Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Les cellules souches sont une source de grand enthousiasme pour les patients souffrant de maladies provoquées par la mort des cellules dans l’organisme – comme la maladie de Huntington. Mais, le diable se niche dans les détails et, en réalité, l’utilisation de ces puissantes cellules aux fins d’aider les patients MH est un problème complexe. Maintenant, deux nouvelles études ont avancé que les cellules souches pouvaient être des outils pour les chercheurs, et démontré qu’il est possible – dans des cellules cultivées dans une boîte de Pétri – de corriger la mutation, responsable de la MH.

Petit rappel sur les cellules souches

Tous les êtres humains ont commencé à partir d'un seul œuf fécondé qui s'est divisé à plusieurs reprises pour former les quelques 50 trillions de cellules présentes chez l'homme adulte. Chaque cellule possède ses propres propriétés - les cellules musculaires ne fonctionnent pas de la même façon que les cellules de la peau, et ainsi de suite. Les propriétés particulières de chaque type de cellules déterminent les fonctions que la cellule peut effectuer.

'Cellules souches pluripotentes induites' en vert et rouge, se développant autour des cellules de la peau
‘Cellules souches pluripotentes induites’ en vert et rouge, se développant autour des cellules de la peau
Crédits graphiques: PNAS

Depuis de nombreuses années, les scientifiques croyaient que seul un type très particulier de cellule - appelé une cellule souche - était capable de se diviser et de donner naissance à différents types de cellules dans nos corps. La source, la plus évidente, de ces cellules était les embryons à un stade précoce, là où elles se trouvent normalement. Bien que ces ‘cellules souches embryonnaires’ soient extrêmement puissantes - permettant aux scientifiques de produire en laboratoire de nouvelles cellules, comme les cellules du cerveau - leur utilisation était éthiquement et juridiquement difficile car elle nécessitait la destruction des embryons.

En 2006, tout ce que nous savions sur les cellules souches a été modifié, lorsque Shinya Yamanaka a découvert la capacité de ‘reprogrammer’ n'importe quelle cellule adulte en cellule souche. Tout à coup, il n'était plus nécessaire de détruire les embryons pour créer des cellules souches - nous pouvions simplement prendre un simple échantillon de peau et reprogrammer les cellules présentes dans la peau pour qu'elles deviennent des cellules souches. Les scientifiques sont devenus maîtres dans la culture de neurones, de cellules musculaires et d'autres types cruciaux de cellules endommagées par différentes maladies, à partir des cellules souches, une fois celles-ci obtenues.

Ces cellules reprogrammées sont appelées des cellules souches pluripotentes induites, ou cellules iPS.

Petite revue sur l'enthousiasme et les difficultés de la recherche sur les cellules souches pour la maladie de Huntington.

Cellules souches provenant de patients MH

Aux termes d'un article récemment publié dans la revue ‘Cell Stem Cell’, un groupe collaboratif de scientifiques ont produit et étudié un ensemble de ces cellules souches pluripotentes induites provenant de patients MH. Les investigateurs étaient curieux de savoir si les cellules souches provenant de patients MH se comporteraient différemment de celles des personnes qui ne sont pas porteuses de la mutation.

Le groupe de scientifiques a observé la façon dont se comportaient les cellules en laboratoire. Plusieurs décennies de travaux ont suggéré que les cellules provenant des patients MH étaient anormales, mais personne n'a jamais été en mesure auparavant d'étudier les cellules souches à ce niveau de détail car elles étaient si difficiles à obtenir.

Il s'avère que les nouvelles lignées de cellules souches créées à partir des patients MH agissent différemment des cellules souches créées à partir des personnes saines. Les principales différences sont la façon dont les cellules activent ou désactivent les gènes et la façon dont elles produisent l'énergie.

Ces symptômes cellulaires correspondent, en grande partie, aux observations que les scientifiques ont faites dans d'autres types de cellules ayant la mutation MH, suggérant que ces nouvelles cellules souches seront un outil vraiment utile pour comprendre comment la mutation altère la fonction des cellules, les menant finalement à leur mort précoce dans le cadre de la MH.

