Mise à jour d’UniQure s’agissant de sa thérapie génique pour la maladie de Huntington
UniQure mène des essais d’innocuité portant sur la première thérapie génique pour la MH. Un communiqué de presse a présenté une mise à jour d’une année concernant le premier groupe de 10 personnes
Par Dr Leora Fox et Dr Rachel Harding 12 août 2022 Edité par Dr Rachel Harding Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 5 juillet 2022
La société UniQure est spécialisée dans la thérapie génique et ils travaillent sur un médicament expérimental pour la maladie de Huntington, appelé AMT-130, lequel est administré par chirurgie cérébrale. Il s’agit d’une approche génétique sans précédent pour le traitement de la MH, et la sécurité est la priorité absolue des premiers essais humains. Un communiqué de presse et une présentation publique du jeudi 23 juin ont annoncé des données sur 12 mois, portant sur l’innocuité et la diminution de la huntingtine, provenant du premier groupe de 10 personnes atteintes de la MH à subir une chirurgie. HDBuzz a également eu l’opportunité de s’entretenir avec le Dr Ricardo Dolmetsch, Président de la recherche et du développement au sein de la société UniQure, afin d’obtenir des éclaircissements supplémentaires sur ce qui a été partagé.
Dans l’ensemble, le médicament et la chirurgie ont bien été tolérés, sans qu’aucun problème de sécurité majeur ne se soit posé jusqu’à présent. Il peut être difficile d’interpréter les données sur la diminution de la huntingtine d’un si petit groupe mais ce qui existe jusqu’à présent pourrait être prometteur – explorons ce que cela signifie et quelle est la suite de cette étude.
La première thérapie génique pour la maladie de Huntington
Commençons par un rappel des bases de cet essai. La thérapie génique est une technique visant à modifier de façon permanente les instructions de base à partir desquelles les êtres vivants sont construits. Il existe différentes cibles et méthodes pour transporter ces médicaments vers des parties du corps et du cerveau mais le point clé est que la thérapie génique vise la permanence, une administration unique, pour traiter une maladie génétique à ses racines. La plupart des thérapies géniques sont axées sur une technique appelée diminution de la huntingtine, laquelle cible le gène hutingtin ou sa molécule messager génétique, l’ARN. L’objectif est d’inactiver le gène et de diminuer la quantité de protéine hutingtine nocive qui s’accumule dans le cerveau dans le but de ralentir l’aggravation des symptômes MH.
La société UniQure développe une thérapie génique MH appelée AMT-130. Ils utilisent une approche où un morceau de matériel génétique artificiel est empaqueté à l’intérieur d’un virus inoffensif et délivré directement à la partie du cerveau la plus affectée par la MH, le striatum. Cela nécessite une seule intervention chirurgicale au cours de laquelle de minuscules trous sont pratiqués dans le crâne et de minuscules aiguilles utilisées pour injecter le virus dans six endroits différents du cerveau. Le médicament se propage dans de nombreuses cellules cérébrales et met en place des petites machineries afin de produire un type de micro-message génétique qui intime aux cellules de fabriquer moins de protéine huntingtine.
L’état des essais cliniques MH de la société UniQure
La société UniQure a passé plusieurs années à tester son médicament sur différents modèles de laboratoire et animaux, en ce compris des porcs porteurs du gène MH. Puis, lorsqu’il a semblé qu’ils pouvaient réduire en toute sécurité la huntingtine dans le cerveau d’un grand animal, ils se sont lancés en 2020 dans le premier essai sur l’homme, connu sous le nom de HD-Gene-TRX1. Jusqu’à présent, 36 personnes sont inscrites dans différents groupes de cet essai aux Etats-Unis et en Europe, certaines recevant une faible dose d’AMT-130, certaines recevant une dose élevée, et d’autres subissant une chirurgie factice au cours de laquelle aucune aiguille n’est utilisée et aucun médicament administré mais les petits trous sont réalisés.
Le communiqué de presse de la semaine dernière et la présentation pour les investisseurs de la société UniQure ont partagé certaines données provenant uniquement du premier groupe de 10 personnes atteintes de la MH. Six de ces personnes ont reçu la faible dose d’AMT-130 et quatre étaient dans le groupe « contrôle », ayant subi une chirurgie factice. En plus de montrer que le médicament et l’intervention chirurgicale étaient sûrs et bien tolérés, la société UniQure a pu partager des données sur la diminution de la huntingtine s’agissant de sept des participants, quatre dans le groupe AMT-130 et trois dans le groupe contrôle.
Le très petit nombre de personnes signifie que les données sont variables et doivent être interprétées avec prudence. Ceci dit, il peut y avoir des raisons de s’enthousiasmer, même avec un si petit groupe.
Qu’est-ce qui a été partagé dans le communiqué de presse ?
