Succès ! Le médicament ASO réduit les taux de la protéine huntingtine mutante chez les patients MH
Incroyables nouvelles de Ionis et Roche ! Le médicament HTTRx réduit avec succès la protéine Htt dans le LCR
Par Dr Jeff Carroll 21 décembre 2017 Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 11 décembre 2017
Lors d’un communiqué à présenter probablement comme l’une des plus grandes percées dans le cadre de la maladie de Huntington depuis la découverte du gène MH en 1993, la société Ionis et le groupe Roche ont annoncé que le premier essai humain portant sur un médicament réduisant la huntingtine, IONIS-HTTrx, démontre que celui-ci réduit la protéine huntingtine mutante dans le système nerveux, et est sans danger et bien toléré.
Que sont ces trucs au sujet de la diminution de la huntingtine ?
La thérapie, qui nous enthousiasme le plus pour la maladie de Huntington, est appelée diminution de la huntingtine. Vous pourriez également entendre cette approche appelée silençage génique mais l’expression « diminution de la huntingtine » est plus exacte, comme nous allons l’expliquer.
Tout individu a deux copies du gène MH, un qu’il hérite de sa mère et l’autre de son père. Chez les personnes prédestinées à développer la maladie de Huntington, une de ces copies du gène MH est modifiée, ou mutée de manière très spécifique.
Juste à côté du début du gène MH se trouve une séquence répétitive qui lit, dans le code utilisé par les scientifiques pour décrire l’ADN, C-A-G. Les personnes qui ne développeront pas la maladie de Huntington possèdent environ 20 répétitions de cette séquence alors que chez les personnes prédestinées à développer la MH, il y a davantage de répétitions, le plus souvent 40 répétitions ou plus.
Nos cellules utilisent des gènes tels des recettes pour fabriquer des protéines, de petites machines moléculaires qui effectuent des tâches utiles dans les cellules. Lorsqu’une cellule a besoin de faire davantage d’une certaine protéine, des copies des instructions sont réalisées dans un produit chimique étroitement lié à l’ADN, appelé ARN. Les scientifiques appellent cette copie de travail d’un gène l’ARN messager car il achemine l’information de chaque gène de l’ADN aux machines cellulaires de fabrication de protéines.
Cela signifie qu’il existe plus d’un endroit dans la cellule où nous pouvons trouver l’information contenue dans la mutation MH, la répétition anormalement longue située dans l’ADN des personnes est également copiée dans le messager, l’ARN. En fin de compte, les cellules utilisent cet ARN messager tel des instructions pour la fabrication d’une protéine, la protéine huntingtine.
Dans le cadre de la maladie de Huntington, la plupart des recherches suggèrent que c’est la protéine huntingtine, et non son gène ou son messager, qui provoque le disfonctionnement et la mort des cellules cérébrales chez les personnes atteintes de cette maladie. Mais ce que nous savons avec certitude, c’est que chaque personne atteinte de la MH possède une copie mutée du gène MH qui sert d’ébauche à la protéine toxique. Cela fait du gène MH mutant l’ennemi public n°1 pour ceux d’entre nous qui travaillent au développement de nouvelles thérapies.
Le progrès rapide de la science au cours des dernières décennies a donné aux scientifiques une grosse boîte à outils pour réduire sélectivement au silence des gènes spécifiques. Certaines techniques, telles que les oligonucléotides antisens, existent depuis des années. Des techniques récentes, notamment des outils d’édition du génome tels que CRISPR/Cas9, n’ont été découvertes et développées qu’au cours des dernières années.
Bien que les détails des technologies diffèrent, celles-ci présentent toutes, dans le monde MH, une application potentielle intéressante, celle de réduire la quantité de protéines huntingtine. Lors de nombreux essais sur les animaux, lorsque les chercheurs réduisent au silence le gène huntingtin anormal, en utilisant un large éventail de ces outils de silençage, les modèles animaux MH s’améliorent ou ne tombent jamais malades.
C’est une science sympa mais personne ne se soucie vraiment de soigner la maladie de Huntington chez une souris, une mouche à fruits ou un ver. Nous voulons soigner la MH chez des espèces qui nous importent le plus, les humains atteints de la maladie de Huntington.
