
Comprendre les expansions au niveau d'une seule cellule
Les scientifiques ont étudié les expansions de CAG dans le cerveau de personnes atteintes de MH pour déterminer quelles cellules sont affectées.

Dans deux récentes études, les chercheurs ont examiné, au niveau des cellules cérébrales individuelles, comment différentes parties du cerveau sont affectées par les expansions CAG dans le cadre de la maladie de Huntington. Les scientifiques ont examiné des cerveaux post-mortem de personnes atteintes ou non de la MH afin de suivre les changements moléculaires dans différentes régions cérébrales appelées le cortex et le striatum. Ces études ont fourni de nouvelles informations sur ce qui contribue à la maladie de Huntington. Allons-y !
Des zones cérébrales spécifiques sont sujettes à des dommages dans le cadre de la maladie de Huntington
Nous savons, depuis longtemps maintenant, que certaines parties du cerveau sont davantage affectĂ©es que dâautres chez les personnes atteintes de la MH. Des types spĂ©cifiques de cellules cĂ©rĂ©brales au sein de ces parties vulnĂ©rables du cerveau tendent Ă mourir plus rapidement que dâautres selon un processus appelĂ© dĂ©gĂ©nĂ©ration.

Cependant, les raisons sous-jacentes selon lesquelles certaines cellules sont davantage affectĂ©es que dâautres ne sont pas trĂšs claires. De nombreux chercheurs Ă travers le monde ont essayĂ© de comprendre cela, car cela pourrait mettre en lumiĂšre la maniĂšre exacte selon laquelle la MH progresse et nous donner des indices sur la façon dont nous pourrions la traiter.
Aux termes de deux articles rĂ©cents provenant du mĂȘme laboratoire de lâUniversitĂ© de Rockefeller Ă New York, des scientifiques ont examinĂ© de trĂšs prĂšs les changements molĂ©culaires se produisant, dans le cadre de la MH, dans diffĂ©rents types de cellules cĂ©rĂ©brales. A lâaide dâĂ©chantillons de cerveau post-mortem gĂ©nĂ©reusement donnĂ©s par des personnes atteintes ou non de la MH, lâĂ©quipe a soigneusement sĂ©parĂ© le tissu cĂ©rĂ©bral en cellules individuelles.
Les deux Ă©tudes se sont concentrĂ©es sur diffĂ©rentes parties du cerveau, la premiĂšre portant sur une zone appelĂ©e le cortex et la seconde sâintĂ©ressant aux cellules composant le striatum et le cervelet. Chaque rĂ©gion cĂ©rĂ©brale est composĂ©e de nombreux types diffĂ©rents de cellules. Ils ont donc utilisĂ© des marqueurs spĂ©ciaux pour trier toutes les cellules et dĂ©terminer quelles cellules appartenaient Ă quel type. Ils ont Ă©tĂ© ensuite en mesure dâĂ©valuer toutes sortes de changements molĂ©culaires dans les diffĂ©rents types de cellules en utilisant des technologies gĂ©nĂ©tiques de pointe.
Lier lâexpansion somatique au dĂ©but des symptĂŽmes
«GrĂące aux progrĂšs considĂ©rables de la technologie de sĂ©quençage de lâADN, nous pouvons dĂ©sormais dĂ©terminer la longueur du nombre de CAG dans chaque cellule individuelle.»
Lâun des changements que les scientifiques ont examinĂ© dans chaque cellule Ă©tait le nombre de rĂ©pĂ©titions du triplet C-A-G dans le gĂšne huntingtin. La maladie de Huntington est dĂ©finie au niveau gĂ©nĂ©tique comme une personne possĂ©dant plus de 36 lettres C-A-G rĂ©pĂ©titives dans son gĂšne hungtintin, la plupart des personnes atteintes de la MH possĂ©dant 40-50 CAGs, en comparaison avec des personnes nâĂ©tant pas atteintes de la MH et possĂ©dant environ 18 CAGs.
Nous savons maintenant depuis longtemps que dans certains types de cellules, ce nombre CAG nâest pas stable et changera au cours de la vie dâune personne, devenant souvent plus grand. Ce processus dâaugmentation des CAGs dans certaines cellules est connu sous le nom dâexpansion somatique. Il est important de noter que les cellules sanguines semblent ĂȘtre un type de cellule avec un nombre de rĂ©pĂ©titions CAG stable par rapport Ă dâautres types de cellules. Ainsi, si vous avez rĂ©alisĂ© un test gĂ©nĂ©tique Ă lâĂąge de 18 ans, ce nombre sera presque sĂ»rement le mĂȘme si vous deviez effectuer Ă nouveau un test Ă lâĂąge de 50 ans.
