Progrès sur plusieurs fronts dans la lutte contre la protéine qui cause la maladie de Huntington
Cet automne, plusieurs entreprises (Wave, PTC et Voyager entre autre), qui tentent de mettre au point de nouvelles technologies de diminution de la huntingtine, ont fait des annonces.
Par Dr Jeff Carroll 9 décembre 2018 Edité par Dr Tamara Maiuri Traduit par Marc Ciosi Initialement publié le 4 décembre 2018
Il y a eu une série d'annonces enthousiasmantes de la part d'Ionis et Roche/Genetech à propos de leur programme visant à évaluer un médicament qui réduit la production de la protéine huntingtine - mais ils ne sont plus les seuls sur le coup. Récemment, plusieurs autres entreprises - entre autre Wave Life Sciences, PTC Therapeutics, et Voyager Therapeutics, ont fait de grandes annonces à propos de leurs programmes de diminution de la huntingtine. Il se passe beaucoup de choses, et HDBuzz est là pour aider à démêler toutes ces approches.
Diminution de la huntingtine
Le but de toutes ces approches est de réduire la quantité de la protéine huntingtine dans les cellules du cerveau. La protéine huntingtine est une petite machine produite par les cellules qui suivent le plan qui se trouve dans le gène MH. C'est la protéine huntingtine mutée, et non la mutation dans l'ADN, que la plupart des chercheurs croient être à l'origine du dysfonctionnement des cellules cérébrales responsable de la maladie.
Avant d'aller plus avant, un rappel rapide sur le fonctionnement de ce processus est nécessaire. Les cellules suivent les instructions contenues dans l'ADN, mais ne l'utilisent pas directement pour fabriquer une protéine : elles copient les instructions contenues dans l'ADN dans une sorte de copie temporaire de l’information génétique, fabriquée à partir d’un produit chimique similaire appelé ARN. Les scientifiques appellent cette copie temporaire ARN messager ou ARNm en abrégé.
Les instructions contenues dans le gène MH, dans notre ADN, sont donc copiées en ARN messager qui est ensuite interprété par la cellule pour construire la protéine huntingtine. Un peu déroutant, mais ça marche !
Si vous ne devez vous souvenir que d'une seule chose, souvenez-vous de ceci : n'importe quelle rupture dans cette chaîne empêchera les cellules de fabriquer la protéine huntingtine. Lors d'études chez l'animal, la diminution de la protéine huntingtine a entraîné une nette amélioration des symptômes de type MH.
Cette approche de la thérapie de la MH s'appelle diminution de la huntingtine et est la base du programme Ionis/Roche et du prochain grand essai clinique de phase 3. Cependant, au moins trois autres entreprises ont récemment annoncé des avancées intéressantes de diverses approches de diminution de la huntingtine.
L'approche ciblée de Wave
«L'approche de Wave cible de petites différences génétique qui existe entre la copie mutée et la copie non-mutée du gène MH, hors de la portion de CAG répétés qui cause la MH. Ces petites fautes d'orthographe génétiques correspondent à de la variation génétique normale chez l'Homme, et semblent n'avoir aucun impact sur les symptômes de MH. Cependant, ces petites différences fournissent une cible pour un ASO qui peut faire la différence entre les deux copies (mutée et non-mutée) de l'ARN messager de la huntingtine. »
Tout d’abord, ce n’est pas un, mais deux essais cliniques de Wave Life Sciences. Nous avons écrit à propos de l'approche de Wave ici. À l'instar du médicament Ionis/Roche / Genentech actuellement testé sur des patients atteints de la MH, la technologie de Wave repose sur des oligonucléotides antisens (ASOs) - de petits fragments d'ADN fortement modifiés qui pénètrent dans les cellules, trouvent des ARN messagers particuliers et les détruisent.
