
Cibler le stress oxydatif pour la Maladie de Huntington
Un nouveau médicament pourrait-il réduire les dommages causés aux cellules par le stress oxydatif dans la MH ?

Des chercheurs travaillant sur la maladie de Huntington pensent que des substances pharmaceutiques protégeant contre les « dommages oxydatifs » pourraient aider les patients atteints par la MH. Les médicaments existants actuellement posent quelques problÚmes, une équipe de scientifiques a donc testé une nouvelle substance sur des souris atteintes de la MH, les premiers résultats sont encourageants.
Les mitochondries et stress oxydatif
Toutes les cellules du corps ont besoin d’Ă©nergie pour fonctionner. La nourriture que nous consommons apporte de l’Ă©nergie Ă notre corps sous forme de molĂ©cules. Il doit ensuite la convertir en Ă©nergie directement utilisable. Ce processus de consommation de nourriture et de fabrication d’Ă©nergie Ă partir de celle-ci est connu sous le nom de « mĂ©tabolisme ».

Les cellules animales ont une façon intĂ©ressante de fabriquer la plus grande partie de l’Ă©nergie dont elles ont besoin pour fonctionner. De minuscules structures appelĂ©es mitochondries (ce sont un peu comme des cellules miniatures Ă l’intĂ©rieur de nos cellules) produisent la vaste majoritĂ© de l’Ă©nergie utilisĂ©e par chaque cellule en « mĂąchant » et « avalant » la matiĂšre grasse et le sucre et « recrachant » de l’Ă©nergie utilisable.
Mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’Ćuf. Lorsque les mitochondries transforment les molĂ©cules en Ă©nergie utilisable, elles fabriquent aussi un flot de sous-produits : des molĂ©cules hyper-rĂ©actives qui font des dĂ©gĂąts. Ces molĂ©cules sont appelĂ©es dĂ©rivĂ©s rĂ©actifs de l’oxygĂšne, ou DRO pour faire court, parce qu’elles sont composĂ©es de diffĂ©rents types d’oxygĂšne et sont hautement rĂ©actives.
Le pouvoir dĂ©tĂ©riorant des molĂ©cules oxygĂ©nĂ©es nous est tous familier, car tout le monde connait la rouille. La rouille est le produit de l’action de l’oxygĂšne sur le fer, et peut mĂȘme dĂ©truire de puissantes machines.
Depuis des annĂ©es, il a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence qu’une oxydation excessive qui endommage les cellules et tissus a lieu chez les patients atteints de la maladie de Huntington. Cela a suggĂ©rĂ© Ă des scientifiques que la rĂ©duction des dommages dus Ă l’oxydation, en utilisant des substances chimiques appelĂ©es antioxydants, pourrait ĂȘtre profitable pour la MH.
Les problĂšmes avec les antioxydants existants
En fait, un grand nombre de patients atteints de la maladie de Huntington participent déjà dans des tests de molécules destinées à lutter contre le stress oxydatif. On pense que le complément alimentaire « coenzyme-Q10 » marche en partie, en agissant comme un antioxydant.
Beaucoup de patients MH ont pris la coenzyme-Q10 comme supplĂ©ment, que ce soit au sein, ou bien en dehors de tests cliniques. La recherche CARE-HD, qui a Ă©tĂ© menĂ©e de 1997 Ă 2000, a Ă©tudiĂ© les effets de la coenzyme-Q10 mais n’a pas montrĂ© que c’Ă©tait bĂ©nĂ©fique. La recherche 2CARE, menĂ©e actuellement, Ă©tudie la coenzyme-Q10 dans le cadre du plus grand test clinique jamais menĂ© jusqu’alors sur la MH : 600 participants sont observĂ©s sur une pĂ©riode de 5 ans.
Il y a quelques polĂ©miques parmi les scientifiques Ă propos de la quantitĂ© de coenzyme-Q10 qui arrive au cerveau quand elles sont prises sous formes de comprimĂ©s. Le cerveau est protĂ©gĂ© par une couche Ă©tanche appelĂ©e la « barriĂšre hĂ©mato-encĂ©phalique » qui empĂȘche l’entrĂ©e de nombreuses molĂ©cules dans le cerveau. Il se peut que la coenzyme-Q10 soit l’une d’elles. Une option serait de prendre de plus grandes doses, mais cela pourrait entrainer une augmentation des risques d’effets secondaires non-dĂ©sirables.
« Concevoir » des antioxydants
Parce que les coenzymes-Q10, et d’autres substances pharmaceutiques comme celles-ci, ont du mal Ă arriver oĂč elles sont nĂ©cessaires, les scientifiques ont travaillĂ© Ă l’Ă©laboration de nouvelles versions amĂ©liorĂ©es de ces molĂ©cules. En 2005, le groupe de Valerian Kagan, Ă l’UniversitĂ© de Pittsburg a dĂ©crit de nouvelles molĂ©cules antioxydantes amĂ©liorĂ©es. La particularitĂ© de ces substances est qu’elles contiennent un signal chimique qui dit Ă la cellule : « EmmĂšne-moi Ă la mitochondrie ! ».
Quand ces substances arrivent dans les cellules, elles sont directement conduites aux mitochondries grĂące Ă cette « étiquette ». Le fait d’avoir cette substance Ă cet endroit est bĂ©nĂ©fique parce que les mitochondries gĂ©nĂšrent la plupart des dĂ©rivĂ©s rĂ©actifs de l’oxygĂšne au sein d’une cellule, c’est un peu comme construire une caserne de pompiers juste Ă cĂŽtĂ© d’une usine de feux d’artifices !
XJB-5-131 chez les souris

