Le cerveau dans la maladie de Huntington : plus grand que la totalité de ses parties ?
Nouvelle étude importante pose la question : quelles zones du cerveau pourraient être le plus aidées dans la MH ?
Par Dr Jeff Carroll 27 mai 2014 Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 19 mai 2014
Dans le cadre de la maladie de Huntington, les symptômes sont causés par l’endommagement du cerveau mais toutes les zones du cerveau ne sont pas affectées de la même manière. Cela soulève une question importante : si nous avions un traitement qui puisse seulement traiter une petite partie du cerveau, laquelle choisirions-nous ? Une nouvelle étude sur la souris menée par William Yang (UCLA) tente de répondre à cette question.
Quelle partie du cerveau est responsable de la maladie de Huntington ?
Pour la plupart des personnes concernées par la maladie de Huntington, les principaux symptômes de celle-ci sont familiers : déclin des capacités cognitives, augmentation des problèmes émotionnels et troubles moteurs. Les scientifiques pensent que ces problèmes ont tous leur origine dans le dysfonctionnement et la perte des cellules dans le cerveau.
Mais pas n’importe où dans le cerveau – dans le cadre de la maladie de Huntington, le schéma de la perte des cellules est très spécifique. En examinant des cerveaux de personnes décédées à la suite d’une maladie du cerveau, un médecin talentueux pourrait être en mesure de dire qui est décédé des suites de la maladie de Huntington ou de la maladie d’Alzheimer ou de la maladie de Parkinson. Il peut le faire car, dans chaque cas, la maladie est associée à certaines parties du cerveau visiblement plus affectées que d’autres.
Dans le cadre de la maladie de Huntington, la partie du cerveau la plus vulnérable est le striatum, lequel est une structure relativement petite, située profondément sous la partie extérieure ridée du cerveau, appelée le cortex.
Au cours de la maladie de Huntington, les cellules du striatum et du cortex s’atrophient, fonctionnent mal et finissent par mourir. Etudes après études, d’investigations sur plusieurs centaines de volontaires, les chercheurs ont constaté que le striatum est la première partie du cerveau qui s’atrophie chez les personnes porteuses de la mutation MH.
La connectivité du cerveau
Le cerveau est, à bien des égards, unique, par rapport à d’autres organes de notre organisme. En effet, les cellules qui nous permettent de penser, les neurones, sont fortement reliés les uns aux autres. En moyenne, dans le cerveau chacun des 100 milliards de neurones est relié à des milliers d’autres neurones – donnant à chaque cerveau humain jusqu’à 100 trillions de connexions.
Dans le cerveau, les connexions ne sont pas aléatoires : des zones spécifiques savent que leur travail est de communiquer avec une autre zone. Par exemple, vous voulez vous assurer que le nerf optique sortant de l’arrière de l’œil soit correctement fixé à la partie de votre cortex qui gère la vision.
De cette façon, le striatum et le cortex sont étroitement reliés – en effet, le cortex envoie peut-être des milliards de connexions vers le striatum. Fait intéressant : les connexions ne vont pas dans les deux sens ; le striatum envoie ses propres connexions ailleurs dans le cerveau.
Etre relié à un autre n’est pas seulement une manière pour les neurones de rester en communication avec d’autres, c’est en fait une manière de rester en vie. Pendant de nombreuses années, les scientifiques ont su que des neurones dépouillés de leurs connexions avec les autres allaient effectivement mourir !
Cela soulève des questions intéressantes dans le cadre de la maladie de Huntington. Dans la mesure où le striatum et le cortex semblent s’atrophier, quel tissu est responsable de quels symptômes particuliers ? La perte du striatum (la partie profonde du circuit) conduit-elle à la perte du cortex, ou vice versa ?
