Cibler le stress oxydatif pour la Maladie de Huntington
Un nouveau médicament pourrait-il réduire les dommages causés aux cellules par le stress oxydatif dans la MH ?
Par Dr Jeff Carroll 15 décembre 2012 Edité par Professor Ed Wild Traduit par Julie-Anne Rodier Initialement publié le 3 décembre 2012
Des chercheurs travaillant sur la maladie de Huntington pensent que des substances pharmaceutiques protégeant contre les “dommages oxydatifs” pourraient aider les patients atteints par la MH. Les médicaments existants actuellement posent quelques problèmes, une équipe de scientifiques a donc testé une nouvelle substance sur des souris atteintes de la MH, les premiers résultats sont encourageants.
Les mitochondries et stress oxydatif
Toutes les cellules du corps ont besoin d'énergie pour fonctionner. La nourriture que nous consommons apporte de l'énergie à notre corps sous forme de molécules. Il doit ensuite la convertir en énergie directement utilisable. Ce processus de consommation de nourriture et de fabrication d'énergie à partir de celle-ci est connu sous le nom de “métabolisme”.
Les cellules animales ont une façon intéressante de fabriquer la plus grande partie de l'énergie dont elles ont besoin pour fonctionner. De minuscules structures appelées mitochondries (ce sont un peu comme des cellules miniatures à l'intérieur de nos cellules) produisent la vaste majorité de l'énergie utilisée par chaque cellule en “mâchant” et “avalant” la matière grasse et le sucre et “recrachant” de l'énergie utilisable.
Mais on ne fait pas d'omelette sans casser d'œuf. Lorsque les mitochondries transforment les molécules en énergie utilisable, elles fabriquent aussi un flot de sous-produits : des molécules hyper-réactives qui font des dégâts. Ces molécules sont appelées dérivés réactifs de l'oxygène, ou DRO pour faire court, parce qu'elles sont composées de différents types d'oxygène et sont hautement réactives.
Le pouvoir détériorant des molécules oxygénées nous est tous familier, car tout le monde connait la rouille. La rouille est le produit de l'action de l'oxygène sur le fer, et peut même détruire de puissantes machines.
Depuis des années, il a été mis en évidence qu'une oxydation excessive qui endommage les cellules et tissus a lieu chez les patients atteints de la maladie de Huntington. Cela a suggéré à des scientifiques que la réduction des dommages dus à l'oxydation, en utilisant des substances chimiques appelées antioxydants, pourrait être profitable pour la MH.
Les problèmes avec les antioxydants existants
En fait, un grand nombre de patients atteints de la maladie de Huntington participent déjà dans des tests de molécules destinées à lutter contre le stress oxydatif. On pense que le complément alimentaire “coenzyme-Q10” marche en partie, en agissant comme un antioxydant.
Beaucoup de patients MH ont pris la coenzyme-Q10 comme supplément, que ce soit au sein, ou bien en dehors de tests cliniques. La recherche CARE-HD, qui a été menée de 1997 à 2000, a étudié les effets de la coenzyme-Q10 mais n'a pas montré que c'était bénéfique. La recherche 2CARE, menée actuellement, étudie la coenzyme-Q10 dans le cadre du plus grand test clinique jamais mené jusqu'alors sur la MH : 600 participants sont observés sur une période de 5 ans.
Il y a quelques polémiques parmi les scientifiques à propos de la quantité de coenzyme-Q10 qui arrive au cerveau quand elles sont prises sous formes de comprimés. Le cerveau est protégé par une couche étanche appelée la “barrière hémato-encéphalique” qui empêche l'entrée de nombreuses molécules dans le cerveau. Il se peut que la coenzyme-Q10 soit l'une d'elles. Une option serait de prendre de plus grandes doses, mais cela pourrait entrainer une augmentation des risques d'effets secondaires non-désirables.
“Concevoir” des antioxydants
Parce que les coenzymes-Q10, et d'autres substances pharmaceutiques comme celles-ci, ont du mal à arriver où elles sont nécessaires, les scientifiques ont travaillé à l'élaboration de nouvelles versions améliorées de ces molécules. En 2005, le groupe de Valerian Kagan, à l'Université de Pittsburg a décrit de nouvelles molécules antioxydantes améliorées. La particularité de ces substances est qu'elles contiennent un signal chimique qui dit à la cellule : “Emmène-moi à la mitochondrie !”.