Comme dans l’essai clinique de Ionis/Roche, Wave vise à détruire l’ARN messager de la protéine huntingtine dans l'espoir d'améliorer les symptômes de la MH. Mais Wave a choisi une approche légèrement différente. Souvenez-vous que presque tous les patients atteints de la MH ont une copie mutée du gène MH, mais également une copie non-mutée. Le médicament Ionis/Roche cible les deux copies ce qui diminue la version mutée de la protéine huntingtine, mais également la version non-mutée.
L'approche de Wave cible de petites différences génétique qui existe entre la copie mutée et la copie non-mutée du gène MH, hors de la portion de CAG répétés qui cause la MH. Ces petites fautes d'orthographe génétiques correspondent à de la variation génétique normale chez l'Homme, et semblent n'avoir aucun impact sur les symptômes de MH. Cependant, ces petites différences fournissent une cible pour un ASO qui peut faire la différence entre les deux copies (mutée et non-mutée) de l’ARN messager de la huntingtine.
Dans un monde parfait, cibler uniquement le gène HD muté est bien entendu préférable. Dans nos cellules, le gène MH non-muté joue plusieurs rôles importants que nous ne comprenons pas parfaitement. S'il est tout aussi facile de ne supprimer que la copie mutée, c'est ce que nous devrions faire.
Cependant, il y a toujours un compromis. Pour la diminution de la huntingtine, ce compromis est que tous les patients atteints de MH ne sont pas éligibles pour les ASOs développés par Wave. Pour que leur approche fonctionne, une personne doit avoir hérité la mutation de la MH et aussi une des fautes d'orthographe génétiques que le médicament de Wave cible.
Wave a réalisé des études dans les cliniques de la MH, et a montré que jusqu'à deux tiers des patients atteints par la MH pourraient être éligibles au traitement avec un des deux ASOs que Wave a développé. Chacun de ces ASOs cible une différence génétique particulière, et avoir deux médicaments leur permet d'utiliser leur approche sur une partie plus grande la population de patients atteints par la MH.
Ils sont en train de tester la sécurité de ces deux premiers ASOs visant la diminution de la huntingtine mutée chez des patients au Canada, en Europe et au États-Unis. Comme le premier essai clinique Ionis/Roche, le but de ces tests est de déterminer si ces médicaments sont sans danger. Si c'est le cas, ils réaliseront ensuite des essais cliniques de plus grande envergure pour tester leur capacité à améliorer les symptômes de la MH.
Nous avons également entendu dire de la part de Wave qu'ils travaillent sur un autre OSAs, ciblant encore une autre différence génétique dans le gène de la MH. Ce troisième médicament n'est pas encore testé chez l'Homme, mais fourni un espoir supplémentaire pour ceux qui ne seraient pas éligibles pour les deux autres médicaments de Wave. En 2019, nous espérons entendre les mises à jour préliminaires à propos des tests de sécurité chez l'Homme pour les deux premiers essai clinique de Wave, mais aussi plus de détails sur leur programme de développement du troisième ASO.
C'est quoi le P-T-C?
Il n'y a pas que les ASOs dans le monde de la diminution de huntingtine. Lors de la réunion du réseau européen pour la Maladie de Huntington (European Huntington’s Disease Network - EHDN) à Vienne, cet automne, Anu Bhattacharyya, de PTC Therapeutics, a présenté les progrès encourageant de PTC, qui tente également de développer une approche de diminution de la huntingtine pour le traitement de la MH.
«PTC est en train de développer ce que les chercheurs appelles une petite molécule, ce qui signifie un médicament qui, espérons-le, pourra être pris sous forme de pilule, pour diminuer le niveau de l'ARN messager d'huntingtine. Il y a quelques années cela aurait ressemblé à de la science-fiction mais plusieurs entreprises ont décrits des médicaments expérimentaux avec lesquels cette approche semble fonctionner. »
L'approche de PTC est totalement différente de l'approche ASOs en développement chez Wave et Ionis/Roche. Tous les autres programmes impliquent des injections dans le cerveau ou la colonne vertébrale - ça vaut le coup s'ils fonctionnent, mais c'est beaucoup plus invasif que ce qu'on aimerait voir au final. PTC est en train de développer ce que les chercheurs appellent une petite molécule, ce qui signifie un médicament qui, espérons-le, pourra être pris sous forme de pilule, pour diminuer le niveau de l’ARN messager d'huntingtine. Il y a quelques années cela aurait ressemblé à de la science-fiction mais plusieurs entreprises ont décrits des médicaments expérimentaux avec lesquels cette approche semble fonctionner.
