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Un pas en avant pour la modification des gĂšnes : CRISPR-Cas9 et MH

Techniques CRISPR-Cas9 peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour modifier le gĂšne MH dans un cerveau de souris vivante

CRISPR-Cas9 est une technique expĂ©rimentale d’ingĂ©nierie ciblĂ©e des gĂšnes utilisĂ©e pour rĂ©aliser des modifications prĂ©cises de l’ADN. Pour la premiĂšre fois, des scientifiques ont utilisĂ© cette approche pour attaquer la mutation MH dans les cellules cĂ©rĂ©brales d’une souris. D’autres chercheurs affinent la technique CRISPR-Cas9 pour ĂȘtre plus efficaces, plus prĂ©cis et plus sĂ»rs. Cette technique est encore loin d’ĂȘtre utilisĂ©e chez les patients MH, mais son application chez la souris est une Ă©tape passionnante.

L’ingĂ©nierie ciblĂ©e des gĂšnes avec la technique CRISPR-Cas9

L’ADN est le code indispensable qui dirige la croissance et les fonctions des cellules vivantes. Notre capacitĂ© Ă  manipuler ce code, jadis un truc de science fiction, a dĂ©butĂ© aux fins de mener des recherches sur des troubles hĂ©rĂ©ditaires, tels que la maladie de Huntington. La conception et l’utilisation d’outils pour modifier l’ADN sont connues sous le nom de techniques de modification du gĂ©nome et un outil qui a reçu une attention rĂ©cente s’appelle CRISPR-Cas9. Depuis sa mise en place, les scientifiques MH ont explorĂ© la possibilitĂ© d’utiliser une telle technique pour Ă©liminer la mutation gĂ©nĂ©tique responsable de la MH.

Les techniques de modification des gĂšnes entraĂźnent une modification permanente du code ADN.
Les techniques de modification des gĂšnes entraĂźnent une modification permanente du code ADN.

Cette technique expĂ©rimentale n’est pas prĂȘte pour ĂȘtre testĂ©e chez les ĂȘtres humains mais elle est passĂ©e rapidement des tubes Ă  essai aux cellules vivantes et aux organismes. Des travaux rĂ©cents rĂ©alisĂ©s par plusieurs Ă©quipes de chercheurs ont montrĂ© que la technique CRISPR-Cas9 peut ĂȘtre utilisĂ©e pour modifier le gĂšne MH dans le cerveau d’une souris vivante. Encore plus passionnant, des rĂ©sultats plus rĂ©cents d’un laboratoire montrent une amĂ©lioration du comportement de la souris MH aprĂšs l’application de la technique CRISPR-Cas9 dans le cerveau. Cette technique d’ingĂ©nierie ciblĂ©e des gĂšnes continue Ă  devenir plus sophistiquĂ©e, et plusieurs Ă©quipes de recherche MH l’adaptent aux dĂ©fis de la thĂ©rapie MH. Parlons de la maniĂšre dont fonctionne CRISPR-Cas9, son application dans le cadre de la MH et pourquoi la sĂ©curitĂ© est, Ă  ce stade, une prĂ©occupation.

Le gĂšne MH : prĂ©paration de l’histoire

La maladie de Huntington est causĂ©e par un ajout indĂ©sirable au code gĂ©nĂ©tique. Des milliards de blocs de construction biologiques, les nuclĂ©otides C, G, A et T, se trouvent dans le code complet de l’ADN. Ces nuclĂ©otides sont lus et interprĂ©tĂ©s en segments – parties du gĂšne connues sous le nom d’exons. Vous pouvez imaginez le nuclĂ©otide comme Ă©tant une lettre, trois nuclĂ©otides comme Ă©tant un mot, un exon comme Ă©tant une phrase, le gĂšne comme Ă©tant un paragraphe, et le gĂ©nome complet comme Ă©tant un manuel d’instructions dĂ©crivant toutes les piĂšces nĂ©cessaires Ă  la croissance et aux fonctions des cellules.

Zoomons sur un paragraphe de l’histoire, le gĂšne responsable de la MH. Chez les personnes destinĂ©es Ă  dĂ©velopper la MH, la premiĂšre phrase contient une erreur : une sĂ©rie de lettres C-A-G qui se rĂ©pĂšte encore et encore 
 plusieurs fois, plus que nĂ©cessaire. Que se passerait-il si nous pouvions corriger l’erreur de rĂ©pĂ©tition CAG en supprimant toutes ces rĂ©pĂ©titions « encore et encore » de la phrase prĂ©cĂ©dente ? Il s’agit lĂ  de l’accent principal de la recherche sur la modification du gĂšne dans le cadre de la MH, et CRISPR-Cas9 est l’une des nombreuses approches.

