Une nouvelle étude révèle un éventuel biomarqueur MH
Un éventuel biomarqueur a été découvert lors d’une récente étude clinique.
Par Dr Leora Fox 30 juin 2017 Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 7 juin 2017
Que faire si un test sanguin pouvait fournir des informations sur l’état actuel et sur l’évolution de la maladie de Huntington ? C’est la prémisse de la recherche de biomarqueurs MH ; ceux-ci pourraient un jour être utiles pour la prise de décisions concernant des traitements et pour prédire comment vont évoluer les symptômes. Une équipe de chercheurs issus de plusieurs pays ont récemment analysé le sang, les images cérébrales et les examens cliniques recueillis dans le cadre de l’étude TRACK-HD. Ils ont constaté que les taux sanguins d’une protéine appelée chaîne légère des neurofilaments correspondaient à la gravité de la maladie de Huntington, ce qui en ferait un éventuel biomarqueur.
La recherche de biomarqueurs MH
Grâce à l’engagement de la communauté pour les technologies de pointe, il existe un grand potentiel pour le développement de nouvelles thérapies aux fins de traiter la maladie de Huntington. Parallèlement aux études fondamentales et cliniques pour identifier l’origine des symptômes et envisager de nouveaux médicaments, il est important de rechercher des moyens précis et efficaces pour suivre l’évolution de la MH. Au fur et à mesure que de nouvelles ressources sont disponibles pour traiter et gérer les symptômes MH, il serait utile pour les médecins et les patients de savoir si les symptômes devraient empirer lentement ou rapidement. Nous avons également besoin d’avoir des moyens précis pour déterminer si un médicament expérimental a amélioré la santé du cerveau.
Il existe des façons d’aborder ces questions : nous pouvons évaluer les mouvements inhabituels, analyser les changements de l’humeur et de la réflexion et prendre des images des zones cérébrales impliquées dans la MH. Mais ces méthodes peuvent prendre beaucoup de temps et être épuisantes pour les patients et les médecins, et pourraient ne rien signifier pour une personne à risque qui ne présente encore aucun symptôme. C’est pour ces raisons que la communauté MH recherche de bons biomarqueurs, des tests qui peuvent être facilement mesurables aux fins de prédire le développement de la maladie et la réponse au traitement. Aujourd’hui, nous sommes ravis d’annoncer que des chercheurs du Royaume-Uni ont identifié une substance dans le sang qui se révèle être prometteuse en tant que biomarqueur pour la MH.
Qu’est-ce qu’exactement un biomarqueur ?
Nous définissons généralement un biomarqueur comme étant un test qui peut prédire l’apparition d’une maladie, l’évolution de celle-ci ou le succès d’un traitement. Qu’est-ce que cela signifie réellement ? Eh bien, avec un excellent biomarqueur, un test simple lors d’un bilan de santé peut générer suffisamment d’informations pour la prise de décisions concernant des soins actuels et futurs. Cela n’est pas encore possible dans le cadre de la maladie de Huntington, ni dans le cadre de la plupart des troubles neurologiques. Le cerveau est un organe complexe, et les traitements sont limités, comparés à ceux destinés au cancer par exemple, ou aux maladies cardiaques.
En fait, prenons l’exemple des maladies cardiaques pour illustrer plus clairement le concept d’un biomarqueur. Dans le cadre de la santé cardiovasculaire, un exemple simple et universel de biomarqueur est la mesure de la pression artérielle. Celle-ci est facile, non-invasive et peu coûteuse. Plus important encore, un siècle de recherches a définitivement déterminé que la tension artérielle était une très bonne indication du risque de maladie cardiaque. L’augmentation de la tension artérielle au fil du temps peut justifier un changement dans l’alimentation ou la prescription d’un médicament afin de réduire le risque de futurs problèmes cardiaques. Si des interventions réduisent la tension artérielle, le médecin et le patient peuvent être raisonnablement sûrs que le risque de maladie cardiaque est maintenant plus faible. Ces décisions et conclusions peuvent être faites sans jamais tester directement le cœur, et alors que le patient se sent encore bien.
