Conférence thérapeutique sur la maladie de Huntington - Deuxième jour
Par Dr Leora Fox, Dr Sarah Hernandez et Dr Rachel Harding 15 avril 2024 Edité par Dr Rachel Harding, Dr Sarah Hernandez et Dr Leora Fox Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 6 mars 2024
HDBuzz est de retour pour le deuxième jour de la conférence CHDI, mercredi 28 février à Palm Springs en Californie. Cet article résume nos mises à jour de la conférence dans un langage convivial.
Il s'agit d'une maladie du cerveau
La session de ce matin s’intitule « Il s’agit d’une maladie du cerveau » et comportera des interventions concernant les cerveauxxxxx ! Les scientifiques MH sont un peu comme des zombies – ils adorent les cerveaux ! Les présidents de sessions ont posé des questions importantes au public, telles que : pourquoi la maladie de Huntington affecte-t-elle le cerveau ? Pourquoi affecte-t-elle certaines cellules cérébrales ? Et pourquoi la maladie de Huntington affecte-t-elle les personnes à ce moment de leur vie ? Les discussions de cette séance ont tenté de répondre à ces questions sous différents angles.
Christopher Walsh : « signatures » ADN des cellules cérébrales dans le vieillissement et la maladie
Le premier intervenant de la journée était le Dr. Christopher Walsh de l’hôpital des enfants de Boston et du centre hospitalier universitaire de la Harvard Medical School, lequel nous a parlé de l’expansion somatique dans le cerveau. Nous avons mentionné que cette expansion somatique était un sujet brûlant ces derniers temps dans le domaine de la maladie de Huntington, et de nombreuses interventions lors de la conférence CHDI l’ont prouvé. L’expansion somatique est l’augmentation du nombre de triplets CAG dans certains types de cellules au cours de la vie d’une personne. Il semble qu’il existe un lien entre l’ampleur de l’expansion somatique et la progression de la maladie. De nombreux scientifiques étudient cette question pour comprendre comment et pourquoi cela survient et également comment pourrions-nous le traiter.
L’équipe de Chris étudie les cerveaux humains, donnés généreusement à la science par des personnes. Ils examinent les cellules individuelles dans ces cerveaux, puis essaient d’identifier des modifications d’une seule lettre dans le code ADN liées à l’instabilité somatique.
Au cours de leur vie, les cellules accumulent des modifications dans leur code ADN, formant des « signatures » que les scientifiques peuvent utiliser afin de classer ces cellules. Différentes maladies et différents types de cellules possèdent des « signatures » ADN différentes que les chercheurs peuvent suivre et catégoriser. Dans les cellules nerveuses, ces modifications dans les signatures ADN se produisent avec l’âge. Chris dit que c’est un peu comme une « horloge » moléculaire qui donne un aperçu du degré de vieillissement d’une personne.
Il s’avère que la majorité de ces changements de signature ADN se produisent dans les gènes les plus importants pour les cellules nerveuses. Il semble également que ces changements soient assez spécifiques aux neurones par rapport à d’autres types de cellules cérébrales. Ce qui est plutôt bien s’agissant de ces signatures, c’est qu’elles donnent aux scientifiques des indices sur la date de naissance des cellules cérébrales et sur les cellules souches communes qui ont donné naissance à des cellules nerveuses avec des signatures ADN différentes. Cela nous aide à comprendre comment le cerveau se forme et comment il évolue au cours de la vie d’une personne.
Les membres de l’équipe de Chris utilisent également ce système de suivi pour observer comment le cerveau évolue dans des maladies telles que la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurologiques et comment cette trajectoire diffère de celle d’un cerveau sain. Par exemple, ils ont pu utiliser leur horloge moléculaire pour découvrir que les cellules cérébrales de certaines personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer présentaient des modifications ADN équivalentes à environ 10 années supplémentaires par rapport aux personnes qui ne sont pas atteintes de cette maladie.
Bien que la majeure partie de cette intervention ait porté sur les résultats d’autres maladies, les méthodes développées par ce laboratoire pourraient être un atout pour la communauté MH, alors que les scientifiques continuent d’étudier la réparation de l’ADN pour des thérapies MH et de comprendre comment la maladie de Huntington modifie le cerveau.