Quel est le but de ceci ? Que peuvent attendre les patients MH de ces nouvelles lignées de cellules ? La plus importante contribution des cellules souches des patients MH est l'apport d'un modèle pour les scientifiques étudiant la maladie.

Imaginez que vous êtes une compagnie pharmaceutique qui croit que son nouveau médicament aidera les cellules à faire face à la mutation MH et à rester plus longtemps en bonne santé. A présent, grâce à ces nouvelles cellules souches, vous pouvez tester votre médicament dans les cellules du cerveau produites à partir de réels patients MH, plutôt que dans les cellules provenant d'une souris ou d'un vers. Avec espoir, celles-ci fourniront beaucoup plus de résultats précis - et nous aideront à tester chez les personnes, les médicaments uniquement réellement efficaces.

Remplacement cellulaire ?

Un rêve pour de nombreux chercheurs, et pour les personnes vivant avec la maladie de Huntington - celui de remplacer les cellules perdues par des nouvelles - nous permettant de mettre un terme, ou peut-être même d'inverser, les symptômes des maladies dégénératives.

La culture de nouvelles cellules pour remplacer celles perdues dans une maladie est connue sous le nom de thérapie de remplacement cellulaire, et c'est une des raisons de tout cet enthousiasme autour des cellules souches. Certains chercheurs croient que la greffe de cellules souches dans les zones endommagées du cerveau des patients MH pourrait remplacer ces cellules qui meurent au cours de la maladie.

De grands défis scientifiques devront être vaincus avant que la thérapie de remplacement cellulaire puisse fonctionner. Tout d'abord, quelles cellules pourrions-nous mettre dans les cerveaux des personnes ? Evidemment, nous souhaiterions remplacer les cellules du cerveau mourantes avec plus de cellules du cerveau, pas avec des cellules de la peau ou des cellules musculaires. Donc, où obtenir plus de cellules du cerveau, et comment s'assurer qu'elles sont leur double génétique pour le patient ?

C'est là que les nouvelles cellules souches ‘induites’ interviennent ; pour la première fois, nous pourrions, théoriquement, prendre un échantillon de peau à partir d'un patient MH, reprogrammer les cellules pour qu'elles deviennent des cellules souches ou des neurones, et injecter ces cellules souches dans le propre cerveau du patient. Si cela fonctionnait, ce pourrait être une fantastique option car ces cellules représenteraient alors le double génétique exact des cellules du patient.

Vue d'ensemble du processus de fabrication des cellules IPSC à partir des cellules de peau. 1) Les cellules de peau sont cultivées dans une boîte de Pétri et traitées (2) avec des gènes nécessaires pour les transformer en cellules souches. (3) Un sous-ensemble de cellules traitées recevront le message pour devenir des cellules souches pluripotentes induites.
Vue d'ensemble du processus de fabrication des cellules IPSC à partir des cellules de peau. 1) Les cellules de peau sont cultivées dans une boîte de Pétri et traitées (2) avec des gènes nécessaires pour les transformer en cellules souches. (3) Un sous-ensemble de cellules traitées recevront le message pour devenir des cellules souches pluripotentes induites.

De récentes expériences, utilisant un rat, suggèrent que les cellules souches injectées de cette manière peuvent former de nouvelles cellules du cerveau qui semblent s'intégrer dans le cerveau et aider les rats à se remettre de lésions cérébrales.

Correction de la mutation MH

Les lecteurs attentifs ont peut-être remarqué, ici, un problème - la mutation, responsable de la MH, est présente dans chaque cellule de notre corps, y compris dans nos cellules de la peau et dans les cellules souches que nous produisons à partir de celles-ci. Ainsi, même si nous réussissons à relever les défis techniques concernant l'administration des cellules souches dans le cerveau, nous sommes coincés avec les nouveaux neurones qui ont la même mutation, responsable en premier lieu de la MH !

