Rachel HardingPar Dr Rachel Harding Edité par Dr Sarah Hernandez et Dr Leora Fox Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Dans deux récentes études, les chercheurs ont examiné, au niveau des cellules cérébrales individuelles, comment différentes parties du cerveau sont affectées par les expansions CAG dans le cadre de la maladie de Huntington. Les scientifiques ont examiné des cerveaux post-mortem de personnes atteintes ou non de la MH afin de suivre les changements moléculaires dans différentes régions cérébrales appelées le cortex et le striatum. Ces études ont fourni de nouvelles informations sur ce qui contribue à la maladie de Huntington. Allons-y !

Des zones cérébrales spécifiques sont sujettes à des dommages dans le cadre de la maladie de Huntington

Nous savons, depuis longtemps maintenant, que certaines parties du cerveau sont davantage affectées que d’autres chez les personnes atteintes de la MH. Des types spécifiques de cellules cérébrales au sein de ces parties vulnérables du cerveau tendent à mourir plus rapidement que d’autres selon un processus appelé dégénération.

Les échantillons de cerveau post-mortem sont des matériaux extrêmement précieux qui aident la recherche à éclaircir exactement ce qui se passe chez les personnes atteintes de MH.
Les échantillons de cerveau post-mortem sont des matériaux extrêmement précieux qui aident la recherche à éclaircir exactement ce qui se passe chez les personnes atteintes de MH.

Cependant, les raisons sous-jacentes selon lesquelles certaines cellules sont davantage affectées que d’autres ne sont pas très claires. De nombreux chercheurs à travers le monde ont essayé de comprendre cela, car cela pourrait mettre en lumière la manière exacte selon laquelle la MH progresse et nous donner des indices sur la façon dont nous pourrions la traiter.

Aux termes de deux articles récents provenant du même laboratoire de l’Université de Rockefeller à New York, des scientifiques ont examiné de très près les changements moléculaires se produisant, dans le cadre de la MH, dans différents types de cellules cérébrales. A l’aide d’échantillons de cerveau post-mortem généreusement donnés par des personnes atteintes ou non de la MH, l’équipe a soigneusement séparé le tissu cérébral en cellules individuelles.

Les deux études se sont concentrées sur différentes parties du cerveau, la première portant sur une zone appelée le cortex et la seconde s’intéressant aux cellules composant le striatum et le cervelet. Chaque région cérébrale est composée de nombreux types différents de cellules. Ils ont donc utilisé des marqueurs spéciaux pour trier toutes les cellules et déterminer quelles cellules appartenaient à quel type. Ils ont été ensuite en mesure d’évaluer toutes sortes de changements moléculaires dans les différents types de cellules en utilisant des technologies génétiques de pointe.

Lier l’expansion somatique au début des symptômes

«Grâce aux progrès considérables de la technologie de séquençage de l’ADN, nous pouvons désormais déterminer la longueur du nombre de CAG dans chaque cellule individuelle. »

L’un des changements que les scientifiques ont examiné dans chaque cellule était le nombre de répétitions du triplet C-A-G dans le gène huntingtin. La maladie de Huntington est définie au niveau génétique comme une personne possédant plus de 36 lettres C-A-G répétitives dans son gène hungtintin, la plupart des personnes atteintes de la MH possédant 40-50 CAGs, en comparaison avec des personnes n’étant pas atteintes de la MH et possédant environ 18 CAGs.

Nous savons maintenant depuis longtemps que dans certains types de cellules, ce nombre CAG n’est pas stable et changera au cours de la vie d’une personne, devenant souvent plus grand. Ce processus d’augmentation des CAGs dans certaines cellules est connu sous le nom d’expansion somatique. Il est important de noter que les cellules sanguines semblent être un type de cellule avec un nombre de répétitions CAG stable par rapport à d’autres types de cellules. Ainsi, si vous avez réalisé un test génétique à l’âge de 18 ans, ce nombre sera presque sûrement le même si vous deviez effectuer à nouveau un test à l’âge de 50 ans.

