De nouvelles expériences clarifient-elles ou non le rôle des SIRT1 dans la M.H. ?
Des travaux de laboratoires suggèrent que l’activation des SIRT1 pourrait être utile dans la MH ; ceci est encore con
Par Dr Jeff Carroll 2 février 2012 Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 12 janvier 2012
Les biologistes sont très enthousiastes au sujet d’une protéine appelée sirtuine 1 ; l’activer semble prolonger l'espérance de vie. La possibilité d’activer cette remarquable protéine pourrait-elle être utile dans le cadre de la M.H. ? De nouvelles expériences chez les souris suggèrent que l’activation des SIRT1 pourrait être une bonne cible pour des médicaments ; mais d’autres chercheurs pensent le contraire.
SIRT1, espérance de vie et controverse
Un des domaines les plus populaires de la biologie, ces derniers temps, est la science du “prolongement de l'espérance de vie”. C'est une curieuse épopée et celle-ci met en évidence le fait que les scientifiques, supposés être complètement objectifs, sont aussi susceptibles que tout un chacun de se laisser emporter par l'enthousiasme.
Depuis des décennies, les scientifiques ont su que réduire la quantité de calories, qu'un animal absorbe, prolonge son espérance de vie - parfois considérablement. Dans les années 1990, ils ont identifié un certain nombre de gènes qui sous-tend cet effet de prolongement de l'espérance de vie.
Un de ces gènes, que l'on appelle “gènes de longévité”, est la SIRT1. La présence de copies supplémentaires de SIRT1 prolonge significativement l'espérance de vie de la levure et des vers. Encore plus passionnant, David Sinclair de l'Institut de Technologie du Massachusetts a découvert des molécules qui activent les SIRT1, dont une appelée le resvératrol. Celui-ci, bien connu en tant que composé du vin rouge, active les SIRT1, prolongeant potentiellement l'espérance de vie.
Suite à ce premier enthousiasme, l'histoire des SIRT1 est devenue plus compliquée. D'autres scientifiques ont rapporté que l'ajout de copies supplémentaires de SIRT1 ne prolongeait pas l'espérance de vie de la levure et des vers, comme précédemment indiqué. La compagnie pharmaceutique GlaxoSmithKline a investi une somme de 720 millions de dollars US dans une compagnie afin de développer des médicaments activant les SIRT1. Mais après l'acquisition, des données ont commencé à être publiées, remettant en question l'utilité des médicaments.
Les effets potentiels des SIRT1 sur la santé humaine et sur l'espérance de vie sont extrêmement passionnants mais des controverses dans ce domaine suggèrent une approche prudente.
SIRT1 et maladie de Huntington
Puisque l'activation des SIRT1 a été suggérée être utile dans le cadre du vieillissement et des maladies liées à celui-ci, comme le diabète et les maladies cardiaques, les scientifiques se sont demandé si celle-ci pouvait également être utile dans le cadre de la maladie de Huntington.
Lors des premières expériences, ils ont donné des copies supplémentaires de SIRT1 aux vers et aux mouches qui avaient le gène huntingtin muté. Comme les humains atteints de la M.H., ces animaux perdaient les cellules du cerveau du fait de ce gène muté.
Les résultats ont été contradictoires - plus de SIRT1 protégeaient les cellules du cerveau chez les vers, mais aucun bénéfice n'a été observé chez les mouches traitées de manière similaire.
Bien que les vers et les mouches soient utilisés pour modéliser certains aspects de la perte cellulaire dans la maladie de Huntington, ils sont très différents des individus. Les scientifiques s'appuient sur des mammifères, comme les souris et les rats, pour concevoir des modèles de la M.H. plus précis.
Compte tenu de tout l'enthousiasme à propos des SIRT1, un certain nombre de groupes de scientifiques ont travaillé ensemble pour modifier les taux de SIRT1 dans trois modèles murins différents de la maladie de Huntington. Les résultats de tous ces travaux ont été récemment publiés dans deux publications de la revue Nature Medicine.
«Les effets potentiels des SIRT1 sont très passionnants, mais des controverses dans le domaine suggèrent une approche prudente. »
SIRT1 dans les modèles murins de la M.H.
Des groupes, dirigés par Wenzhen Duan de l'Université Johns Hopkins à Baltimore, ont donné des gènes SIRT1 supplémentaires à des souris MH. Ils ont utilisé, afin d'être très prudents, deux modèles murins MH différents - examiner avec plus de moyens devrait offrir un peu d'aide afin que les effets observés soient réalistes.
Ils ont constaté que les SIRT1 supplémentaires ont empêché, partiellement, la perte cellulaire dans le cerveau et la maladresse chez les souris. Les effets n'étaient pas complets - les souris n'étaient pas “guéries” de la M.H. mais elles montraient de nettes améliorations. Curieusement, les SIRT1 supplémentaires ne permettaient pas aux souris d'avoir une espérance de vie plus longue - celles-ci sont encore mortes précocement du fait de la M.H., même lorsqu'elles avaient plus de SIRT1.