Dans le cadre de la maladie de Huntington, le biomarqueur idéal aurait une fonction similaire. Bien qu’un test génétique puisse déterminer si une personne possède la mutation MH, il ne peut prédire le risque à court terme de développer des symptômes, ou de déterminer la quantité probable de dommages présents dans le cerveau. Nous ne disposons pas également de tests chimiques de base pour comprendre si un nouveau traitement retarde les symptômes et ralentit les dommages ; au lieu de cela, les patients doivent subir des tests fréquents et longs. Une personne ayant le risque de développer la MH peut ne présenter aucun symptôme pendant plusieurs années mais imaginez un simple test annuel qui pourrait donner une indication sur la santé du cerveau, comme le fait pour le coeur la mesure de la pression artérielle. Ce sont les objectifs de la recherche de biomarqueurs MH.
L’identification d’un éventuel biomarqueur pour la maladie de Huntington
L’un des moyens de rechercher des biomarqueurs MH chez les humains est de mesurer les taux de nombreuses substances dans le sang, puis de les comparer avec la gravité des symptômes ou avec des images des dommages cérébraux. La combinaison de ces données issues d’un vaste groupe de personnes peut déterminer quelles substances devraient être interprétées comme étant un signe de santé ou de dommage. Lorsque quelque chose dans le sang augmente (ou diminue) régulièrement alors que les dommages neurologiques et symptômes s’aggravent, les chercheurs commencent à faire attention – il pourrait s’agir d’un éventuel biomarqueur. Dans le cadre des troubles du cerveau, la recherche a été évasive. C’est parce qu’il est rare que le contenu des cellules cérébrales se retrouve dans le flux sanguin, et parce qu’il existe d’énormes variations dans les taux des substances sanguines chez les individus.
Néanmoins, une étude récente, menée par le Dr Edward Wild de l’University College London (Royaume-Uni), a identifié une protéine dans le sang qui semble posséder cette propriété : elle augmente proportionnellement à d’autres signes de la MH. Pour identifier cette protéine, l’équipe a analysé des données recueillies dans le cadre de l’étude TRACK-HD, une étude de trois ans sur les porteurs de la mutation MH et leurs partenaires, ou frères et sœurs, non affectés. Les cliniciens n’ont pas testé un médicament, mais ont effectué des observations minutieuses des participants au fil du temps afin d’en savoir plus sur la façon dont se développe la MH. Les 298 personnes qui ont achevé l’essai ont effectué des images cérébrales répétitives, des examens cliniques pour mesurer les mouvements et la réflexion, et ont donné des échantillons de sang. Leur participation a alimenté plusieurs années de recherche, y compris cette étude plus récente sur les biomarqueurs.
La chaîne légère des neurofilaments
La protéine concernée par cet article est appelée chaîne légère des neurofilaments, ou NfL. Il s’agit d’une composante structurelle importante des cellules nerveuses, qui soutient leur forme, comme les branches d’un parapluie. De précédentes recherches, réalisées dans le cadre de la MH et d’autres troubles neurologiques, ont montré que lorsqu’une cellule cérébrale meurt, le parapluie s’effondre, libérant la protéine NfL, laquelle peut se retrouver dans le flux sanguin. Cela a conduit Wild et son équipe à émettre l’hypothèse selon laquelle l’augmentation des lésions subies par les zones cérébrales affectées par la MH entraînerait une accumulation de taux plus élevés de la protéine NfL dans le sang. Les chercheurs ont décidé d’étudier de plus près la protéine NfL en utilisant les échantillons de sang, les images et les résultats des examens des participants à l’étude TRACK-HD.
«Imaginez qu'un simple test puisse fournir une indication sur la santé du cerveau aussi bonne que le fait la mesure de la pression artérielle pour le coeur. »
Les participants ont été divisés en groupes en fonction de leur statut MH, déterminé par des examens réalisés au début de l’étude. Il y avait un groupe « contrôle » composé de frères et sœurs ou de partenaires n’ayant pas la mutation. Puis, il y avait quatre groupes de porteurs du gène : (1) ceux prédits à développer les symptômes MH en une décennie ou plus, (2) ceux prédits à développer les symptômes MH dans quelques années, (3) ceux présentant des symptômes précoces et (4) ceux présentant des symptômes plus avancés.