Mark Bevan : l’activité électrique dans le cerveau MH
«Le conférencier David Altshuler a terminé avec un fort message d'espoir : “je sais que ce groupe trouvera un traitement pour la maladie de Huntington. Je ne sais pas quand mais je sais que vous le ferez !” »
L’intervenant suivant était Mark Bevan de l’université de Northwestern. L’équipe de Mark étudie les souris MH pour comprendre comment leur cerveau est affecté par la mutation MH, et tout particulièrement une région appelée le STN, censée supprimer les mouvements. Mark a récapitulé une partie de ce que nous savons au sujet de l’expansion de répétitions CAG : qu’elle peut jouer un rôle dans la maladie des cellules cérébrales, et que de longues répétitions déclenchent encore plus d’expansion. Les souris MH ayant de très longues répétitions CAG présentent des signes mesurables – elles bougent et se comportent différemment.
Le laboratoire de Mark évalue l’activité électrique entre les neurones afin de comprendre l’activité des différents types de cellules lorsque les souris se déplacent. Ces techniques impliquent l’implantation d’une électrode dans le cerveau. Avec cette technique, ils peuvent observer dans le détail les cellules qui se transforment chez les souris MH et les souris non-MH afin de déterminer exactement ce qui fonctionne et ce qui ne va pas. Ceci les aide à comprendre pourquoi les souris MH présentent des symptômes moteurs.
En fait, grâce à une astuce génétique spéciale, ils ont réussi à faire bouger des souris sans MH comme des souris atteintes de la MH, en stimulant des schémas similaires de déclenchement des cellules cérébrales. Le défi est de faire l’inverse : faire bouger des souris MH comme des souris qui ne modélisent pas la MH.
Autre découverte intéressante : les techniques de diminution de la huntingtine aident à rétablir une activité cérébrale normale dans certaines cellules mais pas dans d’autres. Cela aide également à atténuer les symptômes moteurs que l’équipe de Mark observe chez les souris MH.
considérées comme des cibles privilégiées pour des médicaments car elles sont affectées plus tard, ou moins, dans le cadre de la MH. Il nous rappelle que les traitements devront atteindre de vastes zones cérébrales. En tant qu’électrophysiologiste (un scientifique qui étudie l’activité cérébrale électrique), Mark demande au public de considérer que des changements dans l’activité électrique pourraient jouer un rôle dans les dommages causés aux neurones. Cela nous rappelle qu’une grande variété de techniques nous donne une image plus claire des changements intervenus dans le cerveau MH.
Osama Al-Dalahmah : comment la maladie de Huntington affecte-t-elle les astrocytes ?
Osama Al-Dalahmah est un neuropathologiste basé au centre médical Irving de l’Université de Columbia. Il a partagé ses travaux sur la manière dont différentes cellules et régions du cerveau sont affectées dans le cadre de la maladie de Huntington. Il existe environ 100 types différents de cellules dans le cerveau ! Osama s’est intéressé à un type de cellules appelé une astrocyte – une cellule en forme d’étoile qui aide à maintenir la santé et les fonctions des neurones.
Osama et son équipe étudient des cerveaux, donnés généreusement par des personnes atteintes ou non de la MH qui sont décédées. Il y a eu tellement de données issues des tissus humains cette année ! Cela met en évidence la collaboration entre les chercheurs et la communauté MH. Cela nous rapproche également de la compréhension de la MH chez la seule espèce qui nous intéresse : l’humain
Ils ont examiné quels gènes avaient été activés et désactivés dans différentes parties de chaque cerveau. Ils ont également étudié ce qui se passait au niveau des cellules individuelles. Armés de toutes ces données, ils ont pu déterminer quels gènes pourraient suivre l’augmentation du nombre de CAG et d’autres facteurs.
Les astrocytes en forme d’étoile ont des gènes activés, ce qui suggère qu’ils réagissent au stress, ce qui, on le sait, se produit lorsque les cellules cérébrales tombent malades. En fait, l’équipe d’Osama a découvert que plus il y avait des cellules cérébrales malades, plus les astrocytes tentent d’améliorer les choses. Dans la mesure où les astrocytes contribuent à maintenir les neurones en bonne santé, mieux comprendre comment la MH les affecte pourraient nous aider à comprendre comment améliorer la santé de l’ensemble du cerveau.
Osama essaie d’identifier des molécules qui pourraient améliorer la santé des astrocytes et des neurones. Ce n’en est qu’à ses débuts mais il semble que son équipe ait trouvé une molécule qui semble protéger les neurones MH en culture.
Matthew Baffuto : comprendre l’expansion CAG à travers des décorations sur l’ADN
Prochain intervenant : Matthew Baffuto de l’université de Rockefeller qui a présenté ses travaux sur la compréhension des changements apportés au nombre de CAG dans différents types de cellules cérébrales. Une partie de cette analyse porte sur un domaine de la biologie appelé épigénétique. Il existe essentiellement des décorations héritées sur le code génétique qui rendent plus faciles ou plus difficiles la transformation d’un gène en un message ou une protéine.
