Viser le messager par silençage génique avec l'ARN simple brin
Nouveaux médicaments de silençage génique, ‘ARN simple brin’, pourraient être sûrs et plus efficaces pour traiter la
Par Dr Nayana Lahiri 1 octobre 2012 Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 24 septembre 2012
Après des bonds immenses au cours de ces dernières années, nous sommes sans cesse plus proches des essais humains portant sur la diminution de la huntingtine ou sur le ‘silençage génique’ en tant que traitement potentiel pour la maladie de Huntington. Les nouvelles techniques, meilleures et plus sûres, sont toujours les bienvenues et l’annonce d’un silençage par ‘ARN simple brin’ provoque plutôt du remue-ménage. De quoi s’agit-il ?
Les médicaments de silençage génique agissent en intimant aux cellules de ne pas fabriquer la protéine huntingtine, responsable des dommages dans la maladie de Huntington. Ils le font en interférant avec les systèmes de fabrication de protéines propres aux cellules.
Il existe deux principaux types de médicaments de silençage génique : les oligonucléotides antisens (ASOs) et l'interférence ARN (ARNi). Cet article porte sur l'interférence ARN.
Tout en se dirigeant le plus rapidement possible vers des essais cliniques, les scientifiques ont également travaillé sur le développement d'une nouvelle technique d'interférence ARN, espérons plus améliorée. Pour expliquer les différences de techniques existantes, nous devons un peu expliquer comment les gènes sont lus pour fabriquer des protéines. Restez avec nous - cela en vaut la peine !
Que sont l'ADN et l’ARN ?
L'ADN est le programme pour la fabrication des êtres humains. Il s'agit d'une longue molécule constituée d'un ensemble de pièces collées appelées bases qui se déclinent en quatre ‘saveurs’ - C A G et T. Il s'agit des lettres dans lesquelles notre code génétique est écrit.
L'ADN, en forme de double hélice, est constitué de deux brins qui s'alignent côte à côte. Chaque brin est une chaîne de bases, et les deux brins sont maintenus ensemble par des liaisons chimiques entre les bases des brins opposés. A forme une paire avec T, et C avec G.
Pour obtenir une protéine à partir de l'ADN, une ‘copie de travail’ de l'ADN doit être effectuée. La copie s'appelle l’ARN ‘messager’, ou ARNm. L’ARN est étroitement lié à l'ADN mais un peu différent.
L'ARNm est le modèle qui dit à une cellule comment mettre en place une protéine. Chaque fois qu'une cellule fabrique des protéines - y compris la protéine huntingtine - elle le fait en lisant les instructions contenues dans l’ARN messager correspondant à cette protéine.
Interférer avec l’ARN messager de la huntingtine - ou ‘viser le messager’ - empêche la mise en place de la protéine huntingtine, et constitue la base du silençage génique dans l'interférence ARN.
Ok - Retour sur le silençage génique
Jusqu'ici, les techniques de silençage génique basées sur l’ARN ont utilisé les molécules ARN double brin, appelées ARNsi. L’ARN double brin était, jusqu'à présent, nécessaire car l’ARN simple brin est détruit par les mécanismes de nettoyage propres aux cellules, avant de pouvoir réduire au silence le gène.
Une fois à l'intérieur des cellules, l’ARN double brin doit se séparer en deux brins simples afin de le laisser se lier avec la molécule ARN messager de la huntingtine. Puis, une enzyme dans les cellules mâche l'ARNm, de telle sorte que la protéine mutée n'est jamais fabriquée.
Nous savons que cette façon de faire les choses peut considérablement réduire la quantité de protéine mutée MH produites dans les cellules. Ce dont nous sommes moins sûrs, c'est si l'autre brin indésirable, qui s'est séparé du premier, a des effets secondaires néfastes sur les cellules. Il est possible que le corps puisse lancer une attaque sur le reste du brin laissé pour compte, et causer des dommages. Une autre possibilité est que l'autre brin puisse se lier avec d'autres ARN messager, et empêcher la production de protéines importantes.
Les molécules ARN double brin, ARNsi, ne se propagent pas très loin à l'intérieur du cerveau ; ce qui rend difficile le traitement des grandes zones du cerveau.
Une dernière difficulté des ARNsi double brin, c'est qu'ils doivent être conditionnés dans une manière compliquée afin de les amener vers les tissus appropriés, afin qu'ils puissent faire leur travail.
Des études faites sur des modèles animaux de la MH, souris et singes, ont montré que les ARNsi sont sans danger et efficaces, mais les scientifiques sont des personnes prudentes car nous devons être vraiment sûrs de leur innocuité avant d'administrer des traitements aux humains. La dernière chose que nous ne voudrions pas faire, c'est de faire pire que la MH.
