Par Dr Leora Fox et Dr Rachel Harding Edité par Dr Rachel Harding Traduit par Michelle Delabye & Dominique Czaplinski

Le 20 janvier 2022, la société ROCHE a partagé un ensemble de données, tant attendues, sur l’essai GENERATION-HD1 concernant le médicament Tominersen, un médicament de diminution de la huntingtine. Bien que l’essai n’ait pas atteint ses principaux objectifs et que des dosages trop fréquents aient même pu aggraver l’état des patients, de nouvelles découvertes nous ont donné des raisons d’espérer que le médicament pourrait encore bénéficier à certaines personnes MH. En particulier, des participants plus jeunes présentant des symptômes moins graves pourraient avoir mieux résisté à l’essai que les autres. La société ROCHE continuera, pour cette raison, à développer le médicament Tominersen afin de le tester lors d’un nouvel essai de phase 2.

Que savions-nous ?

La société ROCHE est l’une des nombreuses compagnies qui étudient des thérapies de diminution de la huntingtine avec l’espoir que ces nouveaux médicaments puissent être utilisés pour traiter les personnes atteintes de la maladie de Huntington. Les médicaments de diminution de la huntingtine espèrent faire exactement ce qu’ils disent sur la boîten ; ils utilisent un certain nombre d’astuces chimiques afin de diminuer les taux de la protéine huntingtine. Les personnes atteintes de la MH fabriquent une forme différente de la protéine huntingtine, laquelle ne fonctionne pas correctement et peut avoir des effets toxiques sur le cerveau et l’organisme. L’idée derrière des thérapies de diminution de la huntingtine est que la réduction de la quantité de la protéine toxique pourrait ralentir ou améliorer les symptômes chez les personnes MH. Le médicament de la société ROCHE, appelé Tominersen, était à l’étude lors d’un essai clinique de phase 3, appelé GENERATION-HD1, lequel comprenait près de 800 participants sur de nombreux sites dans différents pays.

La société Roche a découpé les données en différents segments appelés sous-groupes, divisant les participants en quatre groupes en fonction de leur âge (supérieur ou inférieur à 48 ans) et du score CAP (score CAP élevé ou faible)
La société Roche a découpé les données en différents segments appelés sous-groupes, divisant les participants en quatre groupes en fonction de leur âge (supérieur ou inférieur à 48 ans) et du score CAP (score CAP élevé ou faible)

Au mois de mars 2021, la communauté MH recevait une très mauvaise nouvelle : le dosage dans l’essai GENERATION-HD1 devait être interrompu, et ce, sur la base des conseils d’un comité indépendant de surveillance des données (également appelé IDMC) ayant examiné les données avant même que les scientifiques, cliniciens ou sites d’étude de la société ROCHE ne les aient examinées. La décision a été prise car les analyses des participants environ un an après le début de l’essai ont montré que le médicament n’avait aucun avantage et que les patients recevant la dose la plus fréquente (toutes les 8 semaines) semblaient en fait se détériorer.

Le dosage a été interrompu il y a près d’un an, alors pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour une mise à jour ? Eh bien, lorsque l’essai s’est achevé, toutes les données, échantillons et images cérébrales doivent être collectés à partir de près de 100 sites différents afin d’être traités et analysés. Ce n’est pas une mince affaire pour la société ROCHE et nous savons que l’attente a été angoissante pour la communauté MH. Nous avons rencontré l’année dernière des représentants de la société ROCHE pour discuter de ce processus et de ce qu’ils espéraient tirer des données. Hier, nous avons eu le premier aperçu de leurs conclusions après près d’un an d’analyse des données.

Ce que nous espérons découvrir à partir des données

Lorsque le comité indépendant de surveillance des données, puis les scientifiques de la société ROCHE ont analysé pour la première fois toutes les données ensemble, ils ont pu constater que les personnes recevant le médicament toutes les 16 semaines faisaient un peu près la même chose que celles ne le recevant pas. En bref, l’essai GENERATION-HD1 n’a pas atteint son objectif de ralentir la progression de la MH – il n’a pas atteint ses principaux critères d’évaluation. C’est pourquoi le dosage a été interrompu. Cependant, l’une des principales choses que de nombreux scientifiques de la société ROCHE et de la communauté MH voulaient connaître était de savoir si le médicament avait pu être bénéfique à un sous-groupe de patients.

HDBuzz a entendu de nombreuses personnes de la communauté MH qui estimaient qu'elles-mêmes ou un membre de leur famille avaient bénéficié d’un avantage du fait de leur participation à l'essai. Dans la mesure où l’essai était en double aveugle (ni les participants, ni les médecins de l’étude ne savaient si une personne avait reçu ou non le médicament), il est impossible de savoir si ces améliorations perçues étaient dues à un effet placebo, au hasard, ou parce que le médicament ralentissait en fait la progression de leur maladie. Certaines personnes auraient-elles pu bénéficier d’un avantage du médicament même si, dans l’ensemble, l’essai n’a pas atteint les critères d’évaluation ? Les participants à l’essai étaient considérés comme ayant les « premiers » symptômes mais cela variait d’une personne à l’autre. Peut-être que leur âge, leur nombre de CAG ou leurs symptômes pourraient faire une différence dans la façon dont ils réagissent au médicament ?