Lâexpansion somatique est devenue un sujet brĂ»lant de la recherche MH lorsque des Ă©tudes de modificateurs gĂ©nĂ©tiques, des caractĂ©ristiques qui modifient lâĂąge dâapparition des symptĂŽmes, ont mis en Ă©vidence des gĂšnes exacts qui, nous le pensons, contrĂŽlent lâexpansion somatique. Ensemble, cela suggĂšre quâil existe un lien entre lâimportance du nombre CAG au cours de la vie dâune personne atteinte de la MH et la rapiditĂ© avec laquelle elle ressentira les symptĂŽmes de la maladie.
GrĂące aux progrĂšs considĂ©rables de la technologie de sĂ©quençage de lâADN, nous pouvons dĂ©sormais dĂ©terminer la longueur du nombre CAG dans chaque cellule individuelle. En fait, câest exactement ce que lâĂ©quipe de Rockefeller a fait. Quâont-ils donc trouvĂ© ?

Image credit: Joseph Mucira
Des conclusions intéressantes du cortex
Dans la premiĂšre Ă©tude publiĂ©e au dĂ©but de cette annĂ©e, les scientifiques se sont concentrĂ©s sur une partie du cerveau, appelĂ©e le cortex â une partie externe du cerveau avec des rides. Les Ă©tudes ayant rĂ©alisĂ© des scanners cĂ©rĂ©braux dĂ©taillĂ©s de personnes atteintes de la MH ont montrĂ© un amincissement de cette partie cĂ©rĂ©brale. Ils ont Ă©galement dĂ©couvert que les connexions entres les cellules cĂ©rĂ©brales disparaissent dans cette partie du cerveau au cours de la maladie et que celles-ci ont tendance Ă mourir prĂ©cocement. Les changements dans le cortex provoquent un dĂ©clin cognitif et des symptĂŽmes psychiatriques que ressentent de nombreuses personnes atteintes de la MH.
Les scientifiques ont dĂ©couvert quâun type spĂ©cifique de cellules cĂ©rĂ©brales, appelĂ© les neurones de projection cortico-striatales de la couche 5a du cortex (ouf, quelle bouchĂ©e !), disparaĂźt chez les personnes atteintes de la MH. Ces cellules meurent tĂŽt au cours de la maladie, tant chez lâhomme que chez les singes. Bien que ces cellules se situent dans le cortex ridĂ©, elles se connectent jusquâau centre du cerveau, jusquâau striatum, rĂ©gion la plus vulnĂ©rable dans le cadre de la MH.
Fait intĂ©ressant, lâĂ©quipe a dĂ©couvert que lâaugmentation du nombre CAG survient dans de nombreux types diffĂ©rents de cellules nerveuses dans le cortex, en ce compris celles qui restent relativement saines. Des augmentations de CAG ont Ă©tĂ© observĂ©es dans les cellules cĂ©rĂ©brales vulnĂ©rables de la couche 5a du cortex mais Ă©galement dans dâautres cellules appelĂ©es les cellules Betz, lesquelles ne sont pas si gravement affectĂ©es par la MH. Cela a amenĂ© les chercheurs Ă la conclusion quâune augmentation du nombre CAG ne suffit pas Ă elle seule Ă rendre malades les cellules.
«Lorsque lâĂ©quipe a examinĂ© le nombre de CAG dans des types de cellules individuels, elle a constatĂ© que les MSN prĂ©sentaient la plus forte augmentation de leur nombre de CAG.»
Etudier les surprises du striatum
Dans la seconde Ă©tude, les chercheurs se sont concentrĂ©s sur le striatum, une rĂ©gion cĂ©rĂ©brale trĂšs au centre de notre tĂȘte et la partie du cerveau la plus affectĂ©e par la maladie de Huntington. Un type de cellules cĂ©rĂ©brales, appelĂ© les neurones Ă©pineux moyens ou MSNs, se trouve dans cette partie du cerveau et est connu par les chercheurs comme Ă©tant le plus vulnĂ©rable Ă la mort chez les personnes atteintes de la MH.
Lorsque lâĂ©quipe a Ă©tudiĂ© le nombre de CAG dans des types de cellules individuelles provenant de cette partie du cerveau, elle a constatĂ© que les neurones Ă©pineux moyens prĂ©sentaient la plus forte augmentation de leur nombre de CAG. Cependant, dâautres cellules dans le striatum qui ne sont pas aussi affectĂ©es dans le cadre de la MH, telles quâun type de cellule nerveuse appelĂ©e ChAT+, ont Ă©galement prĂ©sentĂ© dâimportants changements dans leur nombre de CAG.
Les chercheurs ont examinĂ© les cellules provenant du cerveau dâune personne atteinte dâune maladie cĂ©rĂ©brale semblable Ă la MH, appelĂ©e lâataxie spinocĂ©rĂ©belleuse de type 3 (SCA3), laquelle est provoquĂ©e par une augmentation du triplet CAG dans un gĂšne appelĂ© Ataxin 3. Les personnes atteintes de cette maladie subissent une perte de cellules cĂ©rĂ©brales mais cela nâest pas spĂ©cifique Ă un type de cellule MSN, comme câest le cas dans la maladie de Huntington.