Dans le groupe présentant un stade avancé de la maladie, dans lequel se trouvait une personne, plus ses taux de NfL étaient élevés, et plus la NfL augmentait au fil du temps chez les personnes ayant le gène MH. Il est important de noter que les taux les plus élevés de NfL correspondaient à davantage de lésions au cerveau et à des scores faibles lors de tests de mouvement et de raisonnement. Cela signifie que les taux NfL étaient de bons indicateurs de la santé du cerveau et de l’évolution de la MH. Si une personne avait un taux élevé de NfL au début de l’étude mais aucun symptôme, elle a souvent commencé à développer des symptômes pendant l’étude. En conséquence, non seulement les taux de NfL étaient associés à la gravité, mais ils pourraient prédire si une personne pourrait devenir malade bientôt. De plus, le niveau de NfL dans le sang reflétait la quantité trouvée dans le liquide céphalo-rachidien, liquide dans lequel baigne le cerveau ; ce qui suggère qu’un test sanguin pourrait être en mesure de fournir des informations fiables sur le cerveau, à la place d’une ponction lombaire invasive.
NfL : avenir potentiel en tant que biomarqueur
Pour l’ensemble de ces raisons, les auteurs proposent que la protéine NfL puisse être utilisée en tant que biomarqueur sanguin qui reflète la santé actuelle du cerveau dans le cadre de la MH. Il s’agit là d’une expérience bien conçue avec de solides données, rendant cette nouvelle passionnante. Mais comme avec toutes les études, il est important d’aborder les limites de ces travaux.
Tout d’abord, l’analyse des données issues d’un grand groupe de participants est un excellent moyen de trouver des tendances générales mais l’interprétation ne s’étendra pas à chaque individu. Tout comme la tension artérielle élevée indique un risque de maladie cardiaque plutôt que de fixer la date d’une crise cardiaque, le taux de NfL d’une personne ne peut fournir une prédiction exacte sur les symptômes MH ou sur la santé du cerveau. Les taux sont tout simplement trop variables entre les individus, et il n’y a pas encore suffisamment de données pour appliquer ces résultats à toute pratique de routine, telle qu’un simple test dans un cabinet médical.
Toutefois, la mesure des taux NfL peut être un moyen supplémentaire pour évaluer la progression de la maladie de huntington dans le cadre d’études cliniques. Il sera particulièrement intéressant de voir si les traitements actuels ou futurs peuvent réduire les taux de NfL, reflétant les améliorations des symptômes. L’une des idées intéressantes est que les scientifiques pourraient revoir les échantillons des essais cliniques passés pour établir une image plus large de la relation entre la protéine NfL et l’évolution de la MH, et pour déterminer si des traitements expérimentaux ont réduit les taux NfL, même s’ils n’ont pas amélioré les symptômes.
En outre, avant que nous puissions utiliser le NfL sanguin (ou tout autre biomarqueur sanguin) comme intermédiaire pour les lésions aux neurones dans le cadre de la MH, nous devrions être davantage certains que les taux sanguins correspondent aux taux dans le cerveau. Pour résoudre ce problème, l’équipe, qui a mené cette récente étude, a également lancé une initiative mondiale, appelée HDClarity, afin de s’assurer que des échantillons de liquide cérébro-spinal (obtenus via une ponction lombaire), soient collectés et traités de manière cohérente dans des cliniques du monde entier.
Si les observations faites sur les niveaux NfL dans le sang / NfL dans le liquide cérébro-spinal résistent à un examen plus approfondi, nous pourrions avoir un biomarqueur utile entre nos mains. Il convient de préciser que la protéine NfL n’est pas spécifique à la MH, et elle a été proposée comme marqueur pour suivre la progression d’autres maladies neurodégénératives, y compris la maladie d’Alzheimer et la SLA. Nous espérons qu’elle pourra être ajoutée à l’arsenal de ressources qui nous aide à surveiller la maladie de Huntington et à développer de nouvelles thérapies. Dans le même temps, les chercheurs continueront à rechercher des biomarqueurs qui peuvent être utiles pour guider les patients et leurs familles dans leurs décisions alors que des traitements deviennent disponibles.