CRISPR-Cas9 : faire la coupe

Il n’existe pas d’équivalent au logiciel de traitement de textes pour modifier des gĂšnes. Pour rĂ©parer des gĂšnes Ă  l’échelle microscopique, une cellule Ă  la fois, le code dĂ©fectueux doit ĂȘtre localisĂ© et coupĂ© physiquement – et c’est ce que fait CRISPR-Cas9. Cette coupe nĂ©cessite deux composants : (1) un ARN guide et (2) une enzyme appelĂ©e Cas9. Voici une simple analogie : imaginez que vous voulez couper un morceau de ruban mais votre ami a les ciseaux. Vous pouvez tenir le ruban Ă  deux mains, le tendre fermement pour montrer Ă  votre ami oĂč couper exactement. C’est CRISPR-Cas9, Ă  l’échelle microscopique : l’ARN guide trouve et prĂ©sente le bon endroit sur l’ADN, et l’enzyme Cas9 agit comme des ciseaux, coupant en fait l’ADN.

Les scientifiques peuvent concevoir, en laboratoire, des ARNs guides spĂ©cifiques qui montrent oĂč Cas9 doit couper deux fois, des deux cĂŽtĂ©s de la longue chaĂźne supplĂ©mentaire de rĂ©pĂ©titions CAG dans le gĂšne MH. Les nouvelles extrĂ©mitĂ©s peuvent ensuite ĂȘtre corrigĂ©es, en supprimant dĂ©finitivement la partie dĂ©fectueuse. C’est ainsi que les scientifiques utilisent CRISPR-Cas9 pour modifier des sĂ©quences gĂ©nĂ©tiques.

Comme avec toute nouvelle technologie excitante, les chercheurs ont jouĂ© avec le systĂšme CRISPR-Cas9 pour dĂ©couvrir de nouvelles maniĂšres d’utiliser cet outil. Au dĂ©but, ils ont rĂ©alisĂ© qu’ils pouvaient utiliser CRISPR-Cas9 pour effectuer, assez facilement, des coupes simples dans un gĂšne spĂ©cifique. Les cellules de processus de rĂ©paration utilisĂ©es pour corriger ces coupes sont sujettes aux erreurs et entraĂźnent gĂ©nĂ©ralement la perte de petites piĂšces d’informations gĂ©nĂ©tiques.

A titre d’analogie, imaginez que vous rĂ©digiez un texto pour un ami lors d’un dĂźner disant : « s’il te plaĂźt passe le beurre ». Si vous avez par inadvertance oubliĂ© quelques lettres, par exemple « i » et « e » mais gardez la structure du message, votre ami recevrait : « s’l t plat pass l burr ». Lorsque les messages gĂ©nĂ©tiques se brouillent du fait de petites suppressions comme celles-ci, les cellules possĂšdent des mĂ©canismes pour reconnaĂźtre les erreurs et ignorer leur contenu. Ce qui donne aux chercheurs une maniĂšre d’utiliser CRISPR-Cas9 pour supprimer efficacement un gĂšne, plutĂŽt que de modifier la sĂ©quence d’une maniĂšre plus spĂ©cifique.

CRISPR-Cas9 dans un cerveau de souris MH

Quelques groupes de recherche viennent de dĂ©couvrir qu’il est possible de modifier le gĂšne MH dans le cerveau d’une souris vivante. Plus rĂ©cemment, une Ă©quipe dirigĂ©e par Xiao-Jiang Li, travaillant Ă  l’UniversitĂ© d’Emory aux USA, a constatĂ© que la rĂ©alisation de petites coupes dans le gĂšne MH pourrait avoir des effets bĂ©nĂ©fiques chez les souris MH. Les chercheurs ont utilisĂ©, pour rĂ©aliser ces expĂ©riences, la technique CRISPR-Cas9 en mode « suppression » plutĂŽt qu’en mode « modification » du gĂšne MH afin de supprimer le long CAG avec le court.