Rappel : quelle est l’histoire ce médicament et de cet essai ?
Parmi toutes les technologies de diminution de la huntingtine qui existent, l’approche la plus développée est celle des oligonucléotides antisens ou ASOs. Il s’agit de courts fragments d’ADN, fabriqués sur mesure, chimiquement modifiés, qui peuvent pénétrer librement dans les cellules. Une fois à l’intérieur, ils localisent et aident à détruire un messager ARN spécifique, en l’espèce celui qui instruit les cellules sur la façon de fabriquer la protéine huntingtine.
La société Ionis Pharmaceuticals, située à Carlsbard en Californie, développe depuis des décennies des ASOs pour diverses maladies. Ils ont réalisé, il y a des années, que la maladie de Huntington était parfaitement adaptée à leur technologie car nous savons que si nous réduisons, chez des animaux, les taux de la protéine huntingtine dans le cerveau, nous améliorons leurs symptômes de type MH.
«Dans l'étude de phase 1/2a, des réductions de la huntingtine mutante, selon les doses, ont été observées chez des patients traités avec IONIS-HTTRx »
L’année dernière, la société Ionis a eu un succès important avec un ASO pour une autre maladie du cerveau, l’amyotrophie spinale (SMA). Ses essais ont testé si un ASO, administré dans le liquide céphalo-rachidien, pouvait être utile pour améliorer l’état des nourrissons nés avec cette horrible maladie mortelle. Même technologie de base mais ciblant un gène différent.
Les enfants participant à l’essai SMA de la société Ionis se portaient si bien que les autorités règlementaires ont demandé à Ionis de mettre prématurément un terme à l’essai afin que tous les enfants de l’étude, y compris ceux prenant le placebo, puissent recevoir le médicament. Fondamentalement, si la maladie avait suivi son cours normal, les enfants seraient devenus progressivement plus faibles et seraient décédés. Mais beaucoup d’enfants traités avec le médicament devenaient plus forts et vivaient plus longtemps.
Le médicament SMA de la société Ionis a ensuite été approuvé aux Etats-Unis, en Europe et dans de nombreux autres pays, et il est désormais administré dans le monde entier aux enfants souffrant de la SMA.
Alors, qu’en est-il pour la maladie de Huntington ?
La société Ionis travaille sur des oligonucléotides antisens (ASOs) pour la maladie de Huntington depuis le début des années 2000 ; tout d’abord dans des cellules simples, puis dans plusieurs espèces animales différentes. Les effets observés étaient prometteurs, et des tests chez des humains sont devenus une réelle possibilité. L’impatience grandissait en 2013 lorsque le géant pharmaceutique Roche a annoncé un partenariat avec la société Ionis pour développer le médicament ASO pour la MH, qu’ils appellent Ionis-HTTRx. Ce partenariat a apporté les énormes ressources et l’expérience du groupe Roche pour lutter contre le problème de la maladie de Huntington.
L’essai le plus excitant jusqu’à présent dans le cadre de la maladie de Huntington a commencé en juillet 2015, celui dans lequel un ASO, conçu pour réduire la production de la protéine huntingtine, était effectivement administré aux personnes atteintes de la maladie de Huntington. L’essai a été conçu pour tester l’innocuité du médicament et savoir si celui-ci pouvait faire ou non ce pour quoi il avait été conçu, à savoir réduire la production de la protéine huntingtine. Nous étions vraiment très enthousiastes à propos du début de cet essai, et avions publié un article à ce sujet (article du 23 octobre 2015).
Dans tout effort de développement de médicaments, le premier objectif est de s’assurer que le médicament n’a pas d’effets secondaires toxiques. L’histoire nous a fournit de nombreux exemples de médicaments qui semblaient être une bonne idée mais qui avaient des effets secondaires inattendus lorsqu’ils étaient administrés chez des personnes.
C’est dans cette optique que la société Ionis et le groupe Roche ont conçu une étude dont l’objectif principal était de déterminer si le médicament était sans danger lorsqu’il était administré chez des personnes, ce qui doit être la première étape dans le processus de développement de médicaments.
