Des essais de médicaments de "diminution de la huntingtine", PRECISION, ciblent la huntingtine mutante.
WAVE Life Sciences lance l’essai clinique PRECISION visant à supprimer la protéine mutante de la MH
Par Dr Michael Flower 24 octobre 2017 Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 25 août 2017
Un nouveau chapitre très intéressant dans le traitement de la maladie de Huntington commence tout juste – WAVE Life Sciences a annoncé deux essais cliniques, PRECISION-HD1 et PRECISION-HD2, portant sur deux nouveaux médicaments qui diminuent la protéine mutante de la maladie de Huntington. Nous sommes ravis de cette approche innovante pour des thérapies de diminution de la huntingtine mais ce sont les premiers jours et nous avons beaucoup de chemin à faire pour montrer que celle-ci est sans danger et efficace pour les personnes.
Pourquoi essayons-nous de diminuer la quantité de protéine huntingtine ?
Si les gènes sont le manuel d’instructions que nos cellules utilisent pour “confectionner” notre corps, alors l’ADN est la langue dans laquelle est écrit le manuel. Chaque chapitre concerne une protéine différente et ce sont ces milliers de protéines différentes qui composent toutes les cellules de notre corps. Officiellement, le gène MH est dénommé HTT et la protéine pour laquelle il contient des instructions est dénommée huntingtine.
Les êtres humains possèdent deux copies du gène HTT ; la maladie de Huntington survient lorsqu’une mutation produit une copie trop grosse. La protéine étendue produite à partir de cette copie mutante du gène est toxique pour nos cellules, en particulier pour celles du cerveau. On sait que la diminution du taux de la protéine huntingtine mutante chez des modèles murins MH améliore considérablement les symptômes rappelant la maladie de Huntington, et on espère que des traitements similaires chez des personnes pourraient être efficaces.
Qu’est-ce que la diminution de la huntingtine ?
De la même manière que celle réalisée avec de nombreux antibiotiques et de médicaments pour le cancer, nous pouvons profiter de l’un des processus naturels afin de supprimer la protéine huntingtine. En l’occurrence, il s’agit d’un moyen par lequel les cellules conservent et copient leur propre ADN.
L’ADN situé à l’intérieur de nos cellules est généralement constitué de deux brins entrelacés d’ADN, recourbés l’un autour de l’autre sous la forme bien connue de double hélice. Ces deux brins permettent à la cellule de répliquer ou de copier leur ADN en séparant chaque brin et en l’utilisant comme modèle pour une nouvelle copie. A différents moments de ce processus, la cellule utilise l’ARN comme une sorte d’échafaudage pour l’aider à répliquer l’ADN. Lorsque la copie est terminée, ces échafaudages doivent être supprimés ; les cellules sont donc vraiment efficaces pour détériorer les morceaux d’ARN et d’ADN liés ensembles.
Des cellules utilisent l’ARN pour un autre objectif, celui de porter des messages génétiques à travers celles-ci. Lorsqu’une cellule a besoin d’une protéine spécifique (par exemple, la protéine huntingtine) pour mener à bien ses fonctions, une demande est envoyée aux gestionnaires d’ADN des cellules. L’ADN est précieux (si nous endommageons notre ADN, nous finissons avec un cancer ou la mort), de sorte que les gestionnaires cellulaires de l’ADN produisent une copie du gène demandé. La copie n’est pas produite dans l’ADN mais dans le langage de l’ARN. Ce message d’ARN (dénommé ARNm) est utilisé par les sites de fabrication des cellules pour créer davantage de protéine huntingtine.
Cet ANRm intermédiaire, qui fait la navette d’informations entre l’ADN et le mécanisme de production des protéines, est la cible des médicaments de diminution de la huntingtine. Le but de ces médicaments est de détruire, selon diverses façons, ce message, en refusant de fournir aux mécanismes de production des protéines de la cellule les instructions pour produire une protéine spécifique.
Qu’est-ce que cela a à voir avec la MH ? Faites entrez les oligonucléotides antisens ou ‘ASOs’. Les ASOS n’existent pas naturellement mais sont conçus par les scientifiques pour tromper la cellule aux fins de détruite une molécule ARN messager spécifique. En fait, les ASOs ressemblent à de petits fragments d’ADN qui ont été modifiés pour être capables de pénétrer des cellules. Une fois à l’intérieur d’une cellule, l’ASO adhère à une séquence spécifique, située uniquement dans l’ARN messager du gène MH.
