Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Edité par Professor Ed Wild Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

C’est l’époque des développements importants dans le domaine des médicaments de diminution de la huntingtine visant à réduire la production de la protéine huntingtine, responsable de la maladie de Huntington. La semaine dernière, lors du meeting du Réseau Européen de lutte contre la maladie de Huntington, le groupe Roche a annoncé des détails concrets sur la toute première étude pivot portant sur le médicament de diminution de la huntingtine – RG6042 – que vous connaissez mieux sous le nom de Ionis-HTTRx. Que savons-nous donc au sujet de cet essai ?

Qu’est-ce que la diminution de la huntingtine ?

Tout d’abord, un bref récapitulatif au sujet de la diminution de la huntingtine en tant que traitement pour la maladie de Huntington. Rappelez-vous, dans le cadre de la MH, les dommages au cerveau sont causés par une protéine toxique, appelée huntingtine mutante. Le gène MH – parfois appelé gène huntingtin - est une recette pour la production de la protéine huntingtine.

Scott Schobel a annoncé la mise en place de l'étude GENERATION-HD1 lors de la réunion du réseau européen de lutte contre la maladie de Huntington à Vienne
Scott Schobel a annoncé la mise en place de l'étude GENERATION-HD1 lors de la réunion du réseau européen de lutte contre la maladie de Huntington à Vienne

Lorsqu’une cellule a besoin de davantage d’une protéine spécifique, par exemple la protéine huntingtine, elle produit une sorte de copie du gène – une molécule messagère qui est écrite à l’aide d’un produit chimique légèrement différent, appelé ARN. Les scientifiques appellent cet ARN ARN messager ou ARNm dans la mesure où il est porteur d’un message. Toute rupture dans cette chaîne - du gène au message, du message à la protéine – et la cellule ne pourrait produire aucune de ces protéines spécifiques.

C’est ainsi que les stratégies de diminution de la huntingtine pour traiter la MH fonctionnent, en ciblant l’ARN messager huntingtin et en intimant aux cellules de l’ignorer ou de le supprimer. Moins de messages, moins de protéines.

La plupart des chercheurs MH trouvent cette stratégie très intéressante car le bon sens et une tonne de recherches sur les animaux suggèrent que si vous réduisez ou éliminez la protéine huntingtine mutante, vous réduisez la gravité des symptômes MH.

Les ASOs dans le cadre de la maladie de Huntington

Un des premiers leaders dans le domaine de la diminution de la huntingtine est une compagnie biotechnologique appelée Ionis Pharmaceuticals, de Carlsbad en Californie. Au fil des décennies, ils ont développé une approche appelée oligonucléotides antisens, lesquels sont des molécules fortement modifiées, semblables aux molécules d’ADN, programmées pour reconnaître un seul ARN messager spécifique circulant à l’intérieur d’une cellule.

Lorsque ces ASOs adhèrent à leur cible programmée, les cellules la détruisent, réduisant considérablement les taux d’un ARN messager spécifique. Moins de messages signifie moins de protéine, même si le code génétique du gène Huntingtin est toujours présent dans l’ADN.

En se basant sur le succès de tests sur des animaux, la compagnie Ionis a mené une première étude sur 46 patients MH volontaires, courageux, laquelle a débuté en 2015. Cette petite étude a été conçue uniquement pour savoir si son médicament de diminution de la huntingtine, appelé HTTRx, était sans danger, et si le traitement avec HTTRx réduisait la production de la protéine huntingtine au sein du système nerveux. Nous ne pouvons pas prélever un échantillon du tissu cérébral mais nous pouvons mesurer les taux de la protéine huntingtine mutante dans le liquide céphalo-rachidien dans lequel baigne le cerveau.

Comme expliqué sur HDBuzz en décembre 2017, la compagnie Ionis et son partenaire le groupe Roche ont annoncé que l’essai avait été un succès. Fait remarquable, aucun des 46 patients n’a abandonné l’étude, malgré les injections mensuelles dans le liquide céphalo-rachidien requises. Et encore plus remarquable, le traitement avec HTTRx a entraîné une réduction spectaculaire des taux de la protéine huntingtine dans le liquide céphalo-rachidien.

Le groupe Roche est une énorme compagnie pharmaceutique basée en Suisse et sa branche américaine s’appelle Genentech. Outre les bonnes nouvelles du premier essai, le groupe Roche a confirmé qu’il planifierait et mènerait le prochain essai portant sur HTTRx, qu’il a rebaptisé RG6042 dans le cadre du transfert. Habituez-vous à des articles au sujet de RG6042, mais rappelez-vous que c’est le même médicament que HTTRx, que l’on a toujours utilisé.

Un essai pour tester l’efficacité

Bien entendu, les chercheurs et la communauté MH s’intéressent au ralentissement de la progression de la maladie et sans modifier les taux de certaines mesures dans le liquide céphalo-rachidien. Mais, l’étude d’innocuité réussie de la compagnie Ionis n’a été réalisée que sur trois mois d’administration chez 46 patients – elle était trop courte et trop petite pour déterminer si le traitement avait un effet sur les symptômes MH.