«Traiter le striatum est-il suffisant ? La réponse, basée sur les meilleures données dont nous disposons à ce jour, est “probablement non”. »
Astuces de souris
Ces types de questions ne peuvent être résolus par l’intermédiaire des êtres humains mais nous pouvons utiliser des souris pour tenter d’aller au fond de ce qui se passe dans le cerveau atteint par la maladie de Huntington. Une équipe de scientifiques, dirigée par William Yang d’UCLA, a utilisé un type particulier de souris MH pour essayer de comprendre ces questions.
Les souris utilisées par William ont été génétiquement modifiées pour avoir un gène MH mutant (alors que les souris ordinaires ne l’ont pas). L’équipe de Yang a donné à ces souris une bizarrerie génétique particulière – leur gène MH mutant peut être désactivé dans des zones spécifiques du cerveau, choisies par les scientifiques lors de la reproduction des souris.
Cela nous donne la possibilité de comparer trois souris MH différentes : les souris MH ‘ordinaires’ avec le gène MH mutant actif dans tout le cerveau ; les souris MH dépourvues du gène MH mutant dans leur striatum et les souris MH dépourvues du gène MH mutant dans leur cortex. En comparant ces groupes, nous pouvons essayer de comprendre quelle est la partie du cerveau la plus importante dans la production des symptômes de la maladie de Huntington, du moins dans ce modèle de souris.
Les résultats de l'étude
L’équipe de Yang s’est tournée vers un certain nombre de tests utilisés en laboratoire pour évaluer les comportements de la souris, que l’on sait déjà modifiés chez les souris MH. Lors de ces tests, comme prévu, les souris MH ont eu de moins bonnes performances que les souris normales.
En se basant sur le fait que le striatum est la partie du cerveau la plus affectée chez les patients MH, nous pourrions nous attendre à ce que la suppression du gène MH mutant dans cette partie serait plus avantageuse pour les souris. La suppression du gène MH mutant dans le striatum a conduit à une certaine amélioration du comportement des souris MH, bien que les chiffres soient un peu faibles pour être certain de ce fait.
Surprenant, les souris dépourvues du gène MH mutant dans le cortex (qui est affecté plus tard dans le temps chez les individus) ont semblé faire mieux que celles dépourvues du gène MH dans le striatum ; ce qui suggère que le cortex est vraiment important dans le cadre de la maladie de Huntington.
Une tendance similaire a été observée lorsque l’équipe de scientifiques a examiné des changements dans la structure physique du cerveau, lesquels ont à nouveau révélé que les souris MH sans gène MH mutant dans leur cortex allaient mieux que celles sans gène MH mutant dans le striatum.
Enfin, l’équipe de Yang a noté que pour empêcher complètement les symptômes MH, il était nécessaire de désactiver le gène dans le cortex et le striatum.
Implications
Cette étude suggère que la protéine MH mutante est responsable des problèmes survenant à la fois dans le cortex et le striatum – et que ces deux parties du cerveau sont importantes.
Des thérapies ne ciblant que le striatum pourraient avoir une efficacité limitée dans la mesure où des problèmes demeurent ailleurs dans le cerveau. Cette question n’est pas seulement théorique – certaines thérapies proposées dans le cadre de la maladie de Huntington, y compris certaines formes de thérapies géniques et de remplacement par des cellules souches, cibleront probablement uniquement le striatum.
Ces travaux s’appuient sur des astuces génétiques impossibles à réaliser chez les humains ; ils ne mèneront donc pas directement à une thérapie chez les personnes. Mais, ils utilisent ces astuces afin de découvrir une réponse à une question que les scientifiques MH ont fait valoir depuis fort longtemps : “traiter le striatum est-il suffisant ?”. La réponse, basée sur les meilleures données dont nous disposons à ce jour, est “probablement non”.
Alors, pourquoi sommes-nous enthousiasmés par ces nouveaux travaux ? Parce que nous préférons tirer des leçons à partir des souris et les utiliser pour concevoir les meilleures études possibles pour des personnes atteintes de la maladie de Huntington. Ces travaux sont une pièce importante du puzzle, et nous espérons qu’ils vont nous aider à concevoir, dans l'avenir, les meilleurs essais cliniques possibles.