Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski Edité par Dr Tamara Maiuri

Aujourd'hui, le premier manuscrit décrivant un essai de diminution de la huntingtine chez des patients atteints de la maladie de Huntington a été publié. Cette étude, financée par Ionis et Roche, a clairement démontré la capacité des chercheurs à réduire en toute sécurité la protéine huntingtine mutante dans le liquide céphalorachidien. Un aperçu de ces résultats a déjà été présenté mais ce manuscrit fournit de nouvelles informations importantes sur les résultats de ce remarquable essai. Qu'avons-nous appris ?

La diminution de la huntingtine : un bref historique

La maladie de Huntington est causée par une seule mutation dans un gène appelé gène MH. Comme la plupart des gènes, le gène MH est utilisé par des cellules pour créer une petite machine cellulaire appelée protéine, dénommée huntingtine. La mutation génétique, responsable de la MH, modifie cette protéine, que nous appelons huntingtine mutante.

Cet article, publié ce jour, décrit les résultats d’une étude d'innocuité réalisée avec un ASO
Cet article, publié ce jour, décrit les résultats d’une étude d'innocuité réalisée avec un ASO

Bien que les symptômes de la MH soient complexes, la génétique de cette maladie est assez simple : si vous héritez d'une seule copie mutée du gène MH de votre mère ou de votre père, vous développerez la MH. Dans la mesure où nous savons qu'il faut hériter d'un gène MH mutant pour développer les symptômes MH, pourrions-nous interférer avec le processus de fabrication de la protéine huntingtine mutante ? Si tel est le cas, cela pourrait-il ralentir ou empêcher la progression de la maladie de Huntington ?

Cette approche générale, que nous appelons la diminution de la huntingtine, a été un objectif majeur des chercheurs MH depuis de nombreuses années, et plusieurs compagnies poursuivent cet objectif. Deux compagnies, Ionis et Roche Pharma, mènent le programme le plus avancé en collaboration avec un certain nombre de chercheurs universitaires du monde entier dirigés par le Professeur Sarah Tabrizi de l'University Collège London.

Nous avions déjà discuté des premiers résultats de la première étude chez l'homme réalisée par Ionis et Roche ici, mis à jour par la suite ici et ici.

Très intéressant, le premier manuscrit officiel décrivant ces efforts de diminution de la huntingtine chez les patients MH a été publié aujourd'hui, et celui-ci fournit de nouvelles informations sur le premier essai. Cet essai visait à déterminer si le traitement avec un médicament de diminution de la huntingtine, appelé un oligonucléotide antisens ou ASO, est sans danger.

Critères de jugement, critères de jugement, critères de jugement

Comme tout essai clinique, cette étude comprenait un certain nombre de critères de jugement. Les critères de jugement ne sont que l'objectif, ou le but, que vous souhaitez que votre étude atteigne. Cela pourrait, dans les futurs essais MH, inclure des choses comme l'amélioration du mouvement ou de la pensée. Mais pour un nouveau médicament qui n'a jamais été testé chez l'homme, le critère de jugement est toujours la sécurité, la sécurité, la sécurité.

Officiellement, les chercheurs disent que la sécurité est le critère de jugement principal de l'étude. Cela signifie simplement que c'est le seul critère que nous utiliserons pour déterminer si l'essai est un succès ou un échec. Si le médicament s'avère dangereux, l'essai échoue, s'il n'existe pas de problèmes de sécurité, l'étude est un succès.

Bien que nous aimerions, bien évidemment, savoir en même temps si un médicament est sans danger et s'il présente un bénéfice pour les symptômes MH, nous ne pouvons pas atteindre les deux objectifs au cours d'une seule étude. C'est pourquoi il convient d'avoir un grand nombre de participants, plusieurs centaines, pour savoir si un médicament influe sur les symptômes MH. Mais pour une étude d'innocuité, nous voulons traiter le plus petit nombre raisonnable de personnes afin de limiter le nombre de personnes exposées au risque associé au fait de tester un médicament pour la première fois chez l'homme.

Bien que les essais aient généralement un critère de jugement principal, les chercheurs sont curieux de connaître les autres effets possibles de leur médicament sur les changements liés à la MH. Ces autres mesures sont appelées critères de jugement secondaires : ce terme nous permet de nous rappeler que l'objectif principal de l'essai est de déterminer la sécurité mais nous souhaitons examiner de nombreuses mesures secondaires.