PTC est à l’avant-garde des entreprises qui développent cette nouvelle approche d’interférence avec des ARN messagers particuliers, et ils ont les yeux rivés sur la MH. Ils ont développé un médicament qui réduit les niveaux de la protéine huntingtine dans des cellules en culture. Pour la première fois, à l'EHDN, Bhattacharyya a révélé que ces médicaments agissaient également dans le cerveau de souris vivantes - ce qui suggère que les médicaments vont de l'estomac jusqu'au cerveau, ce qui est un accomplissement considérable.
Ce qui est particulièrement cool, c'est que, même si un médicament pris sous forme de pilule réduit la huntingtine dans le cerveau moins efficacement qu'un médicament injecté, ça pourrait quand même être vraiment utile. Une pilule qui diminuerait la huntingtine pourrait signifier que des injections dans la colonne vertébrale d'un médicament plus puissant pourraient n'être nécessaires que tous les six ou douze mois, par exemple, au lieu de tous les un ou deux mois.
Le programme de PTC est toujours au stade des tests sur animaux et n'est donc pas aussi avancé que ceux d'Ionis/Roche et Wave. Mais c’est une approche véritablement enthousiasmante qui pourrait offrir de réels avantages s’il est prouvé qu’elle est sûre et efficace lors d’essais cliniques. PTC semble aussi être en traind de planifié l'avenir. Bhattacharyya a déclaré à l'auditoire d'EHDN que l'objectif de PTC était de commencer les études de sécurité chez l'Homme avant 2020. Il est encourageant de constater que PTC a fait ses preuves avec deux médicaments oraux approuvés pour le traitement de la dystrophie musculaire, une autre maladie génétique du système nerveux.
Voyager
Lors d'une autre conférence cet automne - le congrès de la Société européenne de thérapie génique et cellulaire - nous avons eu des nouvelles enthousiasmante de Voyager Therapeutics à propos de leur programme de diminution de la huntingtine. Voyager est une entreprise de biotechnologie axée sur l'utilisation de la thérapie génique pour traiter les maladies du cerveau, y compris la MH.
La thérapie génique fonctionne d'une façon très différence des ASOs ou des petites molécules. La thérapie génique s'appuie sur de minuscules virus inoffensifs pour délivrer de nouvelles informations génétiques aux cellules - dans ce cas, les cellules du cerveau. Les virus sont très efficaces pour se glisser dans les cellules. Du coup, des chercheurs ont trouvé le moyen de les modifier pour qu'ils délivrent des choses bénéfiques dans différentes cellules du corps.
L'équipe de chercheurs de Voyager a construit des virus qui délivrent les instructions qui indiquent aux cellules du cerveau comment faire un morceau particulier d’ARN qui va ensuite chercher l'ARNm de la huntingtine et le détruire. En pratique, le virus reprogramme les cellules pour qu’elles deviennent des usines produisant une dose quotidienne d'un médicament qui fonctionne comme les ASOs dont nous avons parlé plus haut.
Cette approche présente un avantage énorme : le traitement ne doit être administré qu’une fois. Une fois traitée, la cellule cérébrale produira, en théorie, la molécule diminuant la huntingtine indéfiniment. Si elle est sûr et efficace, ce sera évidemment mieux que de recevoir des injections mensuelles dans le liquide céphalo-rachidien ou même de prendre une pilule chaque jour.
