Pleins feux sur la huntingtine : un outil pour mesurer en temps réel la diminution de la huntingtine
Un nouvel outil d’imagerie signifie que les scientifiques peuvent désormais mesurer directement les taux de la protéine huntingtine toxique chez des modèles animaux MH, ce qui permet de voir l’efficacité des thérapies de diminution de la huntingtine
Par Dr Rachel Harding 23 avril 2022 Edité par Dr Leora Fox Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 17 février 2022
Un récent ajout dans la boîte à outils de la recherche MH nous permet de “voir” dans quelle mesure les médicaments diminuant la huntingtine agissent dans le cerveau des modèles animaux MH. Une collaboration internationale de scientifiques de Belgique, d’Allemagne, des Etats-Unis et du Royaume-Uni a testé leur outil récemment développé, appelé un ligand d’imagerie TEP (Tomographie par Emission de Positrons), chez des modèles murins MH. Lorsque ces souris ont été traitées avec une thérapie de diminution de la huntingtine, les chercheurs ont pu suivre l’efficacité du traitement.
Que sont les ligands d’imagerie TEP et pourquoi en a-t-on besoin dans la boîte outils de la recherche MH ?
Les ligands d’imagerie TEP, ou traceurs TEP, sont des outils chimiques permettant aux scientifiques et aux cliniciens de “voir” l’intérieur des différentes parties de votre corps. Dès lors qu’une personne est traitée avec un ligand TEP, généralement par absorption d’un liquide ou par perfusion, des images sont prises dans un scanner TEP, et une région ou caractéristique spécifique du corps s’illuminera. Cette méthode est souvent utilisée dans le cadre du cancer, des maladies cardiaques et des troubles cérébraux à intervalles réguliers permettant aux cliniciens de poser leur diagnostic, de suivre la progression de la maladie ou de comprendre dans quelle mesure un traitement pourrait agir.
Les personnes atteintes de la maladie de Huntington ont une forme expansée du gène huntingtin, lequel produit une forme toxique de la protéine huntingtine. Cette forme toxique de la protéine ne peut pas s’assembler correctement et forme des amas qui s’accumule dans le temps. De nombreuses compagnies et organisations différentes recherchent des médicaments diminuant la huntingtine, visant à réduire les amas ou la quantité de protéine huntingtine toxique produite. Ces médicaments sont à l’étude en laboratoire et en clinique et se présentent sous différentes formes, notamment les oligonucléotides anti-sens, la thérapie génique et les approches de modulation d’épissage, que nous avons tous examinés ici. Dans cette investigation récente, dont nous avons également parlée précédemment, le ligand d’imagerie TEP se lie aux amas de huntingtine toxique et peut être utilisé pour les visualiser, ce qui pourrait être utile pour suivre l’accumulation de huntingtine dans le cerveau d’une personne au fil du temps, ainsi que la façon dont les taux de huntingtine changent en réponse aux médicaments de diminution de la huntingtine.
L’idée d’utiliser un ligand d’imagerie TEP pour suivre les thérapies MH est attrayante pour un certain nombre de raisons. Premièrement, la procédure n’est pas invasive et pourrait donc offrir un moyen moins contraignant de suivre l’évolution des taux de huntingtine par rapport aux méthodes actuelles qui impliquent l’analyse du liquide céphalo-rachidien collecté par ponction lombaire. Deuxièmement, le ligand d’imagerie TEP nous permettrait de voir exactement quelles sont les régions du cerveau qui présentent des niveaux de diminution de la huntingtine alors que l’analyse du liquide céphalo-rachidien n’est qu’une approximation de ce qui se passe dans le cerveau dans son ensemble. Troisièmement, les ligands d’imagerie TEP donneraient une lecture spécifique de la forme mutante de la protéine huntingtine alors que la plupart des méthodes actuelles mesurent les niveaux totaux de la huntingtine, les formes normales et celles toxiques de la protéine.
Les ligands d’imagerie TEP peuvent nous aider à étudier la progression des symptômes de type MH des modèles animaux
Les auteurs de cet article récent ont d’abord évalué la capacité du ligand d’imagerie TEP à se lier aux amas de huntingtine toxique dans des échantillons de cerveaux disséqués provenant de différents modèles murins MH. Ils ont constaté que le ligand d’imagerie TEP s’allumait de plus en plus dans différentes régions cérébrales à mesure que les souris vieillissaient, alors que le cerveau des souris non MH demeurait sombre, ce qui correspondait à l’apparition d’amas de huntingtine que l’on pouvait voir en utilisant un « colorant » pour les observer au microscope.
Ils ont ensuite constaté que le ligand d’imagerie TEP se liait exactement aux mêmes amas dans des échantillons de cerveaux provenant de modèles murins MH et également dans un échantillon de cerveau post-mortem provenant d’un patient atteint de la MH. C’est une bonne nouvelle ; cela signifie que le ligand d’imagerie TEP se lie à la cible prévue, à savoir les amas de huntingtine toxique.