« L’étude GENERATION-HD1 sera lancée à la fin de l’année 2018, avec les premiers patients recrutés au début de l’année 2019. Elle se déroulera sur environ 80 à 90 sites dans une quinzaine de pays ».

«L’étude GENERATION-HD1 sera lancée à la fin de l’année 2018, avec les premiers patients recrutés au début de l’année 2019. Elle se déroulera sur environ 80 à 90 sites dans une quinzaine de pays »

Maintenant que nous savons que le médicament de Ionis/Roche réduit la production de la protéine et semble être sans danger, nous avons besoin d’une vaste étude sur un groupe de personnes plus important – appelée essai de Phase 3 - pour déterminer si le médicament RG6042 ralentit la progression de la maladie de Huntington.

Depuis le mois de décembre, on attendait avec impatience l’annonce de cet essai. Et le 16 septembre, nous l’avons obtenue !

GENERATION-HD1

En 2018, lors du meeting du réseau européen de lutte contre la maladie de Huntington (EHDN), Scott Schobel du groupe Roche a donné le premier aperçu officiel de l’étude à venir. L’essai s’appellera GENERATION-HD1.

(Le nom GENERATION-HD1 vient de Global EvaluatioN of Efficacy and safety of Roche/genentech AnTIsens OligoNucléotide for Huntington’s Disease – évaluation globale de l’efficacité et de l’innocuité de l’oligonucléotide antisens de Roche/Genentech pour la MH. Probablement le mieux, juste pour se souvenir de l’acronyme).

La taille est importante

L’étude GENERATION-HD1 sera lancée à la fin de l’année 2018, avec les premiers patients recrutés au début de l’année 2019. Elle se déroulera sur environ 80 à 90 sites dans une quinzaine de pays.

Aucune annonce concernant des sites spécifiques n’a été faite, c’est-à-dire qu’aucune information publique n’a encore été communiquée pour savoir si un centre clinique déterminé ou même un pays hébergera l’étude. Nous nous attendons à ce que ces informations arrivent bientôt.

Il s’agira d’une très grande étude, recrutant 660 patients présentant une MH déclarée. ‘La MH déclarée’ signifie simplement qu’ils recruteront des personnes officiellement diagnostiquées avec des signes cliniques et des symptômes MH, et non des personnes ayant la mutation mais sans symptômes définis (MH prémanifeste ou prodomique).

Eligibilité

Il existe deux principaux critères cliniques ou critères d’inclusion. Premièrement, les patients ont besoin d’être « ambulatoires » et « verbaux », c’est-à-dire pouvoir marcher et parler. Deuxièmement, ils doivent obtenir un score de 70% ou plus à un test d’indépendance appelé évaluation fonctionnelle ; ce qui signifie un niveau de fonctionnement quotidien leur permettant de se laver et d’effectuer des tâches ménagères « limitées », comme cuisiner et utiliser un couteau.

Il s’agit de critères d’inclusion plus larges que ceux du précédent essai, lesquels étaient très strictement limités à une MH précoce avec un niveau de fonctionnement quotidien quasi-normal.

L'essai comportera environ 25 injections dans le liquide céphalo-rachidien, ce qui sera donc un travail difficile pour les volontaires, dont un tiers recevront des injections de placebo.
L'essai comportera environ 25 injections dans le liquide céphalo-rachidien, ce qui sera donc un travail difficile pour les volontaires, dont un tiers recevront des injections de placebo.

Il y a également une condition spécifique, un score CAP qui doit être supérieur à une certaine valeur.

Le score CAP est un moyen mathématique simple de combiner l’âge d’une personne et son nombre de répétitions CAG – la longueur de la partie anormale de l’ADN, responsable de la MH. Ce score est utilisé dans la mesure où des personnes ayant une mutation MH plus importante (répétitions CAG plus longues) ont tendance à présenter des symptômes à un âge plus jeune. Par conséquent, si nous voulons suivre l’évolution des symptômes MH au fil du temps chez une personne, nous devons tenir compte à la fois de son âge et de sa taille de CAG. Définir une exigence minimale de score CAP signifie que l’essai peut être axé sur les personnes les plus susceptibles de tirer profit du médicament ; ce qui rend cet essai aussi petit et rapide que possible.

De nombreuses ponctions lombaires

L’essai comprendra un groupe de traitement fictif ou placebo, d’environ un tiers des participants à l’essai. Ce groupe est absolument nécessaire pour faire face à l’effet placebo ; le fait de participer à un essai permet aux personnes de se sentir mieux, et même de mieux fonctionner, même si le médicament n’agit pas.

Les deux autres tiers des participants seront répartis en deux groupes, tous deux recevant le médicament actif. La moitié du groupe traité recevra le médicament chaque mois, et l’autre moitié tous les deux mois. C’est très intéressant car cela pourrait permettre de traiter moins fréquemment si la deuxième option s’avère tout aussi efficace que le dosage mensuel.

