Un médicament pris par voie orale peut changer le cours de l’histoire de la diminution de la huntingtine.
Des chercheurs de PTC Therapeutics ont récemment publié les résultats de recherches passionnantes – un nouveau médicament prometteur pour la diminution de la huntingtine pouvant être pris sous forme de pilule.
Par Dr Sarah Hernandez et Dr Jeff Carroll 15 février 2022 Edité par Dr Rachel Harding Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Initialement publié le 1 février 2022
La diminution de la hungtingtine a attiré beaucoup d’attention dans la recherche MH, et pour une bonne raison. Il s’agissait du premier traitement potentiel mis au point pour cibler directement la cause de la MH – la protéine huntingtine. Mais il existe des limites aux approches actuelles de diminution de la huntingtine : elles nécessitent une administration dans le liquide céphalo-rachidien ou une chirurgie cérébrale pour l’administration, elles peuvent présenter une distribution limitée dans le cerveau et ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique (c’est pourquoi elles nécessitent une ponction lombaire ou une chirurgie cérébrale). Elles ne réduisent pas également la huntingtine à l’extérieur du cerveau, dans les tissus périphériques.
Les scientifiques de la compagnie PTC Thérapeutics ont récemment publié leurs travaux dans la prestigieuse revue Nature Communications, décrivant un ensemble de molécules médicamenteuses qui diminuent la huntingtine et peuvent être prises par voie orale, et montrent une distribution dans le cerveau et l’organisme. Ce sont des résultats qui, il y a encore cinq ans, pourraient ressembler à de la science fiction. Mais dans un monde post 2020, les merveilles ne cessent jamais ! Plongeons donc dans ce que montrent leurs données et ce que cela signifie pour la réduction de la huntingtine.
Une aiguille dans une botte de foin
La compagnie PTC a commencé par cribler une immense bibliothèque de molécules – environ 300 000 molécules différentes ! Ils ont testé chacune de ces molécules sur des cellules issues de patients MH. Il s’agit d’une première phase prometteuse pour l’identification de molécules d’intérêt car elle crible les molécules pour les effets qu’elles auront sur les cellules humaines. Souvent, les médicaments n’agissent pas comme le pensaient les scientifiques si les études n’étaient effectuées que sur des modèles animaux avant d’être testés sur l’homme. La première recherche dans les cellules humaines suggère que les molécules médicamenteuses auront l’effet escompté dans le seul organisme qui nous intéresse, les humains.
La modification du message
A partir de ces 300 000 molécules, les scientifiques de la compagnie PTC se sont concentrés sur deux molécules prometteuses capables de diminuer la huntingtine dans les cellules humaines. Ces deux molécules sont des « modulateurs d’épissage », ce qui signifie qu’elles peuvent diminuer les taux de la huntingtine en modifiant la façon dont est lu le message qui produit la protéine huntingtine. Les scientifiques de la compagnie PTC ont ensuite analysé ces molécules lors de différentes expériences et ont également examiné une molécule très similaire qu’ils ont appelée HTT-C2.
Vous pouvez considérer chaque gène comme un livre d’histoires. Lorsque la séquence du gène, ou de l’histoire, est terminée, la dernière partie indique « Fin » pour signaler à la cellule que la séquence de ce gène est terminée. Ces modulateurs d’épissage fonctionnent en déplaçant la dernière page vers le haut, de sorte que l’histoire indique « Fin » avant la fin de la séquence. Dans la mesure où l’histoire n’a plus de sens, la cellule détruit ce message et ne produit pas la protéine associée. Tout comme vous jetteriez un livre qui n’aurait aucun sens avec une fin prématurée dont vous liriez « il était une fois, Fin ».
Le ciblage sélectif de la huntingtine
Un des inconvénients des médicaments modulateurs d’épissage comme ceux identifiés par la compagnie PTC, par rapport à d’autres approches spécifiquement conçues pour cibler uniquement la séquence huntingtine, sont les « effets hors cible ». Des médicaments, comme HTT-C2, peuvent également modifier l’endroit où « Fin » est placée dans d’autres gènes. Mais, la bonne nouvelle est que le médicament HTT-C2 semble affecter principalement la huntingtine par rapport aux autres gènes à de faible dose. Lorsque des expériences ont été réalisées afin d’examiner tous les gènes des cellules traitées, aucun effet répandu n’a été observé, même à des doses supérieures à celles qui ne seraient jamais utilisées, ce qui suggère que le médicament HTT-C2 est étonnamment capable de discriminer uniquement le gène huntingtin malgré le potentiel de modification des taux d’autres gènes.
«Ce nouveau type d’approche, qui permet de réduire la huntingtine avec une pilule, pourrait changer la donne pour les patients qui hésitaient au sujet des traitements plus invasifs. »
Les effets sont ajustables et réversibles
Mais toutes les expériences précédentes ont été réalisées sur des cellules cultivées en laboratoire. Que passe-t-il lorsque vous administrez le HTT-C2 à tout l’organisme ? A-t-il les mêmes effets ? Peut-il diminuer la huntingtine dans le cerveau ? Pour répondre à ces questions, les chercheurs de la compagnie PTC se sont tournés vers des modèles murins de la MH.
Des souris ont été nourries avec le HTT-C2 tous les jours. Oui, vous avez bien lu – les souris ont pris ce médicament par voie orale. Il s’agit d’une énorme différence par rapport aux précédentes thérapies de diminution de la huntingtine ! Pour ceux qui ont suivi le sujet de la diminution de la huntingtine, les précédentes thérapies nécessitaient soit une ponction lombaire, soit une chirurgie cérébrale, lesquelles ne sont ni l’une ni l’autre idéales. Ce nouveau type d’approche, qui permet de réduire la huntingtine avec une pilule, pourrait changer la donne pour les patients qui hésitaient au sujet des traitements plus invasifs.