Les recherches de Matthew utilisent une méthode spéciale pour trier différents types de cellules cérébrales afin d’examiner chaque type de manière très détaillée et voir quels changements moléculaires se produisent avec la maladie. Comme vous l’avez peut-être maintenant compris, il y a une tonne de discussions utilisant des technologies de pointe pour vraiment entrer dans le vif du sujet de ce que fait chaque cellule dans le cadre de la MH. Il s’agit d’un excellent exemple de la manière dont la recherche MH bénéficie de développements technologiques issus d’autres domaines.
L’une des choses que Matthew voulait découvrir était quels types de cellules avaient des répétitions CAG dues à l’expansion somatique. Il a examiné les marqueurs épigénétiques décoratifs sur les gènes connus pour contrôler cela, tels que MSH3 et FAN1, qui peuvent sembler familiers. Les différentes marques décoratives permettront à Matthew de savoir si les taux de MSH3, FAN1 et d’autres gènes de réparation de l’ADN, sont susceptibles d’être plus élevés ou plus faibles dans ces types de cellules ayant l’expansion somatique. Il s’agit d’un moyen d’examiner la cause de l’allongement des répétitions CAG.
Globalement les cellules, qui tombent malades dans le cadre de la MH, ont un ensemble de marques décoratives sur l’ADN différent de celui des cellules les moins affectées. Beaucoup de ces différences de marques décoratives apparaissent sur les gènes connus pour être importants dans le cadre de la MH.
Matthew a souligné que les modifications dans ces marques décoratives ne sont pas responsables de toutes les modifications des cellules dans le cadre de la MH. Cependant, ses travaux mettent en lumière la façon dont l’épigénétique peut être utilisée pour comprendre comment la MH affecte certains facteurs de la maladie, tels que l’expansion somatique. Nous avons besoin de nombreuses approches différentes pour expliquer tout ce qui ne va pas dans une cellule.
Bob Handsaker – Quelles cellules acquièrent des CAGs et pourquoi ?
La dernière intervention de la matinée est de Bob Handsaker, basé au Harvard Medical School et à l’Institut Broad. Il étudie les très longues répétitions CAG causées par l’expansion somatique dans le cerveau. Il a commencé par récapituler les travaux de Peggy Shelbourne et de Vanessa Wheeler qui furent parmi les premiers scientifiques à détailler ces expansions massives qui peuvent survenir dans certaines cellules cérébrales – jusqu’à 1 000 CAG dans certains cas.
Ce que de nombreux chercheurs essaient de déterminer, c’est si l’expansion somatique est le principal moteur de la progression de la MH ou si elle est impliquée d’une autre manière. L’équipe de Bob utilise un type sophistiqué de séquençage de l’ADN, ce qui signifie qu’elle peut évaluer des nombres de CAG allant jusqu’à 1 000. Impressionnant ! Bob et ses collègues chercheurs constatent que l’expansion somatique ne se produit en réalité que dans des types de cellules qui tombent malades dans le cadre de la MH. C’est une explication de la vulnérabilité de certaines cellules mais c’est un peu différent de ce que d’autres chercheurs ont observé.
Bob nous présente un modèle montrant comment un tractus de répétitions CAG peut passer d’environ 42 répétitions à 100 répétitions, puis s’agrandir plus rapidement à mesure que la personne vieillit. Dans les cellules ayant moins d’environ 150 CAGs, l’équipe de Bob observe très peu de changements dans les gènes qui sont activés ou désactivés. Selon leur analyse, des changements généralisés ne semblent se produire que lorsque les répétitions deviennent importantes.
Ils ont également examiné la vitesse à laquelle les cellules obtiennent des répétitions CAG – il faut des décennies pour atteindre une expansion rapide. Vers 80 CAGs, il semble que les cellules commencent à gagner plus rapidement des CAGs, de l’ordre de plusieurs années. Et une fois qu’elles atteignent 150 CAGs, les cellules gagnent des CAGs en quelques mois. Dans la phase rapide, à plus de 150 CAG, les cellules deviennent dérégulées. Les gènes qui devraient être activés sont désactivés et vice versa. Bob pense que cela mène à la toxicité et finalement à la mort des neurones qui subissent cette expansion rapide du triplet CAG.
