Leora FoxPar Dr Leora Fox Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

De nouvelles thérapies pour des troubles, tels que la maladie de Huntington, sont en voie de développement mais pouvoir administrer des médicaments dans les cellules du cerveau peut être un défi important. Un groupe de scientifiques a mis au point et testé un virus inoffensif pouvant délivrer efficacement un message de ‘silençage génique’ dans le cerveau des souris, beaucoup plus loin que les virus actuels ne peuvent le faire. Qui plus est, le médicament peut être administré par une simple injection dans le sang, offrant un énorme potentiel pour la recherche en silençage génique, et au-delà.

Mettre au point des thérapies de pointe pour les cellules du cerveau

La maladie de Huntington est causée par une erreur dans le code génétique – une faute d’impression d’un ADN qui conduit à la production d’une protéine toxique, la huntingtine mutante. Au fil du temps, ce mauvais bloc de construction est destructeur pour les cellules du cerveau.

La surface d’un virus est revêtue de molécules qui agissent comme des clés aux fins de piéger une cellule dans le déverrouillage de ses portes et laisser entrer le virus.
La surface d’un virus est revêtue de molécules qui agissent comme des clés aux fins de piéger une cellule dans le déverrouillage de ses portes et laisser entrer le virus.

Une stratégie de base dans la recherche de médicaments pour la maladie de Huntington est d’envoyer un message aux cellules du cerveau les intimant de cesser la production de la protéine huntingtine néfaste. C’est le principe de base du silençage génique pour la maladie de Huntington. Il existe plusieurs approches différentes pour ce type de thérapie, incluant un essai clinique actuellement en cours ayant fait l’objet d’un récent article sur HDBuzz.

Dans la mesure où chaque cellule contient une erreur MH dans son code génétique, le principal défi dans la recherche en silençage génique est la façon d’administrer des médicaments de manière à atteindre un maximum de régions du cerveau, idéalement sans avoir besoin de traitements invasifs, tels que la chirurgie du cerveau. Dans la mesure où la MH est de plus en plus considérée comme une maladie touchant l’ensemble du cerveau, la thérapie la plus efficace devrait avoir une portée généralisée, en éliminant la huntingtine mutante au sein d’un grand pourcentage de cellules nerveuses.

Nous sont enthousiasmés par une avancée technologique récente dans ce domaine, un virus modifié ayant le potentiel de fournir, plus efficacement qu’auparavant, une thérapie de combat. Celle-ci est à un stade précoce de la recherche et n’est pas prête pour être testée chez les humains mais en fin de compte, elle pourrait permettre d’administrer des médicaments de silençage génique, de manière non-chirurgicale, pouvant se déplacer plus loin et plus efficacement dans le cerveau.

Exploiter la puissance des virus

Les chercheurs ont longtemps utilisé des virus pour étudier la délivrance de matériel génétique dans le cerveau. Nous ne parlons pas d’agents causant la maladie, tels que la grippe, ceux-ci sont d’origine naturelle, mais de virus inoffensifs que des scientifiques ont modifiés à des fins de recherche. Dans le cadre du combat contre la maladie de Huntington, le but est d’exploiter la capacité naturelle des virus à pénétrer dans les cellules puis à les remplir avec des messages génétiques qui stopperont la production de la protéine huntingtine mutante.

Principalement, une particularité des médicaments de ‘silençage génique’ est qu’ils sont produits à partir de substances chimiques semblables à l’ADN. C’est ainsi qu’ils peuvent interagir avec la machinerie des cellules qui transforme une recette génétique en protéine.

Les virus sont essentiellement des petits paquets de matériel génétique, ADN ou une substance similaire appelée ARN, entourés par une enveloppe extérieure. La surface d’un virus est revêtue de molécules qui agissent comme des clés aux fins de piéger une cellule dans le déverrouillage de ses portes et laisser entrer le virus. Une fois à l’intérieur, le virus s’ouvre et libère son matériel génétique. Ceci est sournois car la cellule gère la nouvelle empreinte génétique comme si celle-ci était censée être là depuis toujours, produisant des pièces du virus au sein de sa propre activité.

Dans le cas de la plupart des virus, comme le rhume, cette nouvelle information génétique détourne la machinerie de la cellule, l’amenant à générer des millions de nouveaux virus jusqu’à ce que le système immunitaire remarque l’envahisseur et le mette dehors. Mais à des fins de recherche sur le cerveau, les scientifiques peuvent modifier à la fois l’emballage du virus et son contenu. Ils peuvent équiper la capside d’un nouveau jeu de clés moléculaires, puis la remplir avec un matériel génétique pour exercer une fonction thérapeutique, telle que le blocage du gène MH.

«Un virus, appelé AAV-AS, s’est révélé être satisfaisant pour pénétrer les neurones. Les clés de protéines, qui y étaient fixées, ont été très efficaces pour ouvrir des portes moléculaires situées à la surface des neurones »

Afin de réaliser des expériences en laboratoire portant sur l’administration de médicaments de silençage génique, les chercheurs ont, dans le passé, utilisé un type de virus inoffensif appelé virus adéno-associé ou AAV. Bien que de nombreux AAVs puissent se déplacer dans le système sanguin du cerveau, ils n’excellent généralement pas à pénétrer les neurones (cellules essentielles au fonctionnement du cerveau). Ils sont plutôt susceptibles d’apporter un ‘soutien’ aux cellules du cerveau. Pour traiter des troubles neurodégénératives, comme la maladie de Huntington, il est important de livrer la marchandise directement aux neurones, et autant que possible.

