Décollage : Premières personnes traitées avec des médicaments de silençage génique !
Annonce très importante : Premiers patients MH traités avec des médicaments de silençage génique
Par Dr Jeff Carroll 28 octobre 2015 Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 19 octobre 2015
Une grande nouvelle aujourd’hui : des médicaments de silençage génique, ciblant le gène MH, ont été administrés avec succès chez les premiers patients MH. Ces braves volontaires sont les tout premiers patients à être traités avec des médicaments conçus pour s’attaquer à la cause profonde de la maladie de Huntington, une approche de traitement possédant un énorme potentiel. Qu’en est-il de cette nouvelle qui nous a tellement enthousiasmés ?
Le silençage génique
De nombreux chercheurs MH, en ce compris les éditeurs de HDBuzz, pensent qu’une approche de traitement, appelée le silençage génique, est la chose la plus enthousiasmante qui se passe actuellement dans le cadre de la recherche MH. Pour comprendre pourquoi, nous devons évoquer quelques bases de la maladie de Huntington.
Chaque patient MH a hérité d’une version mutée d’un gène que nous appelons parfois le gène MH. Dans les milieux scientifiques, le gène est en réalité appelé Huntingtin, et HTT en abrégé, mais cela peut être un peu déroutant.
Tout le monde sur terre a deux copies du gène MH, une héritée de la mère et la seconde du père. Chez chaque patient MH, une de ces copies contient une sorte de bégaiement génétique, un fragment répétitif du code proche de l’extrémité du gène qui modifie la façon dont ce gène effectue son travail. Ce qui s’avère être une mauvaise nouvelle – la maladie de Huntington est la conséquence de l’allongement du bégaiement au-delà d’un seuil critique.
Nous ne comprenons pas encore tout à propos de la maladie de Huntington. Que fait normalement le gène MH ? Pourquoi a-t-il un fragment répétitif d’ADN ? Et, qu’est-ce qui provoque l’expansion ? : questions pour lesquelles nous ne disposons pas encore d'un consensus scientifique.
Ce qui est clair et sans l’ombre d’un doute, c’est que chaque patient MH a le même type de mutation : une expansion d’un fragment répétitif d’ADN dans le gène MH. Dans le code qu’utilisent les scientifiques pour décrire des séquences génétiques, les lettres du bégaiement sont abrégées “C-A-G”, ce qui explique pourquoi vous avez peut-être entendu des personnes parler de “répétitions C-A-G”.
Cette certitude génétique est terrifiante pour les familles – si votre mère ou votre père a la maladie de Huntington, vous avez exactement 50% de risque d’hériter de la terrible mutation. Mais, il existe un revers à cette mauvaise nouvelle : cette certitude nous donne une très bonne cible pour essayer de combattre la maladie de Huntington. Dans la mesure où chaque patient MH possède un gène MH muté, pourquoi ne pas essayer de se débarrasser seulement du gène muté ?
Au cours des précédentes générations, vouloir répondre à cette question s’apparentait à demander à quelqu’un de décrocher la lune mais nous vivons dans des temps incroyables. Il apparaît que ce genre de chose pourrait effectivement être possible actuellement car au cours des 20-30 dernières années, des techniques ont été développées par des scientifiques nous permettant pratiquement de réduire au silence un gène donné.
Les scientifiques sont un groupe de curieux. Pendant qu’ils étudiaient la façon dont les cellules réalisaient des tâches particulières, ils ont découvert un large éventail de moyens pour isoler certains gènes. Vous avez peut-être entendu parler des “oligonucléotides antisens (ASOs)” ou des “nucléases à doigt de zinc (ZFNs)”, ou même des “nucléases effectrices de type activateur de la transcription (TALENs)”. L’idée, derrière cet ensemble d’approches, est la même : duper les cellules en isolant le gène MH et seulement ce gène.
«Cette certitude génétique est terrifiante pour les familles – si votre mère ou votre père a la maladie de Huntington, vous avez exactement 50% de risque d’hériter de la terrible mutation. Mais, il existe un revers à cette mauvaise nouvelle : cette certitude nous donne une très bonne cible pour essayer de combattre la maladie de Huntington. »
Isis et ASOs
Un large éventail de scientifiques ont appliqué l’ensemble des approches précitées (et plus !) au problème de la réduction au silence du gène MH. Le programme le plus avancé utilise un type de médicaments appelés “oligonucléotides antisens” ou “ASOs”. En fait, les médicaments ASO sont des petits fragments d’ADN profondément modifiés qui donnent instruction à une cellule de détruire un gène particulier.
Par rapport à certaines autres technologies qui activent ou désactivent des gènes, les ASOs existent depuis fort longtemps. La compagnie possédant le programme de silençage du gène MH le plus avancé est la compagnie Isis Pharmaceuticals, laquelle a été fondée en 1989. Pour ceux d’entre nous qui se souviennent de la chute du mur de Berlin, 1989 pourrait ne pas sembler si lointain mais dans le monde de la biotechnologie c’est du long terme.
L’avantage de toute cette expérience est que la compagnie Isis possède une longue histoire en matière d’application d’ASOs au problème des maladies humaines. Des versions de ses divers médicaments ASO ont été testées chez des milliers d’individus ayant un large éventail de problèmes de santé. Elle a également obtenu avec succès l’approbation d’organismes de réglementation, tels la FDA, pour des médicaments, de sorte qu’elle a une idée réaliste de qu’il faut pour obtenir un médicament pour les personnes.
Heureusement pour nous, la compagnie Isis a développé un médicament ASO, appelé “ISIS-HTTRx” qui cible le gène MH pour le réduire au silence. Des animaux traités avec la version de la souris de ce médicament présentent de remarquables et importantes améliorations des symptômes liés à la MH qui ont beaucoup enthousiasmé les scientifiques.
