Le lithium refait surface et s'offre une seconde chance dans le cadre de la M.H.
Le lithium s’offre une seconde chance dans la MH, avec une nouvelle méthode d’administration testée chez les souris M
Par Carly Desmond 15 octobre 2012 Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 2 septembre 2012
Le traitement au lithium de la maladie de Huntington s'offre une seconde chance d’entrer dans le pipeline de développement de médicaments grâce à de meilleures méthodes de dosages. Un traitement à long terme avec une thérapeutique ancienne serait-il en mesure d’empêcher ou de ralentir la neuro-dégénérescence chez les patients MH ?
Un bref historique sur le lithium
Le lithium est un métal mou, de couleur blanc argenté. En tant qu'élément naturel terrestre, il appartient à un groupe de blocs de construction chimiques qui composent ce qui nous entoure.
La première utilisation médicale documentée du lithium remonte à la fin des années 1800 ; toutefois, son application thérapeutique plus commune a été découverte il y a plus de 50 ans. L'administration de petites doses du métal a fait ses preuves pour soulager les états émotionnels (manie, dépression) dont souffrent les personnes atteintes de troubles bipolaires - rappelant l'antique tradition grecque de se plonger dans des bains minéraux riches en lithium afin de soulager les désordres psychiatriques. A ce jour, le lithium demeure l'un des traitements, disponible, les plus efficaces pour les troubles graves de l'humeur.
Bien que le lithium ait été approuvé pour l'utilisation clinique dans la plupart des pays depuis le début des années 1960, la façon dont il fonctionne est demeurée un mystère. C'est seulement maintenant que les scientifiques commencent à comprendre comment le lithium agit sur le cerveau au niveau moléculaire. Il s'avère que certains des processus chimiques et biologiques, connus pour être nuisibles dans les maladies neurodégénératives comme la maladie de Huntington, peuvent être également modifiés par le lithium.
Comment le lithium pourrait-il être utile ?
Tandis que la MH progresse, la dégénérescence survient principalement dans deux parties du cerveau, appelées le striatum et le cortex. Le striatum est situé profondément dans le cerveau alors que le cortex est la surface ridée. Par ailleurs, le striatum et le cortex travaillent étroitement ensemble pour contrôler l'humeur et le mouvement.
A l'intérieur du striatum, un type très spécifique de cellules, appelées les neurones épineux moyens, est particulièrement sensible à la maladie. Ces cellules sont activées lorsqu'un transmetteur chimique, appelé glutamate, se pose sur les molécules réceptrices à la surface de la cellule. Dans la MH, ces récepteurs développent une sensibilité accrue au glutamate, mettant les neurones épineux moyens dans un état de stimulation excessive.
Cette stimulation excessive peut déclencher un processus, appelé excitotoxicité, au cours duquel des produits chimiques situés à l'intérieur des neurones sont mal libérés, provoquant une avalanche d'effets néfastes. Si les lésions accumulées sont trop sévères, le neurone mourra. L'excitotoxicité est l'une des meilleures pistes de travail pouvant expliquer la neurodégénérescence dans la MH.
Que vient faire le lithium dans tout ceci ? Eh bien, il a été constaté que le traitement au lithium bloque l'excitotoxicité chez des modèles animaux. Mieux encore, plusieurs études ont effectivement montré que le lithium est en fait capable de protéger les neurones de la mort cellulaire, et peut-être même encourager leur régénération.
Ce n'est pas la première fois que les chercheurs ont envisagé de traiter la maladie de Huntington avec du lithium. Des études cliniques ont été menées au cours des années 1970, avec des résultats négatifs - le lithium n'a pas aidé. Toutefois, avec recul, les essais présentaient un écueil important : tous les patients étaient déjà à des stades très avancés dans la maladie avant de recevoir leur premier traitement.
La prévention est-elle meilleure ?
Aujourd'hui, notre compréhension sur les effets biologiques du lithium a évolué. Nous nous sommes plus intéressés à sa valeur potentielle en tant que médicament préventif, plutôt qu'en tant que traitement des symptômes existants.
Au cours des dernières années, plusieurs études sur des modèles murins de la MH ont examiné les avantages à long terme du traitement au lithium. Au lieu d'attendre que les souris soient déjà malades, le médicament leur a été donné dès leur jeune âge. Les résultats étaient encourageants. Ces études suggèrent que le lithium a la capacité de ralentir la neurodégénérescence et ses symptômes associés, dans des modèles animaux.
L'inconvénient du lithium
Cependant, un obstacle de taille se présentait sur la façon de tester à long terme un traitement au lithium chez les individus - à savoir l'éventualité de graves effets secondaires.