Bob et son équipe utilisent leur modèle pour tenter de tracer la trajectoire de la maladie de Huntington : combien de cellules cérébrales sont perdues lorsque différents symptômes commencent à apparaître ? Il s’agit d’une nouvelle façon d’envisager la MH et la manière dont celle-ci progresse, ce qui est rendu possible grâce aux nouvelles technologies. Il a partagé des données issues d’une autre zone du cerveau, appelée cortex (la partie externe ridée du cerveau). Ils ont observé, dans ces cellules, un changement similaire en deux phases dans le nombre de CAG – lent, puis beaucoup plus rapide, ce qui suggère que le processus se déroule dans toutes les régions cérébrales. Il semblerait également que l’expansion somatique pourrait être liée aux amas toxiques de la protéine huntingtine. Les cellules qui possèdent des CAGs vraiment longs sont également celles qui présentent des amas.
Après tant de discussions très intéressantes sur l’expansion somatique, des idées contrastées émergent dans le domaine de la recherche. Certains scientifiques pensent que l’expansion de triplets CAG répétés est le principal facteur de vulnérabilité dans le striatum. D’autres pensent que l’expansion CAG déclenche un processus menant à la toxicité mais n’en est pas nécessairement le principal acteur.
Bien que Bob, Matthew et d’autres personnes aient des idées différentes s’agissant de l’instabilité somatique et de la progression de la MH, il ne s’agit pas nécessairement de mauvaises nouvelles pour la communauté de recherche MH. En fait, cela arrive tout le temps dans le domaine scientifique ! Les personnes ont des conclusions différentes et s’affrontent dans une véritable camaraderie lors de conférences. Les chercheurs peuvent peser les forces et les limites de chaque élément de données afin de déterminer qui pourrait avoir raison. Une séance de questions-réponses enthousiastes a suivi cette conférence !
David Altshuler – Apprendre de l’approche de la compagnie Vertex pour la découverte de médicaments
Le mercredi après-midi, il y avait une séance d’affiches au cours de laquelle plus de cent scientifiques ont eu la chance de présenter leurs travaux, suivie d’une présentation liminaire de David Altshuler, directeur scientifique au sein de la compagnie Vertex Pharmaceuticals. Celui-ci est un chercheur expérimenté et un dirigeant pharmaceutique qui a parlé de ses travaux de développement de médicaments pour différentes maladies.
David a présenté la chronologie des découvertes dans le cadre de la recherche MH, mentionnant le chemin parcouru depuis les années 1980 lorsque certains chercheurs pensaient que nous pourrions apprendre tout ce que nous devrions savoir à partir des souris. La lenteur des progrès n’est pas propre à la maladie de Huntington, il est simplement très difficile de concevoir de bons médicaments pour les maladies humaines ! Malgré d’énormes progrès, il reste encore beaucoup de choses que nous ignorons s’agissant de la santé humaine et des maladies.
La conception de nouveaux médicaments est également très coûteuse et de nombreux médicaments échouent lors des essais cliniques, ce qui coûte du temps et de l’argent aux compagnies et aux gouvernements, tout en laissant les patients attendre sans traitement efficace. 75% des nouveaux médicaments échouent, et il faut en moyenne plus de 12 ans pour concevoir un médicament. Cela dit, David a souligné qu’il est encourageant de constater que nous avons maintenant de nombreuses technologies différentes disponibles pour le développement de médicaments. Nous voyons cela dans le domaine de la MH avec les modulateurs d’épissage, les ASOs, les thérapies géniques et autres types de médicaments qui sont tous testés en cliniques – la plupart d’entre eux sont des technologies récentes.
Comme exemple de la manière dont la découverte de médicaments peut réussir, il note les efforts de la compagnie Vertex dans le domaine de la fibrose kystique. Les facteurs qui les ont amenés à recourir à plusieurs médicaments efficaces font partie des éléments dont nous disposons déjà dans le domaine de la MH – centres de soins, études d’histoire naturelle et agences de financement qui se concentrent sur l’avancement de la recherche. Il a indiqué qu’après 25 ans de travaux de la compagnie Vertex sur la fibrose kystique, ils disposent désormais de plusieurs médicaments, dont plusieurs ont été développés en seulement trois ans et peuvent être utilisés chez des patients dès l’âge d’un mois.
Un point important que fait valoir David : les thérapies géniques ne devraient pas être la finalité. Ces thérapies coûteuses et inaccessibles ne servent pas les populations mondiales de patients. La compagnie Vertex s’engage sur des modalités médicamenteuses qui pourraient traiter beaucoup plus de personnes, telles qu’une pilule.
David a terminé avec un fort message d’espoir en disant « je sais que ce groupe trouvera un traitement pour la maladie de Huntington. Je ne sais pas quand mais je sais que vous le ferez ! »
C’est tout pour le deuxième jour. Restez à l’écoute des mises à jour sur la recherche du dernier jour de la conférence thérapeutique CHDI 2024.