Cette étude comprenait un grand nombre de critères de jugement secondaires axés sur les symptômes MH des participants, des scanners cérébraux et des tests en laboratoire afin d'évaluer des marqueurs spécifiques dans le sang et le liquide céphalorachidien. Le nouveau manuscrit est passionnant car nous avons eu pour la première fois la chance d'examiner des données brutes produites dans l'étude. Les résultats intéressants de certains critères de jugement secondaires sont discutés ci-après, mais il est important de rappeler que l'innocuité était l'objectif principal de toutes les personnes travaillant sur cet essai.

Aucun évènement indésirable grave

«Dans la mesure où nous savons qu'il faut hériter d'un gène MH mutant pour développer les symptômes MH, pourrions-nous interférer avec le processus de fabrication de la protéine huntingtine mutante ? Si tel est le cas, cela pourrait-il ralentir ou empêcher la progression de la maladie de Huntington ? »

Les données publiées dans ce nouveau document soutiennent dans l'ensemble l'innocuité du médicament, appelé Htt-Rx, chez des patients MH. La mesure des résultats d'innocuité la plus importante est une liste de ce que les chercheurs appellent évènements indésirables. Ceux-ci peuvent concerner tout ce qui cause de la détresse chez les personnes, allant de léger (céphalée qui disparaît en quelques jours sans traitement) à grave (crise cardiaque ou tentative de suicide).

Bien entendu, dans tous les groupes d'une dizaine de personnes suivies de près sur plusieurs mois, des évènements indésirables risquent de se produire. C'est pourquoi avoir un groupe placebo, ou groupe au traitement factice, est si important dans des études comme celle-ci. En comparant le rythme auquel les personnes participant à l'essai ressentent des évènements indésirables, nous pouvons déterminer s'ils surviennent plus fréquemment chez les personnes ayant reçu le médicament réel, par opposition aux injections avec placebo.

Aucun effet indésirable n'a été observé dans les groupes participant à l'essai. Il est intéressant de noter qu'aucun participant ne s'est retiré de l'étude, suggérant que les personnes participant à l'essai se sentaient capables de supporter des injections répétées dans la colonne vertébrale et les nombreux tests.

De légers effets indésirables sont apparus au cours de l'étude mais les personnes recevant un traitement placebo étaient tout aussi susceptibles de les ressentir que des personnes recevant le médicament, ce qui suggère que ces effets ne sont pas engendrés par le médicament lui-même mais plutôt par la procédure d'injection dans le liquide céphalorachidien, ou tout simplement par la malchance. L'effet indésirable observé le plus couramment était une céphalée post-traitement, laquelle peut parfois survenir après une injection dans le liquide céphalorachidien.

Changements NfL

Cette étude a utilisé plusieurs tests récemment développés qui soulèvent certains problèmes de sécurité méritant une étude supplémentaire. L'équipe a tout d'abord évalué les taux d'un marqueur appelé neurofilament à chaîne légère, ou NfL, dans le liquide céphalo-rachidien des personnes participant à l'étude. Ce marqueur est libéré par des cellules cérébrales, appelées neurones, malades ou endommagées, et les chercheurs ont déjà démontré que le taux de celui-ci augmentait lentement et de manière prévisible chez les porteurs de la mutation MH (évoqué par HDBuzz ici).

Il est intéressant de noter qu'il y avait une brève augmentation des taux de NfL chez les patients recevant une dose plus élevée d'ASO, suggérant une sorte de stress sur les neurones après l'administration d'une dose élevée du médicament. Selon les données présentées dans le document, cette augmentation de NfL est revenue à la normale au cours de l'étude, même si les personnes ont continué à recevoir des injections médicamenteuses. La signification de ceci n'est pas claire : les chercheurs évaluaient le NfL dans l'espoir d'observer éventuellement une réduction de ses taux et non une augmentation. Toutefois, l'augmentation était relativement faible et semble être revenue à la normale.

Cette augmentation du NfL dans le liquide céphalorachidien est étrange, franchement, et vous pouvez être sûrs que les chercheurs du groupe Roche réfléchissent à la manière d’aller au fond des choses dans les études plus longues et en cours portant sur ce médicament. S'il existait un quelconque signe de ce que cette augmentation des taux de NfL serait associée à des effets néfastes sur le fonctionnement du cerveau, nous le saurions maintenant, de sorte que cela ne semble pas être le cas.