Afin d’essayer de répondre à ces questions, les scientifiques de la société ROCHE se sont mis à découper en tranches et en dés les données de l’essai en divisant les participants en quatre groupes différents en fonction de leur âge (supérieur ou inférieur à 48 ans) et du score CAP (score CAP élevé ou faible). Le score CAP est une mesure utilisée par les cliniciens et les scientifiques prenant en compte l’âge de la personne et le nombre de répétitions CAG. Il s’agit d’une façon d’estimer l’exposition à vie d’une personne aux effets nocifs du gène MH mutant. Ainsi, les personnes âgées avec un nombre plus élevé de CAG auraient des scores CAP élevés et présenteraient très probablement des symptômes plus avancés par rapport à une personne plus jeune ayant un faible score CAP. En divisant les données en deux en fonction de l’âge (supérieur ou inférieur à 48 ans) et du score CAP (moins ou plus que la médiane de tous les participants), la société ROCHE a créé quatre groupes à analyser, à savoir : âge faible/CAP faible, âge faible /CAP élevé, âge élevé/ CAP faible et âge élevé/CAP élevé. La société ROCHE a comparé le placebo aux personnes prenant le médicament toutes les 8 ou 16 semaines dans chacun de ces groupes.

Que savons-nous maintenant ?

Deux résultats clés ont été évalués dans cet essai, en plus de nombreux autres résultats exploratoires. Ceux-ci sont connus sous le nom e cUHDRS (échelle d’évaluation composite unifiée de la maladie de Huntington) et la CFT (capacité fonctionnelle totale), et combinent des tests et des rapports sur les capacités motrices et de réflexion d’une personne. Dans chacun des quatre groupes, tous ceux ayant reçu le médicament Tominersen ont eu des scores cUHDRS et CFT pires que ceux n’ayant pas reçu de médicament, quel que soit leur âge ou leur score CAP. Bien qu'aucun effet secondaire dangereux majeur n'ait été observé, il est clair que donner du Tominersen trop fréquemment pourrait être nocif à long terme.

Pour ceux qui recevaient le Tominersen toutes les 16 semaines, l’image était légèrement plus optimiste – mais plus compliquée. Parmi les quatre groupes, seuls les participants du groupe âge faible/score CAP faible (moins de 48 ans et probablement moins symptomatiques) pourraient avoir eu un petit avantage du Tominersen : leurs scores cUHDRS et CFT après plus d’un an sous Tominersen ont peut-être été un peu meilleurs par rapport à ceux du groupe qui n’a pas reçu le médicament. Cependant, il est important de noter que cette observation n’est PAS statistiquement significative, elle est simplement prometteuse et mérite une étude plus approfondie.

La société ROCHE a également présenté certains de leurs résultats d’analyses de biomarqueurs issus d’échantillons de liquide céphalo-rachidien collectés pendant l’étude. Les taux de la huntingtine mutante ont diminué, comme prévu, chez les participants ayant reçu le Tominersen avec une diminution plus forte lorsque le médicament était administré plus fréquemment – c’est ce que l’on appelle la « dose-dépendance ». Ceci montre que le médicament fait ce pour quoi il a été conçu. Un autre biomarqueur évalué lors de l’étude était le NfL, dont on pense que des taux plus élevés reflètent des dommages au cerveau. Dans le groupe « âge élevé » dosé toutes les 8 semaines avec Tominersen, les taux de NfL augmentaient tout d’abord mais sont redescendus vers les niveaux de référence à la fin de l’étude. Seules des augmentations très légères, voire aucune, de NfL ont été observées chez les sous-groupes plus jeunes et tous étaient proche de la valeur initiale à la semaine 69. Dans l’ensemble, il s’agit d’un résultat positif car cela signifie que le cerveau peut se remettre du défi initial de ce type de dosage médicamenteux chez les personnes plus jeunes.

Ce que nous ne savons pas encore

«L'une des principales choses que de nombreux scientifiques de la société Roche et de la communauté MH voulaient connaître était de savoir si le médicament aurait pu être bénéfique pour un sous-ensemble de patients. »

Il reste de nombreuses questions sans réponse concernant cet essai, et la société ROCHE continuera à partager des informations lors de mises à jour à venir. Il est important de se rappeler qu’il ne s’agit que d’une divulgation partielle des données pour le moment ; il y aura, espérons-le, davantage d’informations à venir dans de futures présentations.

Une question sans réponse très importante : on ne sait toujours pas précisément pourquoi le médicament Tominersen rendait les personnes plus malades dans le groupe de dosage toutes les huit semaines. Il y a beaucoup d’idées en de discussion mais aucune preuve concluante pour le moment.