Les chercheurs ont ensuite examiné comment le ligand d’imagerie TEP était capable de suivre les signes de la MH chez des modèles murins vivants tout au long de leur vie. Des scans TEP ont été réalisés à quatre moments et chez des souris normales, aucun changement n’a été observé mais pour des modèles murins MH, leur cerveau s’est illuminé au fil du temps, indiquant l’accumulation d’amas toxiques de protéine huntingtine.
Suivre en temps réel les effets des traitements diminuant la huntingtine dans le cerveau
Afin de voir si le nouveau ligand d’imagerie TEP pourrait être utile pour mesurer l’efficacité des thérapies MH, différents modèles murins MH ont été traités avec un médicament diminuant la huntingtine. Le médicament utilisé dans cette étude est une thérapie génique à injection unique au cours de laquelle un virus est injecté dans le cerveau. HDBuzz avait publié au sujet de ce type de médicament diminuant la huntingtine, appelé ZFP, en tant que traitement éventuel de la MH et bien qu’il soit prometteur chez des modèles de laboratoire, il n’a pas encore été testé chez l’homme lors d’un essai clinique.
Pour surveiller les effets du médicament ZFP au fil du temps, les souris MH ont reçu le vrai traitement ZFP dans un côté de leur cerveau et un traitement factice, ou traitement « témoin », dans l’autre côté. Une série de scans TEP au fil du temps ont montré qu’autour de la région du cerveau, où le vrai médicament ZFP a été injecté, il y avait moins d’amas de huntingtine toxique accumulés par rapport au côté traité de manière factice. Administrer le médicament ZFP à un plus jeune âge était plus efficace que de l’administrer plus tard dans la vie. Cette découverte est importante car elle suggère que les traitements diminuant la huntingtine agissent peut-être mieux aux tous premiers stades de la maladie.
En plus d’examiner les amas huntingtine avec le nouveau ligand d’imagerie TEP, l’équipe a également examiné des marqueurs pour des types spécifiques de cellules cérébrales, appelées les neurones épineux moyens. Chez les personnes atteintes de la MH, ce type de cellule cérébrale est endommagé à mesure que la maladie progresse. Les souris traitées avec le médicament ZFP diminuant la huntingtine avaient des neurones épineux moyens en meilleure santé que ceux des souris témoins, ce qui pourrait indiquer que la diminution des taux de la protéine huntingtine toxique pourrait protéger les cellules nerveuses.
«Les ligands d’imagerie TEP confirment que les traitements diminuant la huntingtine fonctionnent mieux lorsqu'ils sont administrés au début de l'évolution de la maladie »
Fait important, les scientifiques ont reproduit leur découverte sur un autre modèle murin MH avec une méthode de diminution de la huntingtine complémentaire. Ils ont également mené de nombreuses expériences de contrôle importantes afin de prouver que leurs outils expérimentaux (animaux MH, traitements diminuant la huntingtine et les ligands d’imagerie TEP) fonctionnent correctement. La principale conclusion de toutes ces expériences est que nouveau ligand d’imagerie TEP est utile pour mesurer les amas de huntingtine toxique chez plusieurs modèles traités avec différents médicaments au fil du temps. Par ailleurs, les ligands d’imagerie TEP confirment que les traitements diminuant la huntingtine agissent mieux lorsqu’ils sont administrés au début de l’évolution de la maladie.
Quelle est la prochaine étape pour les ligands d’imagerie TEP ?
Bien que ce soit une bonne nouvelle que cet outil puisse être utilisé pour suivre les symptômes et puisse également nous permettre de « voir » les effets des traitements diminuant la huntingtine chez des modèles murins MH, il reste à voir si ces outils sont aussi utiles chez les personnes atteintes de la MH. Une étude est déjà en cours (iMagemHTT) afin de tester l’innocuité du ligand d’imagerie TEP chez l’homme. S’il s’avère sans danger, des études ultérieures devront montrer que cet outil peut être utilisé pour suivre la progression des symptômes MH chez l’homme. Surtout, les chercheurs sont très désireux de savoir si le ligand d’imagerie TEP peut être utilisé pour surveiller la façon dont les médicaments diminuant la huntingtine pourraient ralentir ou interrompre l’accumulation des amas toxiques chez l’homme.
Les auteurs de cet article mettent également en évidence un certain nombre d’autres défis actuels liés à l’utilisation du ligand d’imagerie TEP. Plus important encore, on ne sait également pas encore comment comparer les différentes méthodes de mesures des taux de huntingtine, celle avec le ligand d’imagerie TEP et celle actuellement utilisée, l’analyse du liquide céphalo-rachidien – une analyse directe de ces deux approches sera essentielle pour que les scientifiques comprennent ce que toutes ces différentes lectures pourraient nous dire.
Nous nous attendons à ce qu'il y ait plus de discussions sur le ligand d’imagerie TEP lors de la prochaine réunion de la Fondation CHDI, alors surveillez cet espace pour plus de mises à jour.