ordre l'ADN au cours d'une pause temporisée lors du processus de division, de sorte que les dommages ne sont pas transmis à une nouvelle cellule.
Une autre “orthographe” génétique affecte l'âge d'apparition
L'année dernière, lors de l'étude d’association pangénomique (GWAS), les chercheurs MH ont découvert de nombreux gènes modificateurs différents qui étaient associés à l'apparition précoce ou tardive des symptômes moteurs, parmi lesquels les gènes de réparation de l'ADN. Dans l'étude actuelle, un groupe de scientifiques et de médecins se sont intéressés aux plus significatifs de ces gènes de réparation et ont réalisé une analyse plus ciblée sur 1 500 volontaires à travers le monde. Des personnes atteintes d'autres maladies à répétition CAG étaient incluses dans cette nouvelle étude afin de confirmer et de conforter le lien entre l'âge d'apparition des symptômes et les gènes impliqués dans la réparation de l'ADN.
«Il est clair que l'auto-réparation du génome dans les maladies à expansion de polyglutamine est bien plus important que nous ne l'imaginions, et de minuscules changements dans les gènes de réparation de l'ADN prédisposent les personnes à un âge d'apparition plus tardif ou plus précoce des symptômes. »
Au sein de chaque gène de réparation de l'ADN qu'ils ont étudié, ils se sont intéressés aux minuscules changements apportés à une seule base nucléique (comme un A au lieu d'un G). Ces différences d'orthographe d'une lettre sont appelées polymorphismes mononucléotidiques, ou SNPs (prononcer “snips”). Les SNPs sont très fréquents : ils surviennent, de l'ordre du millier, sur tout le génome de chaque personne, et sont généralement sans conséquence sur le fonctionnement du gène. De même, si j'orthographie le mot “certainement” de manière incorrecte, vous me comprendriez cependant “certènement”. Ces autres “orthographes” génétiques se produisent assez fréquemment ; les personnes porteuses de la mutation MH auront ainsi évidemment des séquences légèrement différentes dans certains gènes impliqués dans la réparation de l'ADN.
Etant donné que de nombreuses personnes ont en commun la même erreur d'impression ADN anodine, nous pouvons commencer à comprendre comment celle-ci peut influer sur une maladie telle que la maladie de Huntington. Dans l'ensemble, les récentes découvertes ont montré que les changements d'une seule base des gènes de réparation de l'ADN influaient sur l'âge d'apparition des symptômes chez des participants atteints de maladies à répétition CAG, à la fois dans des sens positif et négatif. Les chercheurs ont mis à jour plusieurs SNPs fréquents ; par exemple, un était dans une protéine de réparation de l'ADN qui décolle les brins d'ADN incorrectement appariés. Dans cette toute petite zone, la différence entre un G par rapport à un C se traduit par une apparition des symptômes MH, en moyenne, 1,4 ans plus tard. Pour les mêmes longueurs de répétition CAG, certains des SNPs ont été associés à un âge d'apparition plus tardif, d'autres à un âge d'apparition plus précoce.
La réparation de l'ADN comme cible de traitement potentielle
Nous ne comprenons pas encore les raisons pour lesquelles ces minuscules changements au sein des gènes de réparation de l'ADN conduisent à des écarts importants dans l'âge d'apparition des maladies poly-Q. Néanmoins, il est intéressant de découvrir des preuves génétiques directes sur la possibilité d'un décalage dans l'âge d'apparition des symptômes.
Une des explications est que les différents SNPs peuvent amener les gènes de réparation de l'ADN à fonctionner un peu mieux ou moins bien. Lorsque ces mécanismes sont compromis, cela peut avoir des effets dévastateurs sur toutes sortes de fonctions, ce qui conduit parfois à des cellules super-divisées (la cause principale du cancer) ou à une mort cellulaire prématurée. Lorsque la réparation de l'ADN fonctionne merveilleusement, les cellules sont protégées contre les lésions et seraient plus susceptibles de survivre. Les cellules du cerveau ne peuvent pas se diviser ou se régénérer, de sorte que dans le cas d'une maladie sous-jacente comme la maladie de Huntington, les gènes de réparation de l'ADN sont un mécanisme de défense important pour éviter les dommages et la mort cellulaire.
Il est clair que l'auto-réparation du génome dans les maladies à expansion de polyglutamine est bien plus important que nous ne l'imaginions, et de minuscules changements dans les gènes de réparation de l'ADN prédisposent les personnes à un âge d'apparition plus tardif ou plus précoce des symptômes. L'exploitation de cette nouvelle information génétique nous permettra d'être mieux équipés en vue de travailler sur la conception de traitements qui pourraient éliminer les SNPS nuisibles ou stimuler la réparation de l'ADN, visant à retarder l'âge d'apparition des symptômes.