Cependant, tous les participants de chaque groupe devront recevoir des injections mensuelles dans le liquide céphalo-rachidien pendant deux ans. Le groupe placebo recevra une injection placebo chaque mois. Le groupe bimensuel recevra en alternance des injections médicamenteuses et des injections placebo. Ce qui signifie que les personnes ne connaîtront pas le groupe auquel elles ont été affectées.

En résumé : lors de cet essai, tous les participants devront être en mesure de subir de nombreuses ponctions lombaires et de recevoir des injections dans la moelle épinière, jusqu’à 25 sur deux ans.

Mesures des résultats

Aux Etats-Unis, le succès ou l’échec de l’essai sera déterminé par l’échelle de la capacité fonctionnelle totale, ou CFT en abrégé. Il s’agit d’une échelle d’évaluation très simple basée sur la capacité d’une personne à mener des tâches basiques à la maison, à travailler et à prendre soin d’elle-même.

En Europe, l’essai utilisera une mesure légèrement plus sophistiquée, appelée échelle composite unifiée d’évaluation de la maladie de Huntington ou cUHDRS. Ce score prend en compte un éventail plus large de symptômes MH, combinant l’échelle de la capacité fonctionnelle totale, un score moteur et quelques tests cognitifs.

« Il s’agira d’une très grande étude, recrutant 660 patients présentant une MH déclarée ».

C’est un peu inhabituel, mais pas inédit, d’avoir un essai avec différents critères d’évaluation dans différents pays. Mais ces scores évaluent tous le même processus sous-jacent, à savoir que la MH empire avec le temps, et les différentes agences de réglementation semblent avoir des opinions différentes sur la meilleure façon d’évaluer cela. En fin de compte, on s’attend à ce que les deux scores évoluent dans le même sens si le médicament agit.

«Il s’agira d’une très grande étude, recrutant 660 patients présentant une MH déclarée »

Tous les patients ne sont pas recrutés le premier jour de l’essai, de sorte qu’un essai dans lequel chaque participant est impliqué pendant 25 mois prendra deux fois plus de temps, et peut-être encore plus.

Mais, attendez, il y a plus

Le groupe Roche a également annoncé une autre étude, appelée étude de l’histoire naturelle, visant à fournir des informations cruciales sur l’évolution de la MH. Jusqu’à 100 patients seront recrutés, correspondant aux participants de l’étude d’extension en ouvert portant sur RG6042 déjà en cours. Les participants de l’étude en ouvert sont ceux du premier essai clinique, lesquels reçoivent tous régulièrement le médicament, de sorte que l’étude de l’histoire naturelle sera donc utile pour comprendre les nouvelles données issues de l’étude en ouvert. Si tout se passe comme prévu, les participants de l’étude de l’histoire naturelle se verront offrir un traitement en ouvert après 15 mois de participations comprenant des ponctions lombaires régulières.

Et encore plus !

La réunion d’EHDN comprenait également des mises à jour concernant d’autres programmes intéressants de diminution de la huntingtine, en ce compris ceux de Wave Life Sciences, PTC Therapeutics et Uniqure. Nous vous tiendrons prochainement informés des mises à jour concernant ces éléments issus d’EHDN.

Maintenant, quoi ?

Après la première étude ayant démontré l’innocuité à court terme et le succès de la diminution de production de la huntingtine, nous disposons maintenant de détails solides sur une étude ‘pivot’ pour démontrer si le médicament RG6042 agit ou non, et un calendrier très précis pour le faire.

Il est important de garder à l’esprit que les personnes qui participeront à l’étude GENERATION-HD1 auront une longue et stimulante route devant elles, et il leur faudra travailler durement, physiquement et mentalement.

Inévitablement, il y aura également beaucoup de personnes qui ne pourront participer à aucune des études pour de nombreuses raisons. Bien que cela puisse être extrêmement décevant pour ces personnes, le médicament sera testé par des volontaires à travers le monde, et il est important de se rappeler que le but de l’essai est de tester un médicament pour tout le monde et pour les générations futures – et non de donner le médicament à une personne en particulier.

Ceci dit, il s’agit d’une énorme nouvelle. Après plusieurs années de travail par des centaines de personnes, nous avons finalement un calendrier pour comprendre si le traitement avec ce médicament de diminution de la huntingtine, RG6042, pourrait être bénéfique sur les symptômes MH.

Nous sommes très enthousiastes au sujet de cette annonce, et plus généralement de l’état du domaine de la diminution de production de la huntingtine. Nous pensons qu’il est juste que les membres de la communauté MH ressentent la même chose. Restez à l’écoute d’HDBuzz pour des mises à jour sur cet essai et sur le développement d’autres essais.

Le laboratoire du Dr Jeff Carroll collabore avec Ionis Pharmaceuticals et Wave Life Sciences sur le travail des modèles animaux. Il n'a aucun intérêt financier dans les essais humains de l'une ou l'autre société. Le Dr Ed Wild est un enquêteur sur l'étude de Roche décrite et était un enquêteur sur le précédent essai d'Ionis. Aucune des compagnies, dont le travail est décrit, n’a contribué à la décision d’écrire cet article ou de la langue utilisée. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...