Mise au point d'un virus pour pénétrer les neurones

Récemment, une équipe de collaborateurs du Massachusetts et d’Alabama ont modifié des virus adéno-associés et les ont testés afin de voir s’ils pouvaient pénétrer les neurones plus facilement et se déplacer dans tout le cerveau. Miguel Sena-Esteves, un scientifique travaillant au Centre de Thérapie Génique à Umass Medical School, a dirigé l’étude. Les scientifiques ont modifié génétiquement la surface extérieure du virus adéno-associé, ajoutant des chaînes supplémentaires de protéines et testé si ces nouvelles ‘clés’ permettraient au virus de mieux pénétrer les différentes types de cellules dans le cerveau.

Ils ont testé leurs clés moléculaires nouvellement créées chez des souris en injectant les virus dans une veine. Il s’agit d’un point important : le virus adéno-associé peut se déplacer dans le système sanguin et pénétrer dans le cerveau sans nécessiter de chirurgie invasive.

Introduction par effraction - et blocage du gène huntingtin

Un virus, appelé AAV-AS, s’est révélé être satisfaisant pour pénétrer les neurones, bien plus que certains autres. Les clés de protéines, qui y étaient fixées, ont été très efficaces pour ouvrir des portes moléculaires situées à la surface des neurones. En remplissant les capsides avec un code génétique destiné à produire des protéines fluorescentes vertes, les scientifiques ont pu facilement montrer que le virus avait atteint de nombreuses régions du cerveau et la moelle épinière de la souris.

Un système d’administration plus efficace et de grande envergure comme celui-ci a un énorme potentiel, non seulement pour le développement de nouveaux médicaments mais également pour la recherche fondamentale portant sur le fonctionnement du cerveau.

L’étape suivante consistait à remplir la capside du ‘virus ami’ avec un matériel de silençage génique et voir s’il était efficace chez des souris. En l’espèce, ils ont utilisé une molécule de silençage génique appelée microARN. Ils ont choisi un microARN qui bloquerait la production de la huntingtine chez la souris, l’ont emballé dans le virus AAV-AS et l’ont testé chez une souris normale.

Le nouveau virus est très efficace pour pénétrer les neurones aux fins de délivrer le matériel de silençage génique.
Le nouveau virus est très efficace pour pénétrer les neurones aux fins de délivrer le matériel de silençage génique.

Un seul traitement avec injection du virus dans la veine de la queue de la souris a réduit le taux de huntingtine dans de nombreuses régions du cerveau, y compris jusqu’à une diminution de 40-50% dans le striatum (une région très profonde dans le cerveau affectée au début de la MH). Ceci est impressionnant, même comparée avec des études au cours desquelles la chirurgie a été utilisée pour administrer des traitements de silençage génique dans le cerveau.

Les prochaines étapes pour la technologie AAV

Il s’agit d’une technologie sans nul doute passionnante, et dans l'avenir, elle pourrait être vraiment importante pour de futurs médicaments de silençage génique aux fins de traiter la maladie de Huntington. Comme toujours, il existe quelques points importants à noter.

Il convient surtout de préciser que les chercheurs n’ont pas utilisé de modèle murin MH pour tester leur virus ; ils ont réduit au silence la huntingtine normale chez des souris en bonne santé, afin d’apporter la preuve que leur virus pouvait pénétrer les neurones et accomplir un travail de silençage génique. Ceci n’est pas, bien entendu, le but ultime ; les traitements de silençage du gène MH visent à réduire au silence la huntingtine mutante (la vraie coupable). Mais maintenant que cette technologie existe, ces scientifiques ont la possibilité de remplir la nouvelle capside AAV-AS avec un médicament de silençage du gène MH contre la protéine mutante et voir si celui-ci pourrait avoir un effet bénéfique sur les symptômes des souris. Voilà la prochaine étape probable.

Le virus se déplace assez bien dans le cerveau mais il n’est pas parfait, et d’autres études continueront à relever le défi de l’administration de médicaments aux neurones. Comme de nombreuses percées scientifiques, une partie de cette découverte a été accidentelle, nul ne sait pourquoi cette clé moléculaire située sur la surface du virus adéno-associé AS a été si efficace pour permettre au virus de pénétrer les neurones. Il s’agira d’un autre sujet pour une recherche future.

En attendant, voici les principaux avantages du virus nouvellement développé :

  1. il peut être injecté dans le système sanguin et atteindre le cerveau,
  2. il peut pénétrer les neurones plus efficacement que les virus précédemment testés,
  3. il peut se propager dans tout le cerveau,
  4. il peut transporter du matériel de silençage génique efficace.

Cette technologie est loin d’être prête pour être testée chez les personnes ; elle nécessitera tout d’abord un examen approfondi chez plusieurs espèces afin de vérifier qu’elle est sans danger et efficace. Toutefois, ce travail sera important pour le développement de thérapies de silençage génique dans le cadre de la maladie de Huntington et d’autres troubles. Des systèmes d’administration virale plus efficaces ouvrent également de nombreuses perspectives de recherche relatives au fonctionnement du cerveau.

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