Jeff CarrollPar Dr Jeff Carroll Edité par Professor Ed Wild Traduit par Laurie Galvan

Un autre type de dommage appelé “stress oxydatif” pourrait contribuer à rendre les cellules malades et favoriser leur mort dans la maladie de Huntington. Les précédents rapports ont suggéré que les niveaux sanguins d’un composé chimique lié au stress oxydatif pourraient être utilisés comme « biomarqueur » dans les essais cliniques de la MH. Mais une nouvelle étude suggère fortement qu’il n’est pas aussi utile que prévu. Est-ce une mauvaise nouvelle ?

Pourquoi avons-nous besoin de biomarqueurs?

Toutes les personnes travaillant sur la maladie de Huntington partagent l’ambition de développer des thérapies efficaces pour les patients. Pour cela, nous devons développer des traitements. Pour trouver ces traitements, nous devons conduire des essais cliniques pour tester leur efficacité. Mais comment savons nous qu’un traitement est efficace? Qu’est que cela signifie ? Comment cela peut-il modifier la progression de la MH ?

La structure d'8OHdG ou 8-hydroxy-deoxy-guanosine. Il est produit quand l'ADN est endommagé et tire son nom des fèces des oiseaux.
La structure d'8OHdG ou 8-hydroxy-deoxy-guanosine. Il est produit quand l'ADN est endommagé et tire son nom des fèces des oiseaux.

Il est parfois facile de déterminer si certains traitements marchent car ils ont un effet bénéfique visible sur les symptômes tels que les mouvements associés à la pathologie. Idéalement, nous aimerions aller au delà du fait de traiter les symptômes en trouvant des traitements qui puissent prévenir, ralentir ou stopper la dégénérescence des cellules du cerveau responsable de la MH.

Il est difficile de savoir si un traitement fonctionne dans le cas de la maladie de Huntington ainsi que dans d’autres maladies cérébrales car nous ne pouvons pas observer directement le cerveau. Un biomarqueur est “quelque chose” que nous pouvons mesurer et qui peut nous donner des indices sur ce qui se passe dans le cerveau.

Les biomarqueurs sont vraiment importants car ils ont le potentiel d’accélérer les progrès vers des traitements efficaces. Nous voulons trouver des mesures fiables et simples à réaliser capables de nous dire ce qui se passe dans le cerveau de patients atteints de la MH sans avoir à ouvrir leur crâne.

Si nous avions de bons biomarqueurs, nous pourrions les utiliser afin de déterminer si un nouveau traitement peut avoir des effets bénéfiques dans un futur essai clinique.

Le stress oxydatif dans la MH

Un des produits de dégradation le plus généré par les cellules du corps incluant le cerveau, est un composé chimique appelé 8OHdG. Bien que son nom chimique – 8-hydroxy-deoxy-guanosine- soit difficile à prononcer, c’est un composé facile à comprendre !

L’ensemble de nos gènes est écrit dans un langage chimique appelé ADN. L’ADN est lui-même composé de 4 « lettres » que les scientifiques appellent « bases ». Une des ces bases est appelée guanosine, que nous abrégeons en « G » quand nous parlons en code génétique.

Si vous voulez impressionner vos amis, vous pouvez leur signaler que « guanosine » tire son nom des fèces des oiseaux, le « guano ». Malheureusement pour elle, la première personne à avoir isolé la guanosine a du utiliser le guano comme matière première.

Nos cellules subissent constamment différents stress. Un des plus importants est celui que nous appelons le « stress oxydatif ». Pour faire simple, nous avons besoin d’oxygène pour alimenter notre besoin en énergie néanmoins il présente des effets néfastes. Le 8OHdG est un composé chimique qui est produit lorsque l’oxygène endommage l’ADN. En 1997, le Dr Flint Beal à Weil Cornell Medical College dirigeait une équipe qui a observé des niveaux élevés d’8OHdG dans le cerveau de patients décédés de la MH. Cette étude et de très nombreux travaux chez l’animal depuis, ont amené l’idée que la MH puisse être associée à des niveaux élevés de stress oxydatif.

Travaux précédents

«C’est de cette manière que la science avance! La science accumule des connaissances, même si celles-ci sont négatives. Chaque étude se construit sur ce que nous avons appris d’autres avant nous, ce qui nous rapproche tous les jours un peu plus de développer des traitements efficaces pour la maladie de Huntington. »

En partant de cette idée que le stress oxydatif est élevé dans la MH, un groupe mené par le Dr Diana Rosas et Steve Hersch au Massachusetts General Hospital, Boston, en 1996, a évalué les niveaux de 8OHdG dans le sang de patients MH participant à un essai clinique.

Leur résultat était vraiment intéressant – Ils ont trouvé que les patients de la MH avaient un niveau beaucoup plus élevé d’8OHdG que les sujets contrôles. Plus de 3 fois supérieure à la normale : une augmentation dramatique.

Le traitement testé pendant cet essai clinique était appelé créatine, ce qui en théorie, devrait diminuer le stress oxydatif. En effet, le dosage des patients sous créatine montraient un taux réduits d’ 8OHdG.

En se basant sur ces résultats et le relatif petit nombre d’étude de courte durée, la créatine est maintenant testée sur non moins de 650 patients de la MH sur une période de temps plus longue. Ce nouvel essai appelé CREST-E, va aussi mesurer les niveaux d’ 8OHdG dans le sang.

Qu’est ce qu’ 8OHdG nous dit ?

Le travail le plus récent suggère qu’ 8OHdG n’est pas aussi utile que ce que nous avions initialement espéré. Pour qu’un biomarqueur soit utile, nous espérons voir ses niveaux changés avant que les personnes atteintes de la MH soient déjà très malades. Dans le cas contraire, nous ne pouvons pas utiliser ce biomarqueur dans un essai qui est sensé prouver que ce traitement testé puisse prévenir ou ralentir l’apparition des symptômes.

En 2012, nous avons vu les résultats de l’étude PREDICT-HD sur 8OHdG. Cette étudie d’observation a examiné les porteurs de la mutation HD mais qui n’ont pas encore les symptômes. Ce sont les personnes que nous aimerions être capables de soigner dans le futur (en prévention), donc observer des changements dans cette population est un premier pas essentiel pour développer de nouveaux traitements.

Les niveaux d’8OHdG ont été mesurés en prélevant un échantillon de sang aux participants de l’étude PREDICT-HD. Dans ce groupe, il y avait des changements subtils des niveaux d’8OHdG. L’analyse mathématique complexe suggérait que les niveaux d’8OHdG pourraient être élevés chez les porteurs de la mutation mais cette augmentation était vraiment subtile. Plus confus encore, les scientifiques menant PREDICT-HD ont utilisé deux différentes techniques pour mesurer les taux d’8OHdG et ont trouvé des résultats se contredisant. Une méthode a montré une faible augmentation tandis que la seconde n’a observé aucune modification.

Une nouvelle étude pour clarifier le taux d’8OHdG

Ce travail a rendu difficile d’évaluer ce qu’8OHdG était capable de mesurer, en tant que biomarqueur, chez les patients de la MH.

8OHdG nous a déçu comme biomarqueur de la MH, mais les études telles que TRACK-HD et PREDICT-HD nous ont déjà donné d'autres choix de biomarqueurs, comme des méthodes optimisées de scanner du cerveau, pour nous aider à réaliser les essais cliniques.
8OHdG nous a déçu comme biomarqueur de la MH, mais les études telles que TRACK-HD et PREDICT-HD nous ont déjà donné d'autres choix de biomarqueurs, comme des méthodes optimisées de scanner du cerveau, pour nous aider à réaliser les essