Par Dr Tamara Maiuri Edité par Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

La progression de la maladie de Huntington correspond à un long processus au cours duquel surviennent les premiers changements dans le cerveau, bien avant même que nous puissions voir les symptômes chez des patients. Il est logique de concentrer nos efforts sur le traitement des premiers changements aux fins d’étouffer le problème dans l’œuf. Mais quels sont ces changements et pouvons-nous les cibler ? Une étude récente a littéralement fait la lumière sur cette question. En créant des souris MH ayant des cellules cérébrales fluorescentes, les chercheurs de l’Université de Nottingham Medical School et de l’Institut Babraham, au Royaume-Uni, ont constaté que certains des premiers changements surviennent avant que ces cellules ne commencent à mourir et, dans une région du cerveau où les chercheurs MH n’ont auparavant jamais pensé à regarder.

Mettre en marche la magie de la lumière colorée

Les souris en question n’ont qu’un faible pourcentage de cellules cérébrales (les neurones) illuminées, et ce, pour une bonne raison. Les neurones peuvent être considérés comme des processeurs miniatures, lesquels reçoivent des signaux par le biais de structures d’entrée, appelées “dendrites”, traitent les informations dans le corps cellulaire ou “soma” et transmettent le signal par le biais d’un long fil mince appelé “axone”.

Sur ce dessin, les "dendrites" du neurones sont de fines saillies sur la gauche. Le "soma" du neurone est le corps principal de la cellule (en violet ici). Le long fil en saillie à droite est "l'axone" du neurone.
Sur ce dessin, les “dendrites” du neurones sont de fines saillies sur la gauche. Le “soma” du neurone est le corps principal de la cellule (en violet ici). Le long fil en saillie à droite est “l'axone” du neurone.
Crédits graphiques: Quasar Jarosz

L’information est relayée aux dendrites du neurone suivant afin de propager des messages à travers un réseau très complexe – messages qui coordonnent toutes nos pensées, actions et fonctions physiques. Cette complexité signifie que les neurones sont assemblés de manière dense, au milieu de toutes sortes de cellules et matériels du cerveau. Alors, comme dans le jeu nostalgique Lite-Brite, l’éclairage d’un petit sous-ensemble de neurones, en laissant le reste dans l’obscurité, permet de faire émerger une image claire.

Autre raison selon laquelle il est difficile d’étudier les neurones dans le cerveau : un “fil de sortie” du neurone, ou axone, peut courir sur de longues distances. Les neurones qui contrôlent les mouvements de notre corps, par exemple, ont leur soma dans le cortex, mais ils envoient leurs axones tout le long de la moelle épinière. C’est un long voyage pour une minuscule cellule !

Illuminer toute une cellule permet aux investigateurs de suivre un neurone individuel à partir de ses points d’entrée dendritiques, à travers le soma, tout au long de l’axone jusqu’à sa destination finale dans une autre zone du cerveau. Cela signifie qu’ils peuvent se demander si des anomalies dans un axone peuvent être associées à des changements dans le reste de la cellule à laquelle appartient l’axone spécifique. Le fait de connaître la partie du neurone affectée en premier pourrait aider les scientifiques à comprendre quel processus ne fonctionne pas correctement au stade précoce de la maladie de Huntington.

Les neurones de deux modèles de souris MH différents ont été illuminés de cette façon : un modèle “transgénique” et un autre modèle “knock-in”. La souris transgénique spécifique utilisée a été conçue pour porter un petit morceau du gène MH mutant. La souris knock-in possède l’expansion responsable de la MH, “remplacée” par sa version naturelle du gène huntingtin de la souris.

Les principales différences entre ces deux modèles murins sont la rapidité avec laquelle ils deviennent malades et la gravité de la maladie. Le modèle transgénique évolue plus rapidement (présentant des symptômes à 12 semaines au lieu de 12 mois), ce qui peut être avantageux, par exemple, pour obtenir des réponses rapides s’agissant de composés médicamenteux potentiels. Le modèle knock-in prend plus de temps pour devenir malade et développe des symptômes moins sévères (parfois plus difficiles à évaluer) mais il ressemble plus à ce qui se passe avec les patients MH, ce qui en fait un modèle plus précis. Souvent dans la recherche, il existe un compromis entre la précision et la vitesse, et c'est le cas avec ces deux modèles différents.