Le communiqué de presse du 23 juin partageait des données de base sur les effets secondaire de la procédure chirurgicale, sur les taux de la huntingtine après une année et sur une protéine appelée NfL ( la protéine légère des neurofilaments) qui peut agir comme un indicateur de la santé du cerveau. Ce qu’ils ont essentiellement partagé concerne avant tout la sécurité, suivi d’un « biomarqueur » relatif à la manière dont les cellules cérébrales pourraient réagir au traitement et d’une évaluation permettant de savoir si le médicament agit biologiquement de la manière dont il est sensé le faire, c’est ce qu’on appelle « atteindre la cible ».
Sécurité et tolérabilité
C’est l’élément le plus simple à interpréter et il s’agit d’une solide nouvelle. Les dix participants ont été suivis de près pendant un an et les principaux effets secondaires qu'ils ont ressentis étaient liés à la chirurgie, qui a été globalement très bien tolérée. La chirurgie peut prendre la majeure partie d'une journée et une personne a eu un caillot de sang en étant immobile pendant de nombreuses heures, ce qui s'est résolu peu de temps après.
Une autre personne a présenté un délire après l’intervention chirurgicale, une période de confusion sévère qui intervient parfois après l’anesthésie, et cela s’est également résolu rapidement. Ceux-ci étaient les effets secondaires les plus sévères ; d’autres exemples d’effets mineurs étaient des migraines après la chirurgie, et des douleurs et étourdissements après les ponctions lombaires afin de prendre des échantillons du liquide céphalo-rachidien.
Mesures dans le liquide céphalo-rachidien
Les dix participants de la première cohorte ont eu des ponctions lombaires (« baseline ») avant l’intervention chirurgicale et ensuite 1, 3, 6, 9 et 12 mois après. Celles-ci ont permis à la société UniQure de mesurer les changements dans les taux de la huntingtine, ainsi que dans d’autres biomarqueurs, tels NfL (la protéine légère des neurofilaments), qui peuvent être utiles pour donner une image de la santé du cerveau.
* Biomarqueurs : augmentation temporaire de la protéine légère des neurofilaments (NfL)
Un biomarqueur est une chose dans l’organisme qui peut être mesuré pour nous donner une image d’un aspect de la santé d’une personne. Pour une maladie neurodégénérative, telle que la MH, un biomarqueur idéal change de manière fiable à mesure que les choses s’aggravent et revient à la normale avec le traitement. La protéine légère des neurofilaments (NfL), qui est libérée par les cellules cérébrales malades, tend à augmenter à mesure que la MH progresse, de sorte qu’elle est de plus en plus mesurée dans le cadre d’essais cliniques humains. Toutefois, une augmentation de courte durée de la NfL peut également indiquer différents types de stress sur les cellules cérébrales, comme celui causé temporairement par une chirurgie cérébrale invasive. Comme prévu, les participants de l’étude HD-Gene-TRX1 ayant reçu le médicament ont eu une augmentation de la NfL, laquelle a augmenté juste après la chirurgie et est doucement revenue à des taux normaux. Pour ceux ayant eu une chirurgie factice et aucune aiguille ou médicament, les taux de la NfL sont restés un peu près les mêmes au cours de la même période.
«Bien que ces premières données encouragent l'AMT-130 à faire ce que les scientifiques espéraient - abaisser les niveaux de huntingtine - il reste encore un long chemin à parcourir avant que cela puisse être un médicament pour traiter la MH. »
* Atteinte de la cible : la diminution des taux de la huntingtine
L’objectif de la thérapie d’UniQure, d’un point de vue biologique, est de cibler le « message » génétique créé par le gène huntingtin, de sorte que moins de protéine huntingtine soit produite par les cellules cérébrales. Ainsi pour le médicament AMPT-130, « atteindre la cible » signifie une diminution des taux de la huntingtine. Ils n’ont pu effectuer des mesures précises avant et après que dans un sous-ensemble de participants mais, malgré ce barrage, il semble déjà que l’AMT-130 pourrait réduire la protéine huntingtine. Ils ont constaté chez les personnes ayant reçu le médicament que les taux de huntingtine diminuaient avec le temps et qu’à 12 mois, ils étaient environ inférieurs de 50% environ. Les personnes du groupe de chirurgie factice présentaient une grande variabilité des taux de huntingtine dans leur liquide céphalo-rachidien mais ils semblaient assez stables. Encore une fois, les chiffres sont bien trop petits pour parler de signification statistique, mais dans l’ensemble, il semble que le médicament fasse ce pour quoi il est conçu.