Cependant, cette approche présente quelques inconvénients potentiels. Premièrement, cela pourrait s'avérer dangereux d'une manière que nous ne pouvons pas prévoir pour le moment. Et comme le traitement n'est pas réversible, nous devons redoubler de prudence en matière de sécurité pour les essais de thérapie génique. Deuxièmement, bien qu’il soit assez facile d’introduire ces virus piratés dans la plupart des cellules d’un petit cerveau de souris, il est beaucoup plus difficile de le faire pour les 86 milliards de neurones du cerveau humain.
«L'équipe de chercheurs de Voyager a construit des virus qui délivrent les instructions qui indiquent aux cellules du cerveau comment faire un morceau particulier d'ARN qui va ensuite chercher l'ARNm de la huntingtine et le détruire. En pratique, le virus reprogramme les cellules pour qu’elles deviennent des usines produisant une dose quotidienne d'un médicament qui fonctionne comme les ASOs dont nous avons parlé plus haut. »
C'est ce qui rend les nouvelles rapportées par les scientifiques de Voyager particulièrement intéressantes. Ils ont rendu compte d'expériences menées sur des singes, dont le cerveau est complexe et beaucoup plus proche du nôtre. Voyager a mis au point des techniques chirurgicales qui permettent au virus de se propager à travers une grande partie du cerveau de singe, à la fois les structures cérébrales profondes et le cortex - la partie ridée à la surface du cerveau.
Il s'agit d'une avancée particulièrement importante, car les médicaments à base de médicaments ASOs ont relativement peu d'effet sur les structures cérébrales profondes visées par Voyager, mais jouent un rôle clé dans la MH. Les expériences de Voyager révèlent également une très bonne suppression du gène de la huntingtine de singe - des diminutions d'environ deux tiers dans les structures cérébrales profondes et d'environ un tiers dans les cellules cérébrales corticales externes. Il s'agit là de diminutions décentes, et on pourrait espérer que l'obtention de résultats similaires chez les patients atteints de MH pourrait offrir de réels bienfaits.
A l'instar de l'essai Ionis/Roche, Voyager envisage de diminuer la copie mutée et non-mutée du gène MH. En prenant cela en compte, et parce que leur traitement ne peut pas être arrêté après son administration, cette approche nécessite un développement extrêmement prudent. Il semble que Voyager avance prudemment avec toutes ces études sur les singes.
Ce qu'il faut retenir
L'enthousiasme de la communauté de la MH à propos de l'étude en cours sur Ionis/Roche/Genentech est justifié. Tout le monde, y compris HDBuzz, espère beaucoup que cette étude apportera des avantages aux patients atteints de MH. Mais comme le montrent ces avancées récentes, Ionis/Roche/Genentech ne sont plus les seuls sur le coup. Il existe d’autres approches de diminution de la huntingtine qui ne sont pas aussi avancées, mais qui ont des avantages potentiels.
Donc, pour résumer : il existe deux programmes d’essais en cours avec des ASOs diminuant la huntingtine chez les patients. L'un d'eux, qui cible les deux copies du gène MH (Roche/Genentech), a réussi le test de sécurité et sera bientôt testé vérifier son efficacité. L'autre cible uniquement la copie mutée du gène (Wave) et fait actuellement l'objet de tests de sécurité. En plus de cela, il y a des essais de thérapie génique à traitement unique faisant l'objet d'études approfondies de securité en préparation d'essais sur l'Homme (Voyager et autres), ainsi qu'une approche de petite molécule vraiment nouvelle (PTC).
Le fait de développer plusieurs approches n'augmente pas seulement les chances de réussite - il offre également la possibilité que plus d'une fonctionnent. Cela offre un avenir où des combinaisons de médicaments pourraient être utilisées pour produire le plus d'avantages possibles au moindre risque possible. Les approches combinées ont fait leurs preuves pour d’autres maladies comme le VIH, le cancer et le diabète. En ce qui concerne les médicaments en développement et les médicaments efficaces, plus c'est plus.