Sarah HernandezPar Dr Sarah Hernandez Edité par Dr Rachel Harding Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

La diminution de la huntingtine et l’expansion somatique ont été, au cours de la dernière décennie, deux des sujets brûlants de la recherche sur la maladie de Huntington. Des travaux récents menés par une équipe du Massachusetts General Hospital ont détaillé un chevauchement fortuit entre les deux – certains médicaments diminuant la huntingtine peuvent également aider à réguler l’expansion continue des répétitions du triplet CAG. Apparemment, cela pourrait permettre aux chercheurs de faire d’une pierre, deux coups en utilisant un seul médicament. Mais, il y a plus dans cette histoire.

L’expansion du triplet CAG provoque une toxicité

Les répétitions du triplet CAG au sein du gène huntingtin sont l’acteur néfaste menant à la maladie de Huntington. Cette expansion peut se développer au fil du temps dans certaines cellules, ce qui constitue un phénomène biologique appelé expansion somatique. Nous avons beaucoup parlé de l’expansion somatique ces derniers temps, sur laquelle vous pouvez en apprendre davantage dans cet article récent.

Les modulateurs d'épissage, comme le branaplam et le risdiplam, agissent pour réduire les niveaux de protéines en ajoutant un signal d'arrêt au milieu d'un message génétique. La cellule reconnaît que le signal d'arrêt n’est pas à sa place, que le message n’a pas de sens et ne prend pas la peine de transformer le message en protéine.
Les modulateurs d'épissage, comme le branaplam et le risdiplam, agissent pour réduire les niveaux de protéines en ajoutant un signal d'arrêt au milieu d'un message génétique. La cellule reconnaît que le signal d'arrêt n’est pas à sa place, que le message n’a pas de sens et ne prend pas la peine de transformer le message en protéine.

Une hypothèse actuelle selon laquelle l’expansion du triplet CAG, responsable de la maladie de Huntington, rend les personnes malades est un processus en deux étapes. Dans ce modèle, premièrement, la longueur héritée de l’expansion CAG augmente lentement dans certaines cellules au fil du temps. Deuxièmement, une fois que la longueur de l’expansion CAG atteint un seuil, la toxicité est déclenchée dans la cellule, menant au décès. Ce processus ne semble pas se produire dans toutes les cellules ; c’est pourquoi, certains scientifiques pensent que seules certaines cellules, telles que les cellules cérébrales, tombent malades et meurent dans le cadre de la MH.

Cibler les modificateurs pour contrôler la toxicité

Une vaste étude était publiée en 2015 par le consortium sur les modificateurs génétiques de la maladie de Huntington (GeM-HD), un collectif de scientifiques qui ont mis en commun leurs idées et leurs ressources pour tenter de comprendre pourquoi des personnes ayant le même nombre de triplets CAG pourraient présenter les symptômes de la maladie plus tôt ou plus tard dans la vie. Cette étude a examiné l’ensemble de la constitution génétique de plus de 4 000 personnes atteintes de la maladie de Huntington. Elle a identifié des gènes pouvant influencer le moment où les symptômes de la MH pourraient apparaître. Ils ont surnommé les gènes modifiant l’âge d’apparition des « modificateurs », car ceux-ci modifient le moment où une personne présentera les signes de la maladie.

De nombreux gènes modificateurs ont des liens avec la façon selon laquelle l’ADN est réparé et semblent influencer l’expansion des répétitions du triplet CAG dans le gène MH. Une idée clé issue de l’équipe du consortium GeM-HD et des études ultérieures est que les personnes présentant des changements dans ces modificateurs, qui, selon les scientifiques, ralentiront l’expansion somatique, semblent souffrir plus tard de la MH.

Certains chercheurs pensent que si on peut contrôler des modificateurs afin de ralentir l’expansion somatique, on pourrait empêcher la seconde étape du processus de la maladie de Huntington – la toxicité et la mort cellulaire. Pour cette raison, de nombreux scientifiques ont étudié les gènes modificateurs qui contrôlent l’expansion somatique. L’un de ces groupes est mené par Jim Gusella qui était l’une des personnes clés de l’article du consortium GeM-HD en 2015.