Le groupe de recherche de Cynthia McMurray au Laboratoire National Lawrence Berkeley a dĂ©cidĂ© de tester l’un de ces nouveaux antioxydants, appelĂ© XJB-5-131, sur des souris-modĂšles atteintes de la maladie de Huntington. Ils pensaient que cette substance pourrait aider les cellules Ă faire face Ă l’augmentation des dĂ©gĂąts d’oxydation trouvĂ©e dans la MH.
AprĂšs avoir, dans un premier temps, testĂ© la substance dans des cellules cĂ©rĂ©brales isolĂ©es, des souris ont subi des injections de XJB-5-131 trois fois par semaine, et ceci pendant un an. Le but Ă©tait d’Ă©tudier l’effet de cette substance sur des symptĂŽmes identiques Ă ceux prĂ©sentĂ©s par les humains atteints de la MH.
Comme les humains atteints de la maladie de Huntington, les souris utilisĂ©es dans cette Ă©tude perdent du poids et ont des problĂšmes de coordination. Ces deux symptĂŽmes ont Ă©tĂ© extraordinairement amĂ©liorĂ©s chez les souris qui avaient reçu les injections de XJB-5-131. Les souris et les humains atteints de la MH accumulent aussi des dĂ©gradations de leur ADN, en partie Ă cause du stress oxydatif. L’inoculation de XJB-5-131 chez les souris a aussi rĂ©duit les dĂ©tĂ©riorations d’ADN.
Compte tenu de ces rĂ©sultats favorables, l’Ă©quipe s’est intĂ©ressĂ©e directement Ă l’Ă©tude des effets de XJB-5-131 sur des mitochondries qu’ils avaient isolĂ©es Ă partir de cerveaux de souris. Ils ont trouvĂ© que XJB-5-131 avait de nombreux effets bĂ©nĂ©fiques sur ces petites centrales Ă©nergĂ©tiques, et ils ont suggĂ©rĂ© que c’Ă©tait la raison pour laquelle cette substance semble si favorable quand elle est administrĂ©e Ă des souris atteintes de la MH.
Futures recherches et réserves
Ces rĂ©sultats positifs chez les souris apportent les premiĂšres preuves qu’il pourrait ĂȘtre intĂ©ressant de regarder les effets de XJB-5-131 chez les personnes atteintes de la MH. Ceci dit, comme toujours, il y a quelques obstacles et rĂ©serves Ă comprendre et prendre en compte.
Dans ce test, l’XJB-5-131 Ă©tait injectĂ©e directement dans la souris plutĂŽt qu’administrĂ©e via la nourriture ou l’eau. Compte tenu du fait que ce mĂ©dicament devrait ĂȘtre prit durant de nombreuses annĂ©es, l’injection n’est probablement pas envisageable. Est-ce qu’un comprimĂ© serait un bon moyen d’obtenir que cette molĂ©cule entre dans la circulation sanguine?
Comme nous l’avons dit plus tĂŽt, un des problĂšmes avec les mĂ©dicaments antioxydants, est que la quantitĂ© qui passe du sang au cerveau n’est pas vraiment dĂ©terminĂ©e. La quantitĂ© de XJB-5-131 qui arrive jusqu’au cerveau n’est absolument pas claire. C’est une chose importante sur laquelle il va falloir travailler chez la souris avant de penser Ă utiliser ce mĂ©dicament, ou des mĂ©dicaments apparentĂ©s, chez les humains.
Enfin, les scientifiques ont appris Ă toujours remettre en question leurs hypothĂšses. Il est facile de se figurer le stress oxydatif comme quelque chose de mauvais, ce qui fait des antioxydants quelque chose de bon. Cependant, nous avons appris des choses importantes Ă propos du stress oxydatif, en particulier le fait que parfois, il peut avoir des effets positifs.
Par exemple, des chercheurs ont récemment découvert que le stress oxydatif dans les cellules musculaires pouvait aider à activer de nombreux changements favorables ayant lieu suite à un effort. En fait, la prise de vitamines antioxydantes bloquait les effets bénéfiques de la pratique sportive dans les tissus musculaires des volontaires humains ! La biologie nous surprendra toujours par sa complexité.
Au final, bien que cette Ă©tude sur XJB-5-131 montre des avantages trĂšs convaincants chez les souris atteintes de la maladie de Huntington, les souris ne sont pas les patients, et de grands travaux restent Ă faire avant que l’on puisse ĂȘtre certains de savoir Ă quel point ce mĂ©dicament pourrait ĂȘtre bĂ©nĂ©fique, et que l’on puisse traduire ces rĂ©sultats chez les humains.
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