Les épreuves et les tribulations de l’évaluation de la huntingtine
Idéalement, nous aurions un moyen astucieux pour regarder directement dans le cerveau les taux de la huntingtine avant et après le traitement, et les scientifiques travaillent sur des traceurs qui nous permettraient de faire exactement cela mais ceux-ci ne sont pas encore prêts à être utilisés dans des essais de médicaments. Au lieu de cela, les scientifiques mesurent les très petites quantités de protéine huntingtine trouvées dans le liquide céphalo-rachidien, comme approximation, et ces mesures sont un défi technique pour l’ensemble du domaine de la recherche MH. Sur les dix personnes de cette partie de l’étude d’UniQure, les chercheurs n’ont pu obtenir des données fiables sur la diminution de la huntingtine que de sept personnes ; quatre personnes ayant reçu le médicament et trois un traitement fictif. Cela signifie que nous examinons les données d’un très petit nombre de personnes. Par conséquent, même si les choses semblent aller dans la bonne direction, nous devons rester prudents.
Autre considération : le médicament de la société UniQure diminue à la fois la huntingtine nocive et celle saine, sur la base de ces données, d’environ 50% chez les personnes ayant reçu une faible dose d’AMT-130. Des questions ont été soulevées lors de la présentation publique sur le fait de savoir si une exposition plus longue ou des doses plus élevées pourraient conduire à « trop » réduire la huntingtine mais cela semble peu probable pour différentes raisons.
Les travaux que la société UniQure a publié sur les modèles animaux montrent que des doses plus élevées de médicament sont sans danger et bien tolérées sur plusieurs années. Chez les humains, les données montrent jusqu’à présent que les taux de huntingtine diminuent de plus en plus avec le temps mais la société UniQure s’attend à ce que la baisse se stabilise après 12 mois, telle qu’ils l’ont observée au cours de leurs expériences sur des modèles animaux. Ils montrent également que des doses plus élevées de médicament ne réduisent pas beaucoup plus les niveaux de huntingtine que de faibles doses ; au lieu de cela, le médicament peut se propager dans davantage de parties du cerveau, de sorte que le même niveau de diminution est observé dans davantage de parties, ce qui, selon eux, sera bénéfique.
Enfin, il y a plusieurs participants à l’essai aux Etats-Unis et en Europe qui ont déjà reçu des doses élevées d’AMT-130 et aucun d’eux n’a présenté d’effets secondaires dangereux majeurs jusqu’à présent.
Alors, quelle est la prochaine étape pour le médicament AMT-130 ?
Bien que ces premières données soient encourageantes sur le fait que l’AMT-130 fait ce qu’espéraient les scientifiques (diminution des taux de huntingtine), il reste encore un long chemin à parcourir avant que celui-ci puisse être un médicament pour traiter la MH. Un nombre de scénarios est possible, lesquels dépendent tous des résultats à venir que la société UniQure doit publier au cours du deuxième trimestre 2023.
Dans le meilleur des cas et dans un scénario probablement improbable (mais on peut l’espérer !), la prochaine publication de données présentera des résultats extrêmement positifs, ce qui pourrait inciter UniQure à poursuivre l’approbation accélérée du médicament pour commencer à traiter les personnes atteintes de la MH le plus tôt possible. Ce qui est plus probable, mais toujours un vœu pieux à ce stade, c’est que la prochaine mise à jour des données confirme les conclusions provisoires posées jusqu’à présent, à savoir que le médicament semble sûr, atteint la cible en diminuant la huntingtine et, peut-être, pourrait apporter quelques indications sur une amélioration des symptômes ou un ralentissement de la progression de la MH. Dans un tel scénario, UniQure lancerait probablement une étude de phase 3 beaucoup plus vaste avec plus de 100 patients inscrits et divisés en groupe de traitement et de contrôle afin de déterminer dans une large population si le médicament fait réellement ce que les scientifiques espèrent, à savoir ralentir ou stopper la progression de la MH.
Toutefois, nous devons nous préparer à la possibilité que les résultats 2023 ne soient pas ceux espérés. Une possibilité : le médicament continue d’être sûr mais les taux de huntigtine ne sont pas diminués. Ce n’est peut-être pas aussi grave qu’il n’y paraît, il se peut qu'il faille un certain temps pour voir un effet mesurable de l'AMT-130 ; nous ne savons tout simplement pas à quoi nous attendre à ce stade. Le pire des scénarios : les signes de la MH chez les personnes ayant reçu le traitement pourraient sembler progresser plus rapidement – ce qui serait similaire aux résultats de l’essai portant sur le médicament Tominersen. Dans ce cas, la société UniQure devrait retourner à la planche à dessin.
Toutes ces spéculations mises à part, la société UniQure donne des mesures concrètes pour améliorer la chirurgie, ainsi que la planification de l’accès au médicament AMT-130 si les résultats de cet essai s’avèrent favorables. Un inconvénient de cette thérapie « unique » : la procédure elle-même prend toute une journée. Dans une troisième cohorte de patients, la société UniQure a prévu de tester une version plus courte de l’intervention chirurgicale qui ne prendrait qu’une demi-journée.
Dans l'ensemble, les résultats préliminaires d'UniQure en matière de sécurité et de réduction de la huntingtine sont encourageants. Nous sommes reconnaissants à l’égard des courageux participants à cet essai de thérapie génique sans précédent et attendons avec impatience la prochaine publication des données.