Quand ces substances arrivent dans les cellules, elles sont directement conduites aux mitochondries grâce à cette “étiquette”. Le fait d'avoir cette substance à cet endroit est bénéfique parce que les mitochondries génèrent la plupart des dérivés réactifs de l'oxygène au sein d'une cellule, c'est un peu comme construire une caserne de pompiers juste à côté d'une usine de feux d'artifices !
XJB-5-131 chez les souris
Le groupe de recherche de Cynthia McMurray au Laboratoire National Lawrence Berkeley a décidé de tester l'un de ces nouveaux antioxydants, appelé XJB-5-131, sur des souris-modèles atteintes de la maladie de Huntington. Ils pensaient que cette substance pourrait aider les cellules à faire face à l'augmentation des dégâts d'oxydation trouvée dans la MH.
Après avoir, dans un premier temps, testé la substance dans des cellules cérébrales isolées, des souris ont subi des injections de XJB-5-131 trois fois par semaine, et ceci pendant un an. Le but était d'étudier l'effet de cette substance sur des symptômes identiques à ceux présentés par les humains atteints de la MH.
Comme les humains atteints de la maladie de Huntington, les souris utilisées dans cette étude perdent du poids et ont des problèmes de coordination. Ces deux symptômes ont été extraordinairement améliorés chez les souris qui avaient reçu les injections de XJB-5-131. Les souris et les humains atteints de la MH accumulent aussi des dégradations de leur ADN, en partie à cause du stress oxydatif. L'inoculation de XJB-5-131 chez les souris a aussi réduit les détériorations d'ADN.
Compte tenu de ces résultats favorables, l'équipe s'est intéressée directement à l'étude des effets de XJB-5-131 sur des mitochondries qu'ils avaient isolées à partir de cerveaux de souris. Ils ont trouvé que XJB-5-131 avait de nombreux effets bénéfiques sur ces petites centrales énergétiques, et ils ont suggéré que c'était la raison pour laquelle cette substance semble si favorable quand elle est administrée à des souris atteintes de la MH.
Futures recherches et réserves
Ces résultats positifs chez les souris apportent les premières preuves qu'il pourrait être intéressant de regarder les effets de XJB-5-131 chez les personnes atteintes de la MH. Ceci dit, comme toujours, il y a quelques obstacles et réserves à comprendre et prendre en compte.
Dans ce test, l'XJB-5-131 était injectée directement dans la souris plutôt qu'administrée via la nourriture ou l'eau. Compte tenu du fait que ce médicament devrait être prit durant de nombreuses années, l'injection n'est probablement pas envisageable. Est-ce qu'un comprimé serait un bon moyen d'obtenir que cette molécule entre dans la circulation sanguine?
Comme nous l'avons dit plus tôt, un des problèmes avec les médicaments antioxydants, est que la quantité qui passe du sang au cerveau n'est pas vraiment déterminée. La quantité de XJB-5-131 qui arrive jusqu'au cerveau n'est absolument pas claire. C'est une chose importante sur laquelle il va falloir travailler chez la souris avant de penser à utiliser ce médicament, ou des médicaments apparentés, chez les humains.
Enfin, les scientifiques ont appris à toujours remettre en question leurs hypothèses. Il est facile de se figurer le stress oxydatif comme quelque chose de mauvais, ce qui fait des antioxydants quelque chose de bon. Cependant, nous avons appris des choses importantes à propos du stress oxydatif, en particulier le fait que parfois, il peut avoir des effets positifs.
Par exemple, des chercheurs ont récemment découvert que le stress oxydatif dans les cellules musculaires pouvait aider à activer de nombreux changements favorables ayant lieu suite à un effort. En fait, la prise de vitamines antioxydantes bloquait les effets bénéfiques de la pratique sportive dans les tissus musculaires des volontaires humains ! La biologie nous surprendra toujours par sa complexité.
Au final, bien que cette étude sur XJB-5-131 montre des avantages très convaincants chez les souris atteintes de la maladie de Huntington, les souris ne sont pas les patients, et de grands travaux restent à faire avant que l'on puisse être certains de savoir à quel point ce médicament pourrait être bénéfique, et que l'on puisse traduire ces résultats chez les humains.