Pour utiliser CRISPR-Cas9 chez une souris MH, l’ARN guide et les « ciseaux » Cas9 ont Ă©tĂ© transportĂ©s par des virus spĂ©cialement conçus, lesquels doivent ĂȘtre injectĂ©s dans le cerveau. L’équipe de Li a appliquĂ© cette technique pour le striatum, une zone du cerveau contrĂŽlant l’humeur et les mouvements qui se dĂ©tĂ©riorent au cours de la MH. Quelques semaines plus tard, les composants de CRISPR-Cas9 se sont propagĂ©s Ă  de nombreuses cellules, dĂ©sactivant le gĂšne MH dysfonctionnel, et les signes de stress sur les neurones ont diminuĂ©s.

Trois mois aprĂšs, il y avait moins d’amas nuisibles de protĂ©ines huntingtine accumulĂ©s dans les cellules cĂ©rĂ©brales et les souris MH s’étaient quelque peu amĂ©liorĂ©es lors des tests de motricitĂ©. L’aspect le plus passionnant de cette expĂ©rience Ă©tait la rĂ©cupĂ©ration des souris plus vieilles qui avaient dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ© des symptĂŽmes. MĂȘme les souris de neuf mois (environ l’ñge moyen) se sont amĂ©liorĂ©es aprĂšs avoir reçu les injections, ce qui suggĂšre que leur cerveau pourrait rĂ©cupĂ©rer partiellement aprĂšs une demi-vie de lĂ©sions.

Procéder avec prudence

La plupart des personnes atteintes de la MH possĂšdent une seule copie du gĂšne mutant et une autre copie parfaitement saine. Il est prĂ©occupant d’utiliser la technique CRISPR-Cas9 en tant que thĂ©rapie car bien qu’elle puisse supprimer la partie endommagĂ©e du gĂšne MH, elle pourrait Ă©galement Ă©liminer de maniĂšre permanente une partie de la copie saine. Le laboratoire de Li a Ă©galement rĂ©alisĂ© quelques expĂ©riences pour aborder indirectement cette question en travaillant sur des souris possĂ©dant deux copies dĂ©fectueuses du gĂšne MH et en utilisant la technique CRISPR-Cas9 pour les supprimer. Il n’y avait aucun danger immĂ©diat pour les souris, bien qu’elles n’aient Ă©tĂ© surveillĂ©es que pendant quelques semaines.

«L’aspect le plus passionnant de cette expĂ©rience Ă©tait la rĂ©cupĂ©ration des souris plus vieilles qui avaient dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ© des symptĂŽmes»

L’innocuitĂ© de l’interfĂ©rence avec la copie normale du gĂšne MH est importante, compte tenu de l’essai clinique actuel sur un mĂ©dicament ASO (diminution de la huntingtine). Ce mĂ©dicament diminue les taux des deux copies du gĂšne MH (mutante et saine). Certaines recherches sur les souris ont suggĂ©rĂ© que cela est inoffensif dans le temps mais il est difficile d’en ĂȘtre sĂ»r car la durĂ©e de vie d’une souris est beaucoup plus courte que celle d’un ĂȘtre humain. Les compagnies qui rĂ©alisent l’étude ASO – Roche et Ionis – sont bien conscientes de ces risques et surveillent attentivement les sujets de l’étude pour dĂ©tecter tout problĂšme causĂ© par la diminution du gĂšne MH.

Il existe d’autres diffĂ©rences principales entre les mĂ©dicaments ASO et l’approche CRISPR-Cas9. L’essai ASO actuel chez l’homme est une thĂ©rapie de diminution de la huntingtine, ou de silençage gĂ©nique, qui permet de dĂ©sactiver les deux copies du gĂšne pendant de courtes pĂ©riodes. Si le traitement est interrompu, le gĂšne rĂ©cupĂšrera sa fonction. A l’inverse, l’utilisation de la technique CRISPR-Cas9 créé une modification permanente de l’ADN et doit donc ĂȘtre abordĂ©e avec encore plus de prudence. Il est prouvĂ© que le gĂšne MH, endommagĂ© ou non, possĂšde des fonctions importantes dans la cellule, et nous ne voulons pas prendre le risque d’avoir des effets secondaires permanents. La bonne nouvelle est que les scientifiques MH ont relevĂ© le dĂ©fi en Ă©vitant la copie saine du gĂšne par une approche connue sous le nom d’approche allĂšle-spĂ©cifique.

Améliorer les techniques de modification des gÚnes

Deux groupes de recherche ont rĂ©cemment amĂ©liorĂ© la technique CRISPR-Cas9 en l’utilisant pour couper et inactiver uniquement la copie endommagĂ©e du gĂšne. Une Ă©quipe dirigĂ©e par Jong-Min Lee du Massachusetts General Hospital a rĂ©alisĂ© une suppression allĂšle-spĂ©cifique en utilisant des ARNs guides judicieusement conçus. Les guides ont cherchĂ© des petites incohĂ©rences dans les lettres ADN proches de la mutation MH et ont guidĂ© deux coupes Cas9. L’approche de cette Ă©quipe est nouvelle car la modification des gĂšnes pourrait ĂȘtre « personnalisĂ©e » selon l’ADN d’un individu.