Fait encourageant, plus les souris recevaient du HTT-C2, plus la huntigtine était réduite. Il s’agit d’une excellente nouvelle car cela suggère que la posologie du HTT-C2 peut activement être ajustée pour modifier la quantité de huntingtine réduite. Nous ne savons pas à ce jour la quantité au total de huntigtine qui devrait être réduite chez les personnes afin de produire des effets bénéfiques sans être nocifs, il s’agit donc d’un énorme avantage en matière de sécurité – si la huntingtine n’est pas assez réduite, davantage de médicament peut être administré, et si la huntingtine est trop réduite, la posologie peut être réduite.
Autre découverte très intéressante : les effets du HTT-C2 étaient rapidement réversibles. Seulement dix jours après l’interruption du traitement, les taux de huntingtine sont revenus à ceux observés avant le traitement. Il s’agit d’un autre avantage majeur en matière de sécurité – « l’érosion » de ce médicament est très rapide, ce qui signifie que le temps nécessaire au médicament pour quitter le système du patient sera relativement rapide. Si une conséquence négative est observée après l’administration du HTT-C2, les effets peuvent être rapidement inversés. Toutefois, dix jours est la durée d’érosion chez les souris et celle-ci sera probablement différente chez l’homme.
Réduit la huntingtine dans le cerveau et le corps
Le traitement HTT-C2 cible à la fois les copies expansées et non expansées de la huntingtine, contrairement aux approches actuelles basées sur l’ASO de la compagnie Wave Life Sciences, lesquelles cibleront uniquement la copie expansée. Dans la mesure où la copie non expansée de la huntingtine est toujours nécessaire pour effectuer ses tâches normales dans les cellules, il est important de suivre la quantité des deux copies qui est réduite.
Lorsque les chercheurs ont examiné les cerveaux des souris MH ayant reçu une dose de HTT-C2, ils ont constaté une réduction d’environ 50% de la huntingtine expansée et celle non expansée dans l’ensemble du cerveau, en ce compris dans les régions les plus sensibles à la MH, ce qui suggère que le HTT-C2 a un effet dans des zones où il est le plus nécessaire.
Le gène huntingtin est exprimé dans tous les types de cellules du corps et pas uniquement dans le cerveau. Ainsi, bien que l’on connaisse les effets de la MH sur le cerveau, car les changements contrôlent les parties les plus apparentes de la maladie, telle que les changements d’humeur et la chorée, il existe également des effets sur d’autres tissus tels que le cœur et les muscles. Pour cette raison, il peut également être bénéfique de diminuer la huntingtine dans tous les tissus, pas seulement dans le cerveau.
Lorsque les auteurs ont évalué la quantité de huntingtine réduite par le HTT-C2 dans des tissus à l’extérieur du cerveau, ils ont découvert qu’elle était en réalité beaucoup plus élevée que dans le cerveau – elle était réduite de plus de 90% ! Bien que la recherche suggère qu’une réduction de 50% serait tolérée, 90% est probablement trop. Pour des raisons de sécurité, les chercheurs de la compagnie PTC ont encore peaufiné le médicament en modifiant sa structure chimique – d’où un autre médicament qu’ils ont appelé HTT-D3. Lorsque ce médicament est administré aux souris, il montre une diminution de la huntingtine dans le cerveau et le corps à des niveaux égaux d’environ 50%.
Quelle est la prochaine étape pour les modulateurs d’épissage dans le cadre de la MH ?
Les modulateurs d’épissage sont une nouvelle approche très intéressante pour la diminution de la huntingtine. Fait encourageant, un médicament similaire, appelé risdiplam, a déjà été approuvé par la FDA et est actuellement utilisé pour traiter une autre maladie neurodégénérative, l’amyotrophie spinale. Ceci renforce la possibilité que quelque chose de similaire puisse être utilisée pour traiter la MH.
«Les modulateurs d'épissage, comme le HTT-D3 de cet article et le PTC-518 du programme de découverte de médicaments de la compagnie PTC, semblent cocher toutes les cases – ils diminuent la huntingtine à l’intérieur et à l’extérieur du cerveau, ils peuvent être administrés par voie orale, ils contournent la barrière hémato-encéphalique et ils sont sélectifs pour la huntingtine. »
Alors que HTT-D3 a été utilisé comme preuve de concept médicamenteux dans cet article, la compagnie PTC Thérapeutics va de l’avant avec un médicament différent découvert à l’aide de son pipeline. Ce médicament est appelé PTC-158. L’essai d’innocuité de phase 1 pour ce médicament chez des personnes non-MH est en cours mais les résultats intermédiaires suggèrent que l’essai se déroule bien. Jusqu’à présent, le médicament a bien été toléré sans effets indésirables. La huntingtine est impliquée par le médicament et l’expression est réduite proportionnellement à la dose, semblable à ce qui a été observé chez les modèles murins. Leur essai de phase 2 sur des patients MH devrait débuter d’ici la fin de l’année 2022.
Les modulateurs d'épissage, comme le HTT-D3 de cet article et le PTC-518 du programme de découverte de médicaments de la compagnie PTC, semblent cocher toutes les cases – ils diminuent la huntingtine à l’intérieur et à l’extérieur du cerveau, ils peuvent être administrés par voie orale, ils contournent la barrière hémato-encéphalique et ils sont sélectifs pour la huntingtine.
Dans une année de nouvelles difficiles pour la recherche MH, cela semble presque trop beau pour être vrai. Mais pour le moment, les données semblent très prometteuses et la communauté MH attend des nouvelles prometteuses.