Un autre groupe de scientifiques, dirigé par Dimitri Krainc du Massachusetts General Hospital à Boston, a également examiné l'effet des SIRT1 supplémentaires dans un autre modèle murin. Ils ont mené des expériences similaires à celles du groupe de Duan, en donnant aux souris des SIRT1 supplémentaires. Ils sont allés ensuite plus loin et ont observé ce qui arrivait aux souris MH lorsque quelques SIRT1 étaient supprimées.
Les résultats de Krainc avec des SIRT1 supplémentaires sont légèrement différents de ceux du groupe de Duan, lequel a travaillé avec des modèles murins différents. L'équipe de Krainc a constaté que l'expression de SIRT1 supplémentaires ne venait pas en aide à la maladresse observée chez les souris, mais leur procurait une espérance de vie plus longue. Ceci est à l'opposé des résultats de Duan, lesquels ont suggéré une amélioration des symptômes des souris mais pas une amélioration de leur espérance de vie. Mais, dans les deux cas, les SIRT1 supplémentaires sauvaient les cellules du cerveau mourantes chez les souris MH.
Dans les cerveaux des patients MH et des souris, on remarque des amas formés par la protéine huntingtine, appelés des agrégats. Le groupe de Duan n'a pas observé d'effets des SIRT1 supplémentaires sur le nombre de ces agrégats, alors que le groupe de Krainc a vu, dans ses expériences, une réduction de leur effectif.
Le groupe de Krainc a alors essayé de supprimer quelques SIRT1 de leurs souris. Ces souris allaient un peu moins bien que les souris MH normales. C'est ce qui pourrait être prévu, si les SIRT1 contribuent à la défense des cellules du cerveau dans la M.H. Mais ces résultats sont encore un peu confus car la suppression des SIRT1 était également néfaste pour les souris normales.
Pour résumer, les deux groupes ont observé quelques avantages des SIRT1 chez les souris MH mais la nature de ceux-ci ne sont pas identiques d'un modèle murin à l'autre.
Devrions-nous réellement inhiber les SIRT1 ?
Compte tenu de tout ce qui précède, il semble que l'activation des SIRT1 pourrait être une approche utile pour traiter la M.H. Mais avant que vous ne deveniez gourmands de vin rouge, vous pourriez vouloir prendre en considération les essais de la société Siena Biotech.
Siena est une compagnie biotechnologique sise en Italie, qui s'intéresse au développement de médicaments pour la maladie de Huntington. Un essai européen en cours, appelé PADDINGTON, teste un médicament conçu pour réduire l'effet des SIRT1 plutôt que de l'augmenter.
Se fondant sur leurs propres expériences, y compris des travaux sur les souris MH, les scientifiques de Siena pensent qu'une réduction de l'activité des SIRT1 pourrait aider les cellules à évacuer la protéine huntingtine mutée qui provoque la M.H. Ceci est compatible avec les travaux de Larry Marsh et ses collaborateurs de l'Université de Californie, Irvine, qui ont constaté que la réduction des taux de SIRT1 chez les mouches à fruits les protège contre les dommages causés par la protéine huntingtine mutée.
Le groupe de Duan suggère dans son étude que la modification des taux de la protéine huntingtine mutée peut ne pas être nécessaire pour observer des effets bénéfiques. Lorsqu'il a donné plus de SIRT1 aux souris, leurs symptômes se sont améliorés, sans changement des taux de la protéine huntingtine mutée.
Il est difficile de voir comment Siena Biotech et le groupe Duan peuvent avoir, tous les deux, raison sur la façon dont les SIRT1 affectent les taux de huntingtine mutée. Une possible explication à ces contradictions est que, contrairement à l'ajout ou à la suppression de copies de gènes, un médicament destiné à une cible particulière frappe souvent également plusieurs autres cibles, ou un médicament peut inhiber certaines formes d'une protéine mais pas d'autres.
Conclusions
Si tout ceci semble un peu déroutant - cela l'est. Les personnes qui travaillent avec des modèles murins savent que les résultats sont parfois déroutants car nous ne comprenons pas parfaitement comment fonctionne le cerveau. Si nous le savions, nous n'aurions pas tant de maladies du cerveau incurables.
Mais il est encore trop tôt pour les SIRT1 et la maladie de Huntington et, dans la science de pointe, il n'est, apparemment, pas rare de voir des résultats contradictoires publiés par différents groupes. Publier et comparer des résultats, essayer de comprendre pourquoi les résultats diffèrent, puis effectuer des expériences supplémentaires sont d'importants moyens par lesquels la science trie ces types de mystère.
Pour rétablir l'équilibre, les effets de l'activation des SIRT1, décrits par ces groupes, doivent être davantage étudiés. Les résultats préliminaires de l'essai européen permettront également de fournir des éclaircissements intéressants.
Si des médicaments, activant les SIRT1, peuvent être développés, ceux-ci devront être testés chez des animaux MH pour voir si les avantages tiennent bon. Par la suite seulement, les chercheurs pourront envisager des essais humains pour tester cette passionnante, mais controversée, idée.