La solution idéale pour résoudre ce problème serait de pouvoir ‘réparer’ les cellules souches provenant des patients MH en supprimant la mutation, responsable de la MH, alors qu'elles sont encore en culture dans les boîtes de Pétri. Il existe quelques techniques, très nouvelles, pour faire exactement cela - nous avons déjà évoqué une technologie, appelée les nucléases à doigt de zinc. Mais ces technologies sont nouvelles, et il faudra probablement de nombreuses années pour une application chez les patients MH.

Un groupe de scientifiques, dirigé par Lisa Ellerby de l'Institut Buck pour la recherche sur le vieillissement, a examiné une autre approche pour ce problème. Apporter des modifications précises aux gènes des cellules souches cultivées dans une boîte à Pétri est beaucoup plus facile que de modifier l'ADN des personnes vivantes. En effet, le processus est couramment utilisé pour produire des souris génétiquement modifiées, utilisées pour étudier la biologie et la médecine dans les laboratoires du monde entier.

L'équipe d'Ellerby a fait une expérience très simple - ils ont donné aux cellules souches provenant d'un patient MH un peu d'ADN supplémentaire, lequel leur a intimé l'ordre de produire un gène MH normal, plutôt qu'un gène muté.

L'efficacité de cette procédure est extrêmement faible : sur 5 millions de cellules traitées, seules deux cellules ont utilisé l'ADN supplémentaire pour effectuer une correction appropriée. Mais, en utilisant un marqueur lumineux pour étiqueter ces cellules qui ont réellement effectué la correction, celles-ci ont pu être isolées et cultivées.

Cette simple astuce génétique a permis à Ellerby et son groupe de faire un étonnant jeu de comparaisons. Ils pouvaient se poser des questions comme : quelle est la différence entre une cellule ayant la mutation MH, et la même cellule avec la mutation corrigée ? Son équipe, ainsi que le consortium sur les cellules souches, ont étudié les décennies de travaux sur les cellules et ont cherché à savoir ce qui est arrivé aux cellules MH qui ont été ‘réparées’. Cette analyse a révélé que certaines anomalies dans les cellules MH peuvent être corrigées par la réparation de la mutation MH.

Problème résolu ?

Ceci fournit des informations importantes aux scientifiques étudiant la maladie de Huntington. Mais, il pourrait être tout aussi important pour résoudre le problème du traitement : comment pouvons-nous obtenir de nouvelles cellules aptes à remplacer les cellules perdues dans le cadre de la MH ?

Pour en revenir à ce problème, nous pouvons voir qu'il est maintenant possible, en théorie, de reprogrammer des cellules de peau provenant de patients MH en cellules souches. Ces cellules souches pourraient ensuite être génétiquement “ corrigées ” en supprimant la mutation, responsable de la MH, à partir de leur génome. L'implantation de ces cellules génétiquement modifiées pourrait, en théorie, permettre à de nouveaux neurones de se développer, sans la mutation MH, dans les cerveaux des patients.

Ici, à HDBuzz, nous sommes contents de la vitesse de ces avancées sur les cellules souches, et des possibilités pour des traitements MH. Mais, nous considérons également que le développement de ces remarquables bonds dans les traitements pour la MH sera toujours un processus très long et difficile - en effet, beaucoup plus difficile que de développer un médicament traditionnel.

L'administration de cellules génétiquement modifiées dans les cerveaux des patients vivants est très risquée, et elle devra être abordée avec beaucoup de prudence. De nombreuses années d'essais devront, probablement, être menées en laboratoires, de plus en plus sophistiqués, avant que cette méthode de traitement ne soit utilisée à plus grande échelle chez les personnes.

Cependant, sur un laps de temps plus court, ces importantes avancées sur les cellules iPS seront, probablement, des outils très utiles pour la compréhension de la maladie de Huntington et la rationalisation du processus de développement de médicaments. En attendant, les cellules souches, en tant que traitement, progressent lentement dans le pipeline des thérapies en développement pour la MH. Alors que d'autres traitements subissent des essais avec des délais plus courts, il est essentiel de commencer le développement sur ces technologies à plus long terme, mais extrêmement prometteuses.

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