Cette première étude a inclus 46 personnes présentant des symptômes précoces de la MH en Allemagne, au Canada et au Royaume-Uni. L’essai a débuté en juillet 2015 et devait s’achever en novembre 2017. Comme vous le verrez, l’essai s’est déroulé comme prévu, ce qui n’arrive pas toujours !
Avant de parler des résultats, il y a quelques détails importants à garder à l’esprit. Tout d’abord, les médicaments ASO ne pénètrent pas dans le cerveau en cas d’ingestion sous forme de pilule. En conséquence pour les maladies du cerveau, les médicaments ASO sont administrés par injection à la base de la colonne vertébrale en utilisant une technique appelée ponction lombaire. Celle-ci peut sembler effrayant mais il s’agit en fait d’une procédure courante, réalisée des milliers de fois chaque jour dans les hôpitaux du monde entier.
Deuxièmement, cette étude comprenait un bras placebo, ce qui signifie que certains participants ont effectué toutes les étapes mais ont reçu des injections sans médicament. Il s’agit d’un élément essentiel des essais ; si nous n’avons pas un groupe de personnes sans médicament, comment pourrions-nous être sûrs que les changements observés sont dus au médicament et non à un autre facteur ?
Enfin, la dose. Chaque fois que des chercheurs administrent pour la première fois un médicament chez des personnes, ils commencent avec une très faible dose. Dans un essai comme celui de la société Ionis, formellement appelé une étude à dose multiple ascendante, les premiers participants ont reçu une faible dose et ensuite ceux ayant rejoint plus tard l’essai ont reçu des doses médicamenteuses plus élevées. Cela permet aux médecins de surveiller attentivement les personnes à chaque nouvelle dose, de sorte que les effets négatifs du traitement sont détectés tôt.
Maintenant, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Le lundi 11 décembre, la société Ionis a publié un communiqué de presse décrivant les principaux résultats de la première étude portant sur le médicament IONIS-HTTRx. Le titre était : « Ionis Pharmaceuticals autorise la licence pour IONIS-HTTrx suite à la REUSSITE de l’étude Phase I/2a chez des patients atteints de la maladie de Huntington ». Elle a également déclaré « Diminutions de la protéine huntingtine mutante observées, selon la dose ».
Si vous vous demandez comment vous devriez réagir à ce sujet – les deux éditeurs d’HDBuzz se sont livrés à une petite séance de danse guillerette lorsqu’ils ont vu le communiqué de presse. Il s’agit vraiment d’une grande nouvelle !
Nous expliquerons bientôt pourquoi cela est si excitant, mais il y a quelques choses à garder à l’esprit.
Tout d’abord, l’innocuité. La société Ionis et le groupe Roche ont surveillé très attentivement les sujets de l’essai afin de rechercher tout signe que le médicament n’est pas sûr. Aux termes du communiqué de presse, la société Ionis a rapporté : « le profil d’innocuité et de tolérance de IONIS-HTTRx observé dans l’étude de Phase I/2a ** justifie la poursuite du développement ** » ; ce qui signifie qu’aucun problème significatif de sécurité n’a été observé chez les participants, de sorte que le premier obstacle pour ce médicament dans le cadre de la MH a été éliminé et nous pouvons passer aux étapes suivantes.
Rappelez-vous, cet essai n’a pas été conçu pour apporter la preuve que IONIS-HTTRx est utile pour les symptômes ou l’évolution. L’objectif principal de cette étude était d’établir que le médicament ne présente pas de danger. Lorsque vous administrez pour la première fois un nouveau médicament dans l’organisme de quelqu’un, vous voulez exposer le moins de personne possible, au cas où il y aurait des problèmes de sécurité inattendus.
Rappelez-vous également que cette étude était courte – chaque patient a reçu seulement quatre mois d’injections. Il s’agit d’une durée trop courte pour rechercher des changements dans le taux de progression de la MH. Même si IONIS-HTTRx s’avère être un médicament miracle, l’impact sur les symptômes après seulement quatre mois de traitement pourrait être minime, et nous ne nous attendrions pas à les détecter dans un si petit essai.
Donc – et il s’agit d’un message vraiment important - nous ne saurons pas encore si le médicament a amélioré les symptômes de la MH.