Changements de l'imagerie cérébrale

Un autre résultat méritant une étude supplémentaire résulte de l'imagerie cérébrale appelée imagerie par résonance magnétique ou IRM. Ce type de scanner cérébral utilise des aimants énormes pour capturer une image de la forme des cerveaux des participants. De nombreuses années de travail par les chercheurs MH ont défini des changements très précis de la forme du cerveau se produisant au fur et à mesure que progresse la maladie de Huntington. L'un de ces changements est une augmentation progressive de la taille des ventricules cérébraux (les cavités remplies de liquide dans le tissu cérébral). Au cours de la maladie de Huntington, ces cavités semblent grossir à mesure que le tissu qui les entoure se contracte.

Dans les groupes recevant les doses les plus élevées, le volume de ces cavités remplies de liquide a en fait augmenté au cours de l'étude, ce qui est l'effet inverse de ce que l'on pourrait espérer si le médicament ralentissait l'atrophie du cerveau. Cet effet pourrait être une réponse réelle au traitement ASO ou être généré par des changements physiques inattendus dans le cerveau dus à un autre aspect de l'administration de fortes doses d'ASO, et n'a donc rien à voir avec la maladie de Huntington.

Tout comme la brève augmentation de NfL, l'impact de ces modifications cérébrales n'est pas encore clair. Ce qui est clair, c'est que celles-ci ne sont pas associées à des modifications du fonctionnement du cerveau, selon les dires des chercheurs dans cette étude initiale.

Ce graphique, élément clé du document, décrit la relation entre la dose d'ASO administrée aux patients et la quantité de huntingtine dans le liquide céphalorachidien.
Ce graphique, élément clé du document, décrit la relation entre la dose d'ASO administrée aux patients et la quantité de huntingtine dans le liquide céphalorachidien.

Afin de faire toute la lumière sur ces tests de laboratoire potentiellement préoccupants, il faut un groupe de personnes plus important, suivi sur une plus longue période. C’est précisément pour cette raison que Roche et Ionis mènent une nouvelle étude plus vaste, l’étude GENERATION-HD1, dont nous avons couvert l’annonce sur HDBuzz ici.

Où vont les ASOs ?

Un autre résultat majeur de cette étude est une meilleure compréhension de la manière dont les ASOs se déplacent dans le corps après avoir été injectés dans le liquide céphalorachidien. Ionis et Roche ont, sur la base d'un grand nombre d'études sur les animaux, mis au point un programme informatique afin de prédire la quantité d’ASOs pouvant être détectée dans le liquide céphalorachidien (et le cerveau) après une injection chez des personnes.

Des modèles comme celui-ci sont vraiment importants car ils permettent aux chercheurs de planifier la quantité de médicament à injecter et la fréquence des injections afin de maintenir les taux du médicament suffisamment élevés pour qu'il réalise son travail. Dans l'étude portant sur le médicament Htt-Rx, les chercheurs ont mesuré la quantité d’ASOs dans le liquide céphalorachidien (et dans le sang où ils apparaissent lorsqu'ils sont éliminés).

Ces résultats ont démontré que le programme informatique permettait de prédire avec précision la quantité d’ASOs restant dans le liquide céphalorachidien. Cela nous donne l'assurance que la quantité d’ASOs injectée et la fréquence des injections sont basées sur de bonnes hypothèses. Cela réduira la quantité de suppositions impliquées dans la planification des prochains essais avec ce médicament.

Knock-down de la huntingtine mutante

L'objectif général de tous ces travaux est de réduire les taux de la huntingtine mutante dans le cerveau. Malheureusement, il n'existe pour le moment aucun moyen direct d'évaluer la huntingtine mutante dans le cerveau de patients encore en vie. Le tissu cérébral est irremplaçable, de sorte que nous ne pouvons pas en prélever un échantillon pour déterminer la quantité de huntingtine mutante présente.

Heureusement, nous pouvons le deviner en évaluant les taux de la huntingtine mutante dans le liquide céphalorachidien. Ce liquide clair dans lequel baigne le cerveau, circule et entre en contact avec notre cerveau tout au long de la journée.

Pour des raisons encore peu claires, une infime quantité de huntingtine mutante est présente dans le liquide céphalorachidien des patients MH. Notre meilleure hypothèse actuelle est que cette huntingtine mutante provient du cerveau lui-même plutôt que d'une autre source. Les chercheurs ont donc mis au point des tests très sensibles afin d'évaluer les taux de la huntingtine mutante dans le liquide céphalorachidien, afin de fournir une indication sur les niveaux de huntingtine mutante dans le cerveau.

Le traitement avec des ASOs a entrainé une diminution très nette des taux de la huntingtine mutante dans le liquide céphalorachidien. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une preuve directe de la diminution de la huntingtine dans le cerveau, il s'agit de la meilleure preuve que nous puissions espérer pour suggérer que le médicament a permis de diminuer les taux de huntingtine.