ARNsi simple brin
Une des idées pour réduire le risque d'effets secondaires de l'interférence ARN est de produire des ARNsi simple brin. Mais comment pourrions nous surmonter le problème de stabilité - cette fâcheuse habitude qu'ont les cellules de hacher le médicament ARN simple brin.
Après un travail acharné, un groupe de chercheurs, mené par David Corey de Dallas, en collaboration avec la société pharmaceutique ISIS, a annoncé qu'ils l'avaient finalement résolu. Pour vous donner une idée de l'enthousiasme que cela a causé, l'annonce a été publiée, non pas dans un, mais dans deux articles à la suite au sein de la même édition de la revue Cell. Plutôt un scoop !
En faisant quelques modifications chimiques aux tentatives précédentes, l'équipe de Corey a produit un ARNsi simple brin, et a été capable de le conditionner dans une simple solution saline. Ils ont réussi à injecter l'ARNsi simple brin dans les espaces contenant des fluides et qui entourent le cerveau chez un modèle murin de la MH, et ont pu montrer que celui-ci se liait à l'ARNm de la huntingtine et empêchait la protéine MH d'être produite.
Victoire-victoire-victoire ?
Qui plus est, contrairement aux médicaments ARNsi double brin testés auparavant, les effets des ARNsi simple brin se propagent dans le cerveau, plutôt que d'être limités à une petite zone, près de l'injection. Chez ces souris, du moins, l'ARNsi simple brin a produit une victoire : il était stable et se propageait davantage.
Non contents de cela, les chercheurs sont allés plus loin. En modifiant légèrement la structure de leur molécule, ils peuvent également créer un ARNsi simple brin qui bloque seulement la production de la protéine mutée MH et n'empêche pas la production de la version normale de la protéine MH. Ils l'ont fait en ciblant l'ARNsi dans la partie du CAG anormalement longue du gène MH.
Avec un ARNsi simple brin, nous n'avons pas besoin de nous inquiéter de ce qu'un second brin pourrait faire et en ciblant seulement l'ARNm de la huntingtine mutée, il y a moins de préoccupations s'agissant des possibles effets de l'arrêt de la production de la protéine MH normale.
Et après ?
Ainsi, cette nouvelle méthode semble être sûre et efficace chez les modèles murins. Maintenant, nous devons nous assurer qu'elle est sûre et efficace chez d'autres modèles animaux, plus grands, avant même de l'envisager pour des essais humains. C'est ce qui se passe maintenant !
Questions en suspens
Quelques questions devront être résolues avant que l’ARN interférent simple brin puisse être testé chez les personnes.
Premièrement, il existe quelques autres gènes contenant une partie de CAG. Nous ne savons toujours pas si l'introduction d'ARNsi simple brin, ciblant ces morceaux de CAG, pourrait, par inadvertance, désactiver d'autres gènes importants.
Deuxièmement, le problème de l'administration. Comment allons-nous atteindre les zones importantes du cerveau des patients MH ? Heureusement, les chercheurs en MH, et autres maladies, travaillent déjà sur ce sujet. Un essai portant sur un médicament similaire, conçu à partir de l'ADN simple brin, est actuellement en cours dans le cadre de la SLA.
Enfin, comment allons-nous mesurer et contrôler l’efficacité du traitement ? Chez les modèles animaux, nous pouvons le faire en examinant les tissus du cerveau et mesurer à quel point la protéine huntingtine est produite. Il est beaucoup plus difficile de le faire chez les humains, mais les meilleurs scientifiques y travaillent et nous pensons que nous sommes prêts à débuter des essais chez les patients MH.
D'autres utilisations potentielles de l'ARNsi simple brin
Un dernier avant-goût d'une autre utilisation possible de l'ARNsi simple brin. Les chercheurs étudient également l'utilisation de celui-ci en combinaison avec la recherche sur les cellules souches. Fondamentalement, ils travaillent sur le prélèvement des cellules de peau chez les individus atteints de la MH, et la transformation de ces cellules de peau en neurones. Ces neurones pourraient alors être traités avec des ARNsi simple brin, afin de réduire les taux de la protéine MH néfaste avant de les transplanter à nouveau dans le cerveau.
Il se passera de nombreuses années avant que la combinaison de l'ARNsi simple brin avec des cellules souches dérivées des patients puisse être utilisée comme traitement, mais c'est une belle et bonne idée que de savoir que toutes les voies sont explorées. Pendant ce temps, nous espérons que l'ARNsi simple brin progresse assez rapidement vers des essais cliniques.