Cependant, l’essai a pu aller d’une manière importante au-delà de la sécurité. Chaque fois que les volontaires de l’essai ont reçu une dose du médicament, un échantillon de leur liquide céphalo-rachidien (liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière) a été prélevé.
De précédentes études ont démontré que les taux de la protéine huntingtine pouvaient être mesurés dans le liquide céphalo-rachidien. Il semble que, à mesure que les cellules deviennent malades au cours de la MH, une partie de leur contenu est déversée dans ce liquide qui circule autour du cerveau.
«La clé maintenant est de passer rapidement à un plus grand essai pour tester si IONIS-HTTRx ralentit la progression de la maladie »
Dans la mesure où l’objectif des thérapies de diminution de la huntingtine, telles que IONIS-HTTRx, est de réduire la quantité de la protéine huntingtine dans les cellules cérébrales vulnérables, cela nous donne en théorie un excellent moyen de savoir si le médicament fait ce qu’il est censé faire. Nous mesurons simplement les taux de la protéine huntingtine dans le liquide céphalo-rachidien avant et après le traitement médicamenteux.
Nous pensons que la nouvelle la plus excitante du communiqué de presse de la société Ionis est la suivante : « Dans l’étude de Phase I/2a, des réductions de la huntingtine mutante selon la dose ont été observées chez des patients traités avec IONIS-HTTRx ». Frank Bennet, chef scientifique de la société Ionis, est allé jusqu’à affirmer que les réductions observées « ont largement dépassé nos attentes ».
Cela signifie que les patients traités avec IONIS-HTTRx ont des réductions de la protéine huntingtine dans leur liquide céphalo-rachidien. Il semblerait que, sur la base de ce résultat, le médicament fait ce qu’il est censé faire, et que la diminution de la huntingtine a été atteinte !
Selon la dose signifie que des doses plus élevées du médicament conduisent à des taux plus faibles de la huntingtine dans leur liquide céphalo-rachidien. Il s’agit vraiment d’une bonne preuve selon laquelle l’effet observé est vraiment dû au médicament, et non à un autre aspect du traitement.
Et maintenant ?
C’est énorme, et tout le monde au sein de la communauté MH devrait être reconnaissant envers les courageux volontaires qui se sont inscrits à un essai exigeant, ainsi qu’envers leurs familles et les soignants. Nous devrions également être reconnaissants envers le groupe Roche, et plus particulièrement envers la société Ionis qui a cru en cette approche et a travaillé pendant de nombreuses années pour en arriver là.
Mais nous n’avons pas encore fini ! Et maintenant ?
Tout d’abord, nous devons mener un essai avec un nombre suffisant de personnes et avec un traitement suffisamment long pour influer sur l’évolution des symptômes de la MH. Le succès de ce premier essai ouvre la voie à une étude plus vaste chez des centaines de patients MH, dès que possible.
Les chercheurs impliqués dans cette étude savent à quel point le besoin du prochain essai est urgent. Aux termes du communiqué de presse, le principal investigateur de l’étude, le Professeur Sarah Tabrizi, a déclaré : « Maintenant, la clé est de passer rapidement à un essai plus vaste pour tester si IONIS-HTTRx ralentit la progression de la maladie ». L’engagement ferme du groupe Roche, annoncé aujourd’hui, est un excellent signe de ce qu’un tel essai peut être prévu bientôt. Dès que les détails sont publiés, vous les lirez sur HDBuzz.
C’est une belle journée pour la communauté MH, et cela nous programme un travail encore plus excitant en 2018. Pour la première fois dans l’histoire, des patients MH sont traités avec des médicaments connus pour réduire la quantité de la protéine huntingtine dans leur cerveau. Jusqu’à ce que nous procédions au prochain essai, nous ne saurons pas si ceux-ci réduisent l’impact de la maladie de Huntington. Et même si nous savons que le médicament est sans danger à court terme, nous devrons également surveiller attentivement tout effet indésirable à long terme. Mais nous sommes confrontés à ce problème avec une excitation et un espoir renouvelés. C'est le meilleur cadeau de Noël que nous aurions pu espérer.