Le succès des médicaments de silençage MH chez les souris est de la science pure mais en réalité l’exécution d’un essai chez des patients MH est un gros et coûteux problème. La compagnie Isis comprend qu’elle a besoin de partenaires financiers et davantage d’expériences en essais cliniques afin d’obtenir aussi rapidement que possible des médicaments pour les patients. Pour cette raison, elle s’est associée au géant pharmaceutique Roche pour tester ISIS-HTTRx le plus rapidement et avec le plus de compétence possible.
La première étude concernant ISIS-HTTRx
Ainsi que nous l’avons récemment décrit sur HDBuzz (http://en.hdbuzz.net/203), l’obtention de médicaments approuvés est un processus long et compliqué. La première étape de ce long chemin est ce qu’on appelle un essai de Phase 1. Toute étude de phase 1 a un seul objectif essentiel : s’assurer que le médicament expérimental est sans danger pour les individus. Pas pour les souris, les singes, les rats mais pour les individus. Raison pour laquelle la compagnie Isis s’est associée avec le géant pharmaceutique Roche aux fins de tester ISIS-HTTRx le plus rapidement et avec le plus de compétence possible.
Souvent, les études de phase 1 sont menées sur des volontaires sains, mais en l’espèce l’étude de phase 1 concernant ISIS-HTTRx est réalisée chez 36 patients MH au Canada, au Royaume-Uni et en Allemagne. Cela peut sembler être un petit nombre de patients mais rappelez-vous que l’objectif de cette étude est d’établir l’innocuité, de sorte que ce que nous voulons c’est traiter un petit nombre de volontaires aux fins de rechercher d’éventuels problèmes avant de tester le médicament sur un nombre plus grand de patients.
Ceci est particulièrement vrai pour un médicament tel que ISIS-HTTRx, lequel doit être administré directement dans le cerveau. Après de nombreuses expérimentations, la compagnie Isis a développé un plan pour administrer les ASOs directement dans le liquide dans lequel baigne le cerveau, le liquide cérébro-spinal (ou LCS). Dans la mesure où ce liquide circule dans tout le cerveau, l’administration d’une petite quantité du médicament à la base de la colonne vertébrale a pour effet de le transporter dans l’ensemble du cerveau.
De nombreux travaux ont été réalisés sur des animaux et des individus pour comprendre cette méthode d’administration délicate mais, bien entendu, lorsque nous administrons un médicament expérimental dans le cerveau d’une personne, nous devons faire preuve d’une extrême prudence. C’est pourquoi, un nombre relativement petit de patients ont été recrutés pour la première étude de phase 1 concernant ISIS-HTTRx.
Cette question relative à la propagation du médicament dans le cerveau soulève une préoccupation importante. Les données recueillies jusqu’à présent par la compagnie Isis suggèrent que le médicament se diffuse presque partout dans le cerveau mais peu dans une de ses parties appelée le striatum.
C'est dommage car le striatum est la zone du cerveau la plus endommagée dans le cadre de la maladie de Huntington. L’espoir est que la réparation d’autres parties du cerveau par un ASO puisse s’avérer être un gros avantage pour le striatum – savoir si cela est vrai est un des objectifs de ces études.
Que s'est-il passé ?
«Heureusement pour nous, la compagnie Isis a développé un médicament ASO, appelé “ISIS-HTTRx” qui cible le gène MH pour le réduire au silence. »
Alors, quelle est la grande nouvelle ? Simple – La compagnie Isis a annoncé que le médicament ISIS-HTTRx avait été administré avec succès chez les premiers patients. Le Professeur Sarah Tabrizi, investigateur en chef clinique mondial de l’étude à University College London, a déclaré : « Je suis ravie que ce médicament antisens ait été administré en toute sécurité chez les premiers patients. Les familles ravagées par la maladie de Huntington ont attendu cette étape importante depuis des années. Je suis impatiente d’assurer le bon déroulement de ce premier essai et nous espérons voir ISIS-HTTRx accomplir les tests d’efficacité et de licence ».
Cela signifie que l’essai est en cours, et que les premiers volontaires ont été traités sans présenter de complications immédiates. La prochaine année sera une période intense d’étude de ces participants à l’essai afin de s’assurer qu’ils ne présentent pas de complications inattendues suite au traitement. Ceux-ci vont également être examinés selon une série d’évaluations aux fins de savoir si le médicament est efficace, ce qui fournira des informations essentielles pour la planification de futures études portant sur le silençage du gène MH.
Où cela mène-t-il ?
Cette annonce représente une avancée très importante mais il s’agit seulement d’une étape sur la voie de l’élaboration d’une approche de silençage génique dans le cadre de la maladie de Huntington. Si cette étude de phase 1 est un succès et que le médicament s’avère être sans danger, un autre essai devra apporter la preuve que ce médicament a un impact sur les symptômes MH. Et rappelez-vous également que ces essais sont des expériences dont nous ne connaissons pas le résultat – il est possible que le médicament soit sans danger mais n’ait pas assez d’impact dans le cerveau pour influer de manière significative sur les symptômes MH.
Cela semble ardu mais les patients et les familles peuvent être réconfortés par le fait de savoir que la planification de ce prochain essai est déjà en cours. Toute personne impliquée dans ce projet veut, dès que possible, des médicaments MH sûrs et efficaces en clinique.
Cette annonce représente une remarquable avancée dans la longue lutte contre la maladie de Huntington. Nous ressentons un très grand enthousiasme, ainsi qu’un profond sentiment de gratitude envers les chercheurs et les participants à cet essai crucial. Restez à l'écoute de HDBuzz pour davantage de mises à jour ainsi que pour le déroulement de ces essais.