«Nous devons réfléchir sur les parties de la cellule qui deviennent malades avant de réfléchir à la façon de les traiter »

Des gonflements dans le fil

Bien que la maladie de Huntington soit une maladie du cerveau, les problèmes constatés dans le cadre de celle-ci ne sont pas distribués uniformément au sein du cerveau. Nous savons que les cellules de certaines parties du cerveau deviennent malades et meurent plus tôt que d’autres. Une petite région profonde du cerveau, appelée “striatum”, est la partie la plus vulnérable du cerveau touché par la M.H., disparaissant quasiment au cours de la maladie.

Afin d’étudier cette zone du cerveau chez les souris, l’équipe de chercheurs a comparé, dans chaque modèle, les neurones fluorescents respectivement à leurs stades précoces et tardifs de la maladie. Etonnamment, chez les souris transgéniques, les neurones du striatum se sont révélés être normaux et en bonne santé, en dépit du fait que les souris présentaient un certain nombre de symptômes. Ceci suggère que d’autres facteurs, en plus de la mort et du dysfonctionnement des neurones dans le striatum, doivent provoquer des symptômes, tels qu’observés chez ces souris.

Quant au modèle knock-in, bien que les souris soient, au stade précoce, normales, que les cellules dans leur striatum soient saines ; les souris à un stade avancé ont présenté des gonflements protubérants dans leurs axones. Les axones, rappelez-vous, sont le fil de transmission du neurone, transmettant le message de celui-ci à d’autres cellules du cerveau.

Les gonflements axonaux surviennent naturellement au cours du vieillissement et dans certaines maladies du cerveau, mais ils apparaissent plus tôt et plus souvent chez les souris MH knock-in. Chaque soma (corps cellulaire) correspondant des axones et les dendrites (structures d’entrée) paraissent, quant à eux, être en bonne santé. Ceci est très intéressant, suggérant que dans ce modèle murin précis, les changements dans l’axone sont les premiers à être constatés.

Tout comme dans le jeu nostalgique Lite-Brite, l’éclairage d’un petit sous-ensemble de neurones, en laissant le reste dans l’obscurité, permet de faire émerger une image claire.
Tout comme dans le jeu nostalgique Lite-Brite, l’éclairage d’un petit sous-ensemble de neurones, en laissant le reste dans l’obscurité, permet de faire émerger une image claire.

Si nous supposons que ces modèles murins représentent un stade précoce de ce qui va mal dans le cerveau MH, ces résultats pourraient nous aider à concentrer notre énergie sur l’étude de la partie correcte du neurone, en particulier l’axone. Dans le cadre de la maladie de Huntington, il existe des preuves significatives s'agissant des problèmes qui surivennent dans les axones et ces résultats viennent soutenir l’idée selon laquelle ces problèmes méritent plus de compréhension dans le cadre de cette maladie.

Réagir à temps fait gagner du temps

Nous ne nous lassons jamais de dire que même les souris génétiquement modifiées ne sont pas semblables aux patients MH et aucun modèle murin ne sera en mesure de nous révéler tout ce qui se passe dans le cerveau MH. Mais les résultats de cette étude révèlent que, au moins, chez un modèle plus semblable à la MH, les axones présentent une dégénérescence avant d’autres parties du neurone. Nous devons réfléchir sur les parties de la cellule qui deviennent malades avant de réfléchir à la façon de les traiter, et bien que le modèle murin knock-in ait ses limites, il s’agit d’un bon choix pour étudier la dégénérescence de l’axone au cours de la maladie de Huntington.

Ces travaux révèlent également que le premier endroit du déclin dans le cerveau atteint par la M.H. n’est peut-être pas, après tout, le striatum. Pour en être sûr, nous risquons de passer à côté d’importantes informations dans la mesure où tous les neurones n’ont pas été rendus visibles par la technique de fluorescence. Mais nous avons certainement une nouvelle zone du cerveau à explorer, et si elle se révèle être le lieu du début de la dégénérescence, alors elle pourrait être une cible attractive pour des thérapies pouvant stopper les dommages avant qu’ils n’apparaissent.

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