«Le traitement avec des ASOs a entrainé une diminution très nette des taux de la huntingtine mutante dans le liquide céphalorachidien »

Qu'en est-il des symptômes MH ?

Enfin, les investigateurs ont examiné la relation entre le traitement Htt-Rx et les symptômes MH. Rappelez-vous, la durée de l'étude et le nombre de participants sont intentionnellement bas afin de minimiser le risque associé au fait de tester un médicament pour la première fois chez des personnes ; ce qui signifie qu'il n'y a pas assez de personnes participant à l'étude - et elles n'ont pas été suivies assez longtemps - pour prendre une position définitive sur les modifications observées sur les symptômes. Et, en effet, il n'y a pas de grande différence dans les symptômes évalués chez les participants au cours de cette courte étude.

Grâce aux tests de laboratoire récemment développés pour évaluer la huntingtine mutante dans le liquide céphalorachidien, nous avons une idée de l'ampleur de la diminution de la huntingtine mutante produite chez chaque patient. Au début de l'exploration de leurs données, les chercheurs ont examiné la relation entre la quantité de huntingtine mutante ayant diminué dans le liquide céphalorachidien chez chaque participant et la gravité de leurs symptômes MH.

Certaines corrélations intrigantes ont été observées - notamment, les personnes présentant la plus grande diminution de la huntingtine mutante avaient également de meilleurs symptômes. Les chercheurs soulignent, à juste titre, que ces résultats doivent être pris avec un grain de sel jusqu'à ce que nous examinions un groupe plus longtemps mais il est très intéressant de constater que des réductions plus importantes de la huntingtine sont corrélées avec de meilleurs symptômes MH.

En conclusion

L'étude décrite dans ce nouveau manuscrit représente un investissement considérable en temps, efforts et espoir de la part de toutes les personnes impliquées. Les 46 volontaires et leurs familles méritent une immense gratitude de la part de la communauté MH car ils ont pris des risques en testant un médicament pouvant potentiellement traiter la cause sous-jacente de la maladie. Les médecins et les chercheurs des laboratoires universitaires, chez Roche et plus particulièrement chez Ionis, méritent également des félicitations pour la mise au point de ces médicaments et leur apport aux patients pour qu'ils soient testés.

Qu'avons-nous appris à la suite de tout ce dur travail ? Premièrement, il est possible de diminuer la huntingtine mutante dans le système nerveux des patients MH. C'est la première fois que nous sommes en mesure de diminuer, de manière ciblée, les niveaux de la protéine responsable de la maladie de Huntington. Deuxièmement, nous en avons énormément appris sur le fonctionnement des ASOs dans le corps, combien de temps ils restent dans le liquide céphalorachidien et dans le sang, ce qui sera utile pour concevoir de futures études avec une distribution plus ciblée des médicaments

Le critère de jugement principal de l'essai, à savoir l'innocuité du médicament, a été atteint. Il n'existe aucun effet indésirable grave associé à cet ASO administré dans le liquide céphalorachidien des patients MH. Il existe certains tests de laboratoire, comprenant le NfL et la taille des ventricules cérébraux, qui soulèvent certaines questions devant être abordées dans des études ultérieures. Heureusement, ces tests de laboratoire n'étaient pas associés à des modifications du fonctionnement du cerveau que nous pouvons évaluer.

En bref, les résultats de la première étude portant sur un médicament ciblant la cause première de la MH publiés maintenant sont un grand pas en avant pour la communauté. Ils suggèrent des améliorations et des mises en garde que nous devrions prendre en considération lorsque nous testons le médicament dans des groupes plus importants de patients MH sur une période plus longue. En fait, les prochaines études portant sur ce médicament sont déjà en cours, ce qui suggère que toutes les personnes concernées s’efforcent de déterminer le plus rapidement possible si ces médicaments sont à la fois sûrs et efficaces contre la MH.

Le Dr Carroll a collaboré avec Ionis Pharmaceuticals dans le cadre d'études sur des ASOs ciblant la huntingtine chez la souris. Le personnel d'Ionis n'a pas participé à la décision d'écrire cet article, ni à son contenu. Le Dr Wild, cofondateur de HDBuzz, était un chercheur dans le cadre de l’étude portant sur Htt-Rx ici décrite. Il n’a pas participé à la décision d’écrire cet article, ni à son contenu. Dr. Maiuri, éditeur de cet article n'a aucun conflit à déclarer. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...