Le second groupe, dirigĂ© par Beverly Davidson de l’HĂŽpital pour enfants de Philadelphie, a utilisĂ© une approche similaire pour cibler uniquement le gĂšne mutant, en rĂ©alisant des couples plus petites avec Cas9. Cela a interrompu la production de plusieurs protĂ©ines huntingtine nuisibles. Ils pourraient Ă©galement, comme le groupe de Li, inactiver le gĂšne MH dans le cerveau d’une souris vivante. La question de savoir si la technique CRISPR-Cas9 mise Ă  jour amĂ©liorera le comportement d’une souris MH reste Ă  voir, mais ces deux innovations sont une Ă©tape vers des thĂ©rapies gĂ©niques futures.

Défis de la modification des gÚnes

Nous sommes enthousiastes quant Ă  l’usage de techniques de modification des gĂšnes pour une meilleure comprĂ©hension de la MH. L’utilisation de la technique CRISPR-Cas9 chez une souris vivante et le dĂ©veloppement des approches allĂšle-spĂ©cifique constituent des Ă©tapes significatives mais il existe plusieurs obstacles Ă  surmonter avant que la technique CRISPR-Cas9 puisse ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e en tant que traitement MH. Voici les principaux dĂ©fis auxquels les chercheurs sont confrontĂ©s et notre Ă©tat actuel des connaissances :

1- PrĂ©cision : s’assurer que Cas9 coupe uniquement le gĂšne pour lequel il a Ă©tĂ© conçu et ne nuit pas au hasard ailleurs. Les scientifiques semblent ĂȘtre sur la bonne voie pour garantir que CRISPR est trĂšs spĂ©cifique.

2- AllÚle-spécifique : veiller à ce que seule la copie mutante du gÚne MH, et non la copie saine, soit supprimée. La recherche décrite dans le présent article est une avancée passionnante.

3- Délivrance : réussir à ce que le mécanisme CRISPR-Cas9 puisse pénétrer dans de nombreux neurones dans le cerveau et supprimer le gÚne MH de chacun. Nous savons maintenant que cela est possible chez une souris, mais cela reste un obstacle majeur pour toute thérapie utilisée pour traiter le cerveau humain.

4- InnocuitĂ© Ă  court terme : s’assurer que la suppression d’une partie du gĂšne MH n’entraĂźne pas de problĂšmes neurologiques ou mĂȘme de dĂ©cĂšs. Jusqu’à prĂ©sent, cela semble ĂȘtre le cas.

5- InnocuitĂ© Ă  long terme : s’assurer que la modification du gĂšne MH pourra ĂȘtre sans danger pendant une longue pĂ©riode de temps. Il s’agit d’une question trĂšs difficile Ă  explorer chez les souris. Nous pourrions trouver des rĂ©ponses lors d’expĂ©riences chez des primates, ou Ă  partir de techniques moins permanentes lors d’essais cliniques.

L’essai ASO (diminution de la huntingtine) en est toujours au premier stade s’agissant de l’innocuitĂ©, mais l’approche s’est rĂ©vĂ©lĂ©e prometteuse jusqu’Ă  prĂ©sent. La modification des gĂšnes pourrait introduire des changements durables Ă  ce qui est Ă©crit dans le code ADN, avec de profondes consĂ©quences. L’utilisation en toute sĂ©curitĂ© de la technique CRISPR-Cas9 devient exponentiellement plus difficile car celle-ci se rapproche de la clinique. NĂ©anmoins, la prochaine gĂ©nĂ©ration de cette technologie prĂ©sente une promesse incroyable et de nombreux esprits la font progresser de maniĂšre innovante.

Pour en savoir plus

Jeff Carroll, rédacteur en chef de cet article, a une collaboration de recherche de longue durée et non financiÚre avec Ionis Pharmaceuticals dont l'essai ASO est visé dans cet article. Ed Wild, co-éditeur en chef de HDBuzz, est un chercheur participant à l'essai ASO de Ionis / Roche, mentionné dans l'article. Ni le Dr. Wild, ni les employés des compagnies Ionis ou Roche ont participé à la rédaction ou à l'édition de cet article.

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