L’expansion somatique est devenue un sujet brûlant de la recherche MH lorsque des études de modificateurs génétiques, des caractéristiques qui modifient l’âge d’apparition des symptômes, ont mis en évidence des gènes exacts qui, nous le pensons, contrôlent l’expansion somatique. Ensemble, cela suggère qu’il existe un lien entre l’importance du nombre CAG au cours de la vie d’une personne atteinte de la MH et la rapidité avec laquelle elle ressentira les symptômes de la maladie.

Grâce aux progrès considérables de la technologie de séquençage de l’ADN, nous pouvons désormais déterminer la longueur du nombre CAG dans chaque cellule individuelle. En fait, c’est exactement ce que l’équipe de Rockefeller a fait. Qu’ont-ils donc trouvé ?

De nombreux scientifiques étudient l'expansion somatique et comparent leurs données et leurs découvertes pour tenter de comprendre comment ce processus est impliqué dans la MH.
De nombreux scientifiques étudient l'expansion somatique et comparent leurs données et leurs découvertes pour tenter de comprendre comment ce processus est impliqué dans la MH.
Crédits graphiques: Joseph Mucira

Des conclusions intéressantes du cortex

Dans la première étude publiée au début de cette année, les scientifiques se sont concentrés sur une partie du cerveau, appelée le cortex – une partie externe du cerveau avec des rides. Les études ayant réalisé des scanners cérébraux détaillés de personnes atteintes de la MH ont montré un amincissement de cette partie cérébrale. Ils ont également découvert que les connexions entres les cellules cérébrales disparaissent dans cette partie du cerveau au cours de la maladie et que celles-ci ont tendance à mourir précocement. Les changements dans le cortex provoquent un déclin cognitif et des symptômes psychiatriques que ressentent de nombreuses personnes atteintes de la MH.

Les scientifiques ont découvert qu’un type spécifique de cellules cérébrales, appelé les neurones de projection cortico-striatales de la couche 5a du cortex (ouf, quelle bouchée !), disparaît chez les personnes atteintes de la MH. Ces cellules meurent tôt au cours de la maladie, tant chez l’homme que chez les singes. Bien que ces cellules se situent dans le cortex ridé, elles se connectent jusqu’au centre du cerveau, jusqu’au striatum, région la plus vulnérable dans le cadre de la MH.

Fait intéressant, l’équipe a découvert que l’augmentation du nombre CAG survient dans de nombreux types différents de cellules nerveuses dans le cortex, en ce compris celles qui restent relativement saines. Des augmentations de CAG ont été observées dans les cellules cérébrales vulnérables de la couche 5a du cortex mais également dans d’autres cellules appelées les cellules Betz, lesquelles ne sont pas si gravement affectées par la MH. Cela a amené les chercheurs à la conclusion qu’une augmentation du nombre CAG ne suffit pas à elle seule à rendre malades les cellules.

«Lorsque l’équipe a examiné le nombre de CAG dans des types de cellules individuels, elle a constaté que les MSN présentaient la plus forte augmentation de leur nombre de CAG. »

Etudier les surprises du striatum

Dans la seconde étude, les chercheurs se sont concentrés sur le striatum, une région cérébrale très au centre de notre tête et la partie du cerveau la plus affectée par la maladie de Huntington. Un type de cellules cérébrales, appelé les neurones épineux moyens ou MSNs, se trouve dans cette partie du cerveau et est connu par les chercheurs comme étant le plus vulnérable à la mort chez les personnes atteintes de la MH.

Lorsque l’équipe a étudié le nombre de CAG dans des types de cellules individuelles provenant de cette partie du cerveau, elle a constaté que les neurones épineux moyens présentaient la plus forte augmentation de leur nombre de CAG. Cependant, d’autres cellules dans le striatum qui ne sont pas aussi affectées dans le cadre de la MH, telles qu’un type de cellule nerveuse appelée ChAT+, ont également présenté d’importants changements dans leur nombre de CAG.

Les chercheurs ont examiné les cellules provenant du cerveau d’une personne atteinte d’une maladie cérébrale semblable à la MH, appelée l’ataxie spinocérébelleuse de type 3 (SCA3), laquelle est provoquée par une augmentation du triplet CAG dans un gène appelé Ataxin 3. Les personnes atteintes de cette maladie subissent une perte de cellules cérébrales mais cela n’est pas spécifique à un type de cellule MSN, comme c’est le cas dans la maladie de Huntington.