Un autre domaine à explorer plus avant : les données d’imagerie cérébrale collectées dans le cadre de l’essai. Dans les analyses présentées le 20 janvier, les scientifiques ont examiné les changements dans le volume d’une partie du cerveau appelée le noyau caudé, lequel tend à diminuer à mesure que la MH progresse. Ils ont également examiné la taille des ventricules où le liquide circule dans tout le cerveau. Il semble que les volumes caudés aient été maintenus pour le sous-groupe « âge faible/CAP faible » qui a reçu la plus faible dose médicamenteuse, ce qui pourrait être un bon signe. Cependant, ces données sont difficiles à interpréter car les volumes ventriculaires ont trop augmenté, ce qui pourrait suggérer des choses négatives comme une inflammation ou une perte de cellules cérébrales autour des ventricules. Ces données devront être analysées plus avant.

Plus important encore, bien que le tominersen aille de l'avant, nous ne savons toujours pas s'il peut ralentir ou arrêter les symptômes de la MH.

A retenir

Globalement, ces données sont encourageantes car elles suggèrent que le médicament Tominersen pourrait encore avoir certains bénéfices dans le cadre de la MH, particulièrement pour des adultes plus jeunes avec des scores CAP faibles. Cette petite note d’espoir est ce qui a conduit la société ROCHE à décider de prendre du recul et de mener un nouvel essai de phase II. Il est important de garder à l’esprit que ces analyses sont intervenues après coup ; l’essai GENERATION-HD1 avait été mis au point pour examiner les possibles bénéfices du médicament chez tous les participants et non chez ces sous-groupes. L'essai de phase III n'a pas atteint ses objectifs clés dans l'ensemble, on doit donc aborder ces résultats post-hoc avec un optimisme prudent.

Cela dit, on peut être sûr que les principaux résultats de l’essai interrompu contribueront à façonner non seulement le prochain essai sur le Tominersen mais également d’autres essais portant sur la diminution de la huntingtine. Avec le recul, l'une des principales critiques de la conception de l'essai GENERATION-HD1 était sa dose unique élevée (120 mg) - dont on sait maintenant qu'elle était tout simplement trop élevée lorsqu'elle était administrée toutes les 8 semaines. De plus, il semble que le sous-groupe de personnes « âge faible/CAP faible » de l'essai ait plus de résilience dans leur cerveau car elles étaient capables de tolérer une dose élevée de tominersen toutes les 16 semaines, et pourraient même en avoir tiré bénéfice. Cela suggère que l'exploration d'un dosage plus faible ou moins fréquent dans cette population pourrait être une meilleure stratégie, et ce sera un objectif majeur pour le prochain essai de phase II.

La conclusion la plus intéressante de l'analyse partagée par les scientifiques de la société Roche est qu'il existe une voie à suivre pour le Tominersen au tout début de la MH, au lieu de s'arrêter complètement. Michaela Winkelmann, présidente de la société allemande MH (Deutsche Huntington Hilfe), a décrit la présentation des données d'aujourd'hui comme “une lumière au bout du tunnel” pour un petit groupe de la communauté MH. Et bien que l'objectif de la société Roche dans un proche avenir puisse concerner une bande étroite de la population MH, cela n'exclut pas la possibilité que le Tominersen ou d'autres médicaments réduisant la huntingtine puissent bénéficier à un groupe beaucoup plus large.

Quelle est la prochaine étape pour tominersen ?

Il est très important de se rappeler que toute cette analyse est considérée comme “post hoc”. Cela signifie que l'essai n'a pas été conçu pour répondre aux questions que la société Roche se pose maintenant en divisant les données en groupes plus petits ; on doit donc prendre toutes ces résultats avec des pincettes. Pour déterminer de manière plus concluante si le tominersen est en fait bénéfique chez les personnes « âge faible/CAP faible », la société Roche prévoit de mener un autre essai de phase II. Aucun détail n'a encore été publié à ce sujet, mais nous ne manquerons pas de vous tenir au courant. Une analyse plus approfondie des données existantes est toujours en cours et nous espérons en savoir plus sur les découvertes supplémentaires de la société Roche lors de la conférence thérapeutique de la Fondation CHDI à Palm Springs qui doit avoir lieu fin février. HDBuzz tweetera en direct toutes les présentations de cette conférence, alors restez à l'écoute.

Rachel Harding ne déclare aucun conflit d'intérêt. Leora Fox travaille pour l'association Huntington's Disease Society of America, laquelle a des relations et des accords de non-divulgation avec des sociétés pharmaceutiques, dont la société Roche. Ed Wild est membre du comité directeur de l'essai Roche GENERATION-HD1 ; il a répondu aux questions scientifiques sur les scores CAP et le volume ventriculaire mais n'a pas contribué à la rédaction ou à l'édition de l'article. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...