Ils ont Ă©galement constatĂ© que, dans le cadre de cette maladie, le nombre de CAG augmentait dans les cellules MSN mais pas dâautres types de cellules cĂ©rĂ©brales, mĂȘme si les cellules MSN dans le cerveau de ces personnes nâĂ©taient pas aussi affectĂ©es. Cela signifie que les cellules MSN pourraient ĂȘtre particuliĂšrement sujettes Ă lâexpansion des rĂ©pĂ©titions CAG, quel que soit le gĂšne possĂ©dant les longues rĂ©pĂ©titions CAG. Cependant, la rĂ©pĂ©tition CAG toujours croissante nâest peut-ĂȘtre pas la raison directe de la mort de ces cellules.
Quâest-ce que tout cela signifie-t-il donc ?
Ces deux Ă©tudes suggĂšrent que lâaugmentation du nombre de CAG dans le cadre de la maladie de Huntington pourrait nâĂȘtre quâune des Ă©tapes nĂ©cessaires pour que les cellules tombent malades. A elle seule, lâexpansion somatique pourrait ĂȘtre insuffisante pour provoquer la mort des cellules, comme le rapportent les chercheurs sur les expansions CAG dans les cellules non vulnĂ©rables Ă la mort dans le cadre de la MH, telles que les cellules Betz.
Ces deux Ă©tudes ont Ă©galement examinĂ© dâautres caractĂ©ristiques de ces cellules. Ils ont Ă©tudiĂ© en profondeur les gĂšnes activĂ©s et dĂ©sactivĂ©s dans chaque cellule du cerveau de personnes atteintes ou non de la MH. Ils ont dĂ©couvert que la MH provoque des changements globaux dans des types de gĂšnes qui sont activĂ©s ou dĂ©sactivĂ©s. Cela a Ă©galement Ă©tĂ© montrĂ© auparavant par dâautres groupes de recherche. Les chercheurs pensent que ces changements provoquent peut-ĂȘtre la toxicitĂ©, affectant la santĂ© des cellules, contribuant Ă©ventuellement Ă leur mort.
«Ces deux Ă©tudes soulignent lâidĂ©e selon laquelle lâaugmentation du nombre de CAG dans la MH nâest quâun premier pas vers la maladie des cellules.»
Les chercheurs pensent que des problĂšmes de connexion pourraient Ă©galement contribuer Ă la mort des cellules. Ils ont constatĂ© dans le cortex des altĂ©rations dans les cellules vulnĂ©rables, modifiant la façon dont celles-ci se connectent et communiquent avec les cellules dâautres parties du cerveau. Cette dĂ©connexion rĂ©duit non seulement la capacitĂ© dâune partie du cerveau de communiquer avec une autre, mais elle affaiblit Ă©galement les cellules elles-mĂȘmes au fil du temps.
Dâautres groupes de recherche testent encore lâhypothĂšse selon laquelle lâexpansion somatique est le principal facteur de la MH. DiffĂ©rents scientifiques utilisent diffĂ©rentes techniques pour Ă©valuer les nombres de CAG et les premiers aperçus de ces ensembles de donnĂ©es lors de la rĂ©cente confĂ©rence thĂ©rapeutique suggĂšrent que cela peut mener Ă diffĂ©rents rĂ©sultats. Nous nous attendons Ă voir Ă lâavenir plus de travaux dans ce domaine.
La science nâest possible que grĂące aux familles des patients
Il est trĂšs important de noter que presque toutes les conclusions de ces deux trĂšs importantes Ă©tudes ont Ă©tĂ© rendues possibles grĂące Ă lâaccĂšs pour les chercheurs Ă des Ă©chantillons post-mortem extrĂȘmement prĂ©cieux. Dans les deux Ă©tudes, les scientifiques ont comparĂ© le matĂ©riel cĂ©rĂ©bral de personnes atteintes ou non de la maladie de Huntington dĂ©cĂ©dĂ©es, ayant gĂ©nĂ©reusement fait donc de leur cerveau Ă la science pour la poursuite de la recherche. Il sâagit dâun acte altruiste extraordinaire qui a dâĂ©normes impacts sur la recherche visant Ă mieux comprendre la MH, dans le but ultime de trouver un jour un mĂ©dicament pour ralentir, arrĂȘter ou inverser la maladie.
Bien que le don de cerveau ne soit pas quelque chose que tout le monde puisse faire ou soit Ă l’aise, si cela vous intĂ©resse, l’HDSA, le HSC, le Brain Donor Project et d’autres organisations de patients disposent d’informations et de ressources sur les implications de cette dĂ©cision et les prochaines Ă©tapes.
Pour en savoir plus
- Vulnérabilité sélective des neurones de projection cortico-striatales de la couche 5a du cortex dans la maladie de Huntington (open access)
- Expansions de répétitions CAG spécifiques à un type cellulaire et toxicité de la Huntingtine mutante dans le striatum et le cervelet humains (open access)
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