Ces études ont été rendues possibles grâce aux dons altruistes et généreux des membres de la famille Mh – merci !
Ces études ont été rendues possibles grâce aux dons altruistes et généreux des membres de la famille Mh – merci !

Ils ont également constaté que, dans le cadre de cette maladie, le nombre de CAG augmentait dans les cellules MSN mais pas d’autres types de cellules cérébrales, même si les cellules MSN dans le cerveau de ces personnes n’étaient pas aussi affectées. Cela signifie que les cellules MSN pourraient être particulièrement sujettes à l’expansion des répétitions CAG, quel que soit le gène possédant les longues répétitions CAG. Cependant, la répétition CAG toujours croissante n’est peut-être pas la raison directe de la mort de ces cellules.

Qu’est-ce que tout cela signifie-t-il donc ?

Ces deux études suggèrent que l’augmentation du nombre de CAG dans le cadre de la maladie de Huntington pourrait n’être qu’une des étapes nécessaires pour que les cellules tombent malades. A elle seule, l’expansion somatique pourrait être insuffisante pour provoquer la mort des cellules, comme le rapportent les chercheurs sur les expansions CAG dans les cellules non vulnérables à la mort dans le cadre de la MH, telles que les cellules Betz.

Ces deux études ont également examiné d’autres caractéristiques de ces cellules. Ils ont étudié en profondeur les gènes activés et désactivés dans chaque cellule du cerveau de personnes atteintes ou non de la MH. Ils ont découvert que la MH provoque des changements globaux dans des types de gènes qui sont activés ou désactivés. Cela a également été montré auparavant par d’autres groupes de recherche. Les chercheurs pensent que ces changements provoquent peut-être la toxicité, affectant la santé des cellules, contribuant éventuellement à leur mort.

«Ces deux études soulignent l’idée selon laquelle l’augmentation du nombre de CAG dans la MH n’est qu’un premier pas vers la maladie des cellules. »

Les chercheurs pensent que des problèmes de connexion pourraient également contribuer à la mort des cellules. Ils ont constaté dans le cortex des altérations dans les cellules vulnérables, modifiant la façon dont celles-ci se connectent et communiquent avec les cellules d’autres parties du cerveau. Cette déconnexion réduit non seulement la capacité d’une partie du cerveau de communiquer avec une autre, mais elle affaiblit également les cellules elles-mêmes au fil du temps.

D’autres groupes de recherche testent encore l’hypothèse selon laquelle l’expansion somatique est le principal facteur de la MH. Différents scientifiques utilisent différentes techniques pour évaluer les nombres de CAG et les premiers aperçus de ces ensembles de données lors de la récente conférence thérapeutique suggèrent que cela peut mener à différents résultats. Nous nous attendons à voir à l’avenir plus de travaux dans ce domaine.

La science n’est possible que grâce aux familles des patients

Il est très important de noter que presque toutes les conclusions de ces deux très importantes études ont été rendues possibles grâce à l’accès pour les chercheurs à des échantillons post-mortem extrêmement précieux. Dans les deux études, les scientifiques ont comparé le matériel cérébral de personnes atteintes ou non de la maladie de Huntington décédées, ayant généreusement fait donc de leur cerveau à la science pour la poursuite de la recherche. Il s’agit d’un acte altruiste extraordinaire qui a d’énormes impacts sur la recherche visant à mieux comprendre la MH, dans le but ultime de trouver un jour un médicament pour ralentir, arrêter ou inverser la maladie.

Bien que le don de cerveau ne soit pas quelque chose que tout le monde puisse faire ou soit à l'aise, si cela vous intéresse, l'HDSA, le HSC, le Brain Donor Project et d'autres organisations de patients disposent d'informations et de ressources sur les implications de cette décision et les prochaines étapes.

Sarah Hernandez est une employée de la Hereditary Disease Foundation, qui a fourni ou fournit un financement aux chercheurs contribuant aux travaux mentionnés dans cet article. Rachel Harding et Leora Fox n'ont aucun conflit à déclarer. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...