Une étude publiée récemment, menée par Zach McLean de l’équipe de Jim Gusella, détaille quelque chose d’assez curieux. Ils observent que des médicaments pouvant réduire les taux de la huntingtine ont également des effets hors-cible sur des modificateurs contrôlant l’instabilité somatique.

Sur des médicaments diminuant la huntingtine

«Il s'avère que les médicaments branaplam et risdiplam diminuent tous deux la huntingtine et peuvent également ralentir le taux d'expansion du CAG. »

Les médicaments diminuant la huntingtine testés dans cette étude actuelle sont le branaplam et le risdiplam. Ceux-ci sont des petites molécules pouvant être prises par voie orale. Tous deux sont un type de médicament appelé des modulateurs de l’épissage – ils agissent en introduisant un signal d’arrêt au milieu du message huntingtin. La cellule lit ce signal d’arrêt, constate qu’il n’est pas à sa place et n’a pas de sens, et ne prend pas la peine de transformer le message en protéine.

Vos yeux se sont peut-être écarquillés lorsque vous avez vu le nom de branaplam. Il s’agit du même médicament qui a été testé lors de l’essai de phase 2 VIBRANT-HD de la compagnie Novartis, lequel a échoué. Nous avions précédemment évoqué l’arrêt de cet essai pour des raisons de sécurité

Risdiplam est un médicament approuvé par l’agence, utilisé pour le traitement de l’amyotrophie spinale (SMA). Il agit, dans le cadre de cette maladie, en augmentant la quantité d’une protéine qui manque chez des personnes atteintes de la SMA. Le médicament Risdiplam, vendu sous le nom d’Evrysdi, a été approuvé par la FDA au mois d’août 2020 et par l’Agence Européenne des Médicaments au mois de mars 2021. Il a été approuvé pour l’amyotrophie spinale dans environ 80 pays.

Plus intéressant, ce médicament diminue également la huntingtine. Cela signifie que des personnes prennent en toute sécurité un médicament diminuant la huntingtine depuis plusieurs années mais ces personnes ne sont pas atteintes de la MH, ce qui pourrait faire une différence.

La capacité de cible n’est pas synonyme de spécificité

S’agissant de certains modulateurs d’épissage par voie orale diminuant la huntingtine, il est à noter qu’ils ne sont pas spécifiques. Ils ne sont pas mis au point pour cibler uniquement et spécifiquement la huntingtine. Ils fonctionnent en incluant des éléments de messages, tels qu’un signal d’arrêt, pour de nombreux gènes différents. Ces effets hors cible ont amené les scientifiques à soupçonner que ceux-ci pourraient avoir des conséquences inattendues.

Pour mieux comprendre ces conséquences inattendues, l’équipe a ajouté les médicaments Branaplam et Risdiplam à des cellules en culture. Ce qu’ils ont découvert est assez fortuit ! Il apparaît que ces médicaments diminuent tous les deux la huntingtine et peuvent également ralentir le taux d’expansion des CAG. En effet, ceux-ci ciblent également un gène appelé PMS1. Il s’avère que ce gène est l’un de ces modificateurs qui a été identifié dans l’étude du consortium GeM-HD. On pense que les personnes possédant moins de MPS1 commencent à présenter plus tard des symptômes de la MH.

Même si les modulateurs d’épissure diminuant la huntingtine fonctionnent sur le même principe, ils ne sont pas tous identiques. De petites différences dans leur composition changent leur façon de fonctionner. Donc, savoir que l’un ne fonctionnera pas pour la MH ne fournit pas d’indices sur les autres. Bien que semblables, ils sont tous différents.
Même si les modulateurs d’épissure diminuant la huntingtine fonctionnent sur le même principe, ils ne sont pas tous identiques. De petites différences dans leur composition changent leur façon de fonctionner. Donc, savoir que l’un ne fonctionnera pas pour la MH ne fournit pas d’indices sur les autres. Bien que semblables, ils sont tous différents.

Dans les cellules en culture, les médicaments Branaplam et Risdiplam semblent ralentir l’expansion somatique huntingtine en incluant un signal d’arrêt prématuré dans le message du gène PMS1. Pour cette raison, les cellules diminuent la quantité de PMS1 de la même manière qu’elles diminuent la huntingtine. Avec moins de PSM1, il y a moins d’expansion CAG dans la huntingtine. Bien fortuitement !