Les spécialistes en médicaments disent que le lithium a une ‘fenêtre thérapeutique’ très restreinte. Cela signifie que les patients nécessitent un contrôle et des tests sanguins constants afin de s'assurer qu'ils reçoivent le dosage approprié. Il est difficile de maintenir le bon niveau de lithium dans le sang, et beaucoup trop de lithium peut provoquer de graves complications. Les effets secondaires varient entre de légers effets (tremblements, confusion, nausées) à de graves déficits neurologiques.
Un autre inconvénient, potentiellement plus grand, est que le traitement à long terme avec le lithium, même à un taux thérapeutique, peut entraîner des problèmes de santé importants, tels qu'une réduction de la fonction rénale, obligeant l'arrêt du traitement. Ceci pourrait être un énorme problème pour les patients qui pourraient avoir besoin de prendre du lithium pendant des décennies.
Un nouveau tournant pour un vieux médicament
Pour surmonter les obstacles actuels, un nouveau médicament au lithium (NP03) et un système d'administration ont été développés par la société Medisis Pharma. NP03 est une combinaison de citrate de lithium (un composé de lithium traditionnel) et d'une nouvelle technique d'administration appelée Aonys®.
De quelle façon le NP03 est-il différent du lithium ‘normal’ ? Eh bien, dans le corps humain, toutes les cellules sont maintenues ensemble par des molécules graisseuses, appelées lipides. Si les cellules étaient des maisons, les lipides pourraient être les briques des murs. En chimie, certaines molécules sont nommées ‘hydrophile’ (qui aiment l'eau) ou ‘hydrophobe’ (qui détestent l'eau). Les lipides sont de longues molécules qui ‘aiment l'eau’ à une extrémité et ‘craignent l'eau’ à l'autre extrémité. Par conséquent, un médicament qui veut entrer dans une cellule doit traverser tant la barrière hydrophobe qu'hydrophile.
NP03 facilite la transition du lithium car celui-ci est attaché aux lipides qui peuvent se mélanger avec le ‘mur’ lipidique des cellules. Cela signifie que plus le lithium est absorbé par les cellules, et moins de médicament est nécessaire pour obtenir le même effet. NP03 pourrait offrir un meilleur contrôle dans un traitement à long terme avec une faible dose de lithium, réduisant son potentiel d'effets secondaires.
NP03 testé chez les souris
Dans une publication récente du laboratoire du Dr Michael Hayden (Centre de Médecine Moléculaire et Thérapie - British Columbia - Canada), une preuve a été présentée pour une application à long terme du traitement NP03 dans un modèle murin de la maladie de Huntington.
Les souris utilisées dans l'étude, appelées YAC128, présentent la version humaine du gène muté MH, accompagné des deux copies normales de la souris. A l'âge d'environ trois mois, les souris développent des symptômes moteurs similaires à ceux observés chez les patients MH, et la neurodégénérescence visible survient à l'âge de neuf mois.
Pour tester si le NP03 avait les mêmes propriétés neuroprotectrices que le lithium traditionnel, les souris ont été traitées avec le médicament à l'âge deux mois - avant que les premiers symptômes n'apparaissent.
Les résultats ont été très encourageants. Les souris traitées avec le NP03 ont eu un contrôle moteur considérablement amélioré par rapport aux souris MH non traitées. Le striatum et ses neurones épineux moyens ont été épargnés par la neurodégénérescence. Encore plus intéressant, malgré une longue période de traitement, les chercheurs n'ont pas observé d'effets secondaires indésirables du NP03.
Un des aspects les plus dévastateurs de la MH est que c'est une maladie génétique, qui affecte de générations en générations les membres au sein de la famille. Mais lorsqu'il s'agit de médicaments préventifs, cela pourrait effectivement devenir un atout important. Une opportunité unique existe pour identifier les individus qui pourraient développer la MH des années en avance, et pour stopper la maladie avant l'apparition des symptômes.
Un nouveau départ pour le lithium ?
Finalement, nous devons être prudents sur la façon dont les études réalisées chez les modèles murins sont interprétées. Il n'y a aucune garantie que le bénéfice thérapeutique du NP03 sera reporté sur les patients MH, ou qu'il n'y aura pas d'effets secondaires inattendus.
Le but pour tout traitement est que les avantages l'emportent sur les risques. Pour tenter de faire pencher la balance, NP03 prend un vieux médicament, déjà approuvé pour un usage humain, et vise simplement à le rendre plus sûr. Si tout va bien, il ne faudra pas longtemps avant que le traitement prolongé à faible dose de lithium ne soit prêt, afin d'être testé chez les personnes atteintes de la MH.