Souvenez-vous des échafaudages pour copier l’ADN et la manière dont ceux-ci sont supprimés ? Lorsque les cellules voient un fragment d’ADN (l’ASO dans ce cas) adhérer à un morceau d’ARN (le message MH), elles pensent que c’est un morceau d’échafaudage et le détruit. Voila, nous avons trompé une cellule pour détruire seulement une des nombreuses dizaines de milliers de molécules d’ARN situées à l'intérieur de cette cellule.
Un défi majeur consiste à administrer ces ASOs dans le cerveau car ceux-ci ne peuvent pas traverser les parois des vaisseaux sanguins de notre cerveau. Nous avons réussi à contourner ce problème en les injectant directement dans le liquide céphalo-rachidien (LCR), le liquide entourant et amortissant le cerveau et la moelle épinière. A partir de là, les ASOs sont absorbés dans les cellules cérébrales où ils continuent à supprimer leur protéine cible pendant un mois environ, après quoi il convient d’en injecter à nouveau.
Quelle est la différence avec l’essai ASO actuellement en cours ?
La compagnie pharmaceutique Ionis s’approche actuellement de la fin d'un essai clinique passionnant utilisant un ASO qui cible l’ARN huntingtin. L’ASO de la compagnie Ionis n’opère pas de distinction entre l’ARN venant de la copie normale du gène et celui de la copie mutante du gène, de sorte qu’il réduit la quantité de protéines normales et mutantes. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avançons prudemment avec ce traitement – la diminution de la quantité de protéines normales peut être sans danger mais pourrait également être potentiellement dangereuse à long terme. On sait que la protéine normale est vraiment importante pour le développement d’un nourrisson. Cependant, des études sur plusieurs animaux ont montré que la suppression partielle, d’environ 50%, de la version normale et de la version mutante chez des adultes est sans danger et améliore les symptômes.
Ce que la société WAVE a réalisé permettra peut-être de contourner ces problèmes dans la mesure où ces deux médicaments ciblent le gène mutant, laissant seule la copie normale. Ils ont fait cela en visant des petites différences génétiques dans l’ADN, dénommées polymorphisme du nucléotide simple, ou ‘SNPs’ (prononcé ‘snips’) (variation – polymorphisme - d'une seule paire de bases du génome, entre individus d'une même espèce). Imaginez ces SNPs comme des rubans colorés suspendus à un cerf-volant. Chaque personne atteinte de la MH pilote deux cerfs-volants - un ‘bon’ et un ‘mauvais’. Imaginez l’ASO comme un drone qui veut abattre le mauvais cerf-volant. Malheureusement, le drone ne peut pas faire la différence entre les deux cerfs-volants. Cependant, il peut reconnaître les différents rubans colorés sur la queue du cerf-volant et abattre le ruban plutôt que le cerf-volant est tout aussi bon en termes d’élimination de l’ensemble.
La société WAVE a conçu des ASOs qui ciblent deux SNPs dans le gène HTT, et c’est pourquoi elle a initié deux essais cliniques distincts. Ces SNPs ont été choisis car leurs séquences ont tendance à être différentes dans le gène MH normal et dans le gène MH mutant : les rubans au niveau des bonnes et mauvaises queues des cerfs-volants ont tendance à être de couleurs différentes, reconnaissables par le drone. A l’emplacement du premier SNP, qui, dans le langage scientifique, s’appelle ‘rs362307’, la moitié des patients possèdent des rubans de couleurs différentes dans leurs bons et mauvais cerfs-volants. Pour le second SNP, ‘rs362331’, il existe différents rubans colorés chez 40% des patients MH. Dans l’ensemble, au moins deux tiers des personnes atteintes de la MH en Europe et aux Etats-Unis devraient avoir différents rubans permettant à ces médicaments d’abattre le mauvais cerf-volant.
Malheureusement, cela signifie qu’environ un tiers des personnes possèdent les mêmes rubans à ces endroits sur les bons et mauvais cerfs-volants, de sorte que ces médicaments ne viseront pas spécifiquement le gène HTT mutant. Cependant, si les médicaments agissent chez les personnes, il y aurait une forte incitation à envisager de développer de nouveaux ASOs ciblant d'autres rubans.
Quelle est la preuve que ces médicaments agiront ?
Ces essais de WAVE sont quelque peu particuliers car la compagnie n’a pas mené d’études chez des modèles animaux MH avec leurs médicaments spécifiques. Des souris et d’autres animaux, préférés par les chercheurs, ont également deux copies du gène MH. Cependant, il existe beaucoup plus de variations génétiques entre les êtres humains et les souris qu’entre les êtres humains ; ce qui signifie que les variations du SNP ciblées par les ASOs de WAVE ne sont pas partagées avec les souris et ne peuvent donc pas être testées chez celles-ci.