Tous les modulateurs d’épissage ciblant la huntingtine ne fonctionneront pas de la même manière

L’équipe, à l’origine de cette étude, note qu’il existe des différences entre les médicaments Branaplam et Risdiplam. Bien que le médicament Branaplam cible plus la huntingtine que PMS1, le médicament Risdiplan fait le contraire, ciblant plus PMS1 que la huntingtine. En outre, les effets du médicament Branaplam sur l’expansion somatique semblent se produire uniquement via le gène PMS1 mais le médicament Risdiplam a des effets sur l’expansion en dehors de PMS1.

Ainsi, même si ces deux médicaments ciblent la huntingtine et PMS1, ils possèdent chacun des effets uniques, ce qui signifie qu’ils pourraient également cibler d’autres gènes différemment. Ajoutant à cette complexité, ces médicaments fonctionnent en reconnaissant l’orthographe dans le code génétique. Dans la mesure où nous possédons tous des petites modifications dans notre orthographe génétique, qui nous rendent uniques, ces médicaments peuvent fonctionner différemment selon les personnes. Cette étude souligne la prudence qui s’impose de ce fait.

Un autre médicament similaire non testé lors de cette étude est le PTC-518. Celui-ci fonctionne d’une manière très similaire et est actuellement testé lors d’un essai de Phase 2 mené par la compagnie PTC Therapeutics. Nous ne pouvons rien déduire de ces nouveaux travaux sur ce médicament PTC-518 car il n’a pas été inclus dans l’étude actuelle. Nous ne savons donc pas exactement à quel point il est similaire ou différent des médicaments Branaplam et Risdiplam.

Le gène PMS1 est-il la cible à battre ?

Cette nouvelle étude renforce le gène PMS1 en tant que cible potentielle pour traiter la maladie de Huntington afin de réduire l’expansion somatique. Toutefois, les chercheurs doivent être prudents lorsqu’ils ciblent des gènes qui contrôlent l’expansion somatique. Ces gènes régulent également la manière dont notre ADN est réparé, ce qui est essentiel au maintien de l’intégrité de notre séquence génétique et à la prévention du cancer.

«Vous vous demandez peut-être si ces nouvelles données signifient que le branaplam revient aux essais cliniques pour la MH. La réponse : non. »

Les chercheurs doivent tout d’abord déterminer dans quelle mesure réduire PMS1, ou d’autres gènes contrôlant l’expansion somatique. Ils doivent trouver le seuil idéal pour les diminuer suffisamment afin de ralentir l’expansion somatique et fournir un bénéfice thérapeutique. Cette étude a uniquement évalué PMS1 dans des cellules en culture. Il faudrait ensuite passer aux modèles murins.

Cela signifie-t-il une réapparition du médicament Branaplam ?

Vous vous demandez peut-être si ces nouvelles données signifient que le médicament Branaplam revient dans des essais cliniques dans le cadre de la maladie de Huntington. La réponse courte : non. Même s’il n’est pas prévu dans l’immédiat de tester le médicament Branaplam en clinique dans le cadre de la MH, d’autres modulateurs d’épissage vont de l’avant. Nous pouvons encore en apprendre davantage s’agissant des modulateurs d’épissage diminuant la huntingtine, lesquels progressent grâce à l’étude du médicament Branaplam en laboratoire.

L’étude de ce médicament, ainsi que d’autres possédant des mécanismes d’action semblables, nous permette d’obtenir une meilleure idée sur leurs similitudes et leurs différences. Savoir cela et étudier ceux qui fonctionnent le mieux peut être utile pour identifier d’autres médicaments ayant des effets plus spécifiques sur des cibles de choix. Cela peut également nous aider à mieux comprendre comment nous pouvons réduire les effets secondaires indésirables.

Ainsi, même si cette étude a identifié un effet secondaire positif d’un modulateur d’épissage diminuant la huntingtine, cela ne signifie pas qu’il reviendra en clinique. Toutefois, savoir que des médicaments diminuant la huntingtine peuvent également cibler l’expansion somatique pourraient éclairer les essais cliniques en cours et futurs utilisant cette classe de médicament, menant peut-être au développement de médicaments qui ciblent d’une pierre, deux coups.

Sarah est une employée de la Hereditary Disease Foundation, qui a fourni ou fournit un financement à plusieurs chercheurs répertoriés dans cette publication. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...