Qu’a fait la compagnie WAVE ? Les médicaments spécifiques conçus par WAVE ont été testés dans des cellules cultivées dans des boîtes de Petri, dans lesquelles ils ont réussi à réduire la protéine mutante tout en laissant la version normale relativement intacte. Les chercheurs de la compagnie WAVE concluent (pour la MH) que le cas de réduction du gène MH est tellement clair que d’autres études sur des animaux seraient une perte de temps.
Cela ne signifie pas que ces essais ne sont pas sans danger – avant que tout médicament ne soit administré aux personnes, même de manière expérimentale, il doit être soigneusement testé chez des animaux afin de s’assurer qu’il n’est pas toxique. La compagnie WAVE n’a pas précisé publiquement les travaux qu’elle a réalisés chez des animaux afin d’apporter la preuve que ces médicaments ne sont pas toxiques mais soyez assurés que les agences de réglementation chargées de permettre ces essais auront pris connaissance des résultats de ces expériences.
Comment sont organisés les essais ?
Les essais de la compagnie WAVE sont officiellement appelés des essais de phase 1b/2a. Une étude de phase 1 est celle dans laquelle le but principal est l’innocuité d’un médicament testé sur un petit nombre de volontaires. Normalement, une étude de phase 2 est menée sur un nombre de personnes légèrement plus élevé dans le but de recueillir un peu de preuves selon lesquelles le médicament pourrait agir. Dans ce cas, puisque tout le monde désire agir le plus rapidement possible, WAVE a structuré l’essai de manière à combiner en même temps les aspects d’une phase 1 et 2 d’un essai clinique. Ce qui veut dire, qu’ils vont tester si le médicament est toxique (phase 1) mais également s’il a un impact sur les symptômes importants et variés de la MH (phase 2).
A l’instar de l’essai de la compagnie Ionis actuellement en cours, le médicament de la compagnie WAVE sera injecté dans le liquide cérébro-spinal par ponction lombaire, ce qui permet aux chercheurs de collecter un peu de ce liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière et dans lequel nous pouvons maintenant mesurer les taux de la protéine huntingtine nuisible. Nous espérons que cela permettra à la compagnie WAVE d’évaluer réellement ce qu’ils essaient de réaliser, à savoir de réduire les taux de protéine huntingtine mutante dans le cerveau.
Comment une personne peut-elle participer à l’essai ?
La compagnie WAVE a l’intention de recruter dans le monde entier 50 personnes atteintes de la MH pour chacun des deux essais. Il s’agit d’un petit nombre mais si le médicament est sans danger, ils passeront à des essais plus grands avec davantage de personnes pour voir si celui-ci agit réellement. L’étude actuelle débutera au Canada, puis des patients seront enrôlés en Europe et aux Etats-Unis. Pour y participer, il convient d’être un adulte âgé de plus de 18 ans ayant commencé à développer des symptômes. Il n’existe aucun moyen de connaître la couleur des rubans dans votre ADN simplement en vous regardant, de sorte que les personnes admissibles effectueront un test génétique et si elles possèdent l’un ou l’autre des deux SNP, elles seront incluses dans l’essai. La meilleure façon de s'impliquer est d'exprimer votre intérêt pour la recherche à votre équipe clinique.
Qu’est-ce que cela signifie pour la maladie de Huntington ?
Nous espérons tous que l’ASO de la compagnie Ionis sera le premier médicament à ralentir ou à stopper la maladie de Huntington. Cependant, il est important de se rendre compte que c’est la première fois que ces médicaments sont utilisés chez des personnes. Bien qu’ils aient beaucoup amélioré la santé des souris, les êtres humains sont une espèce très différente. Même si ces médicaments réduisent le niveau de protéines chez des adultes, ils peuvent ne pas être efficaces car les dommages causés précocement dans la vie sont irréparables. Ils pourraient également avoir des effets secondaires chez les êtres humains qui n’apparaissent pas chez les souris. Bien que les médicaments de la compagnie WAVE ne devraient pas affecter le taux de la protéine normale, ils pourraient réagir avec d’autres ARNs, entraînant une diminution de leur taux de protéines. Cependant, nous sommes très enthousiastes et optimistes s’agissant des traitements de diminution de la huntingtine, et la dernière amélioration de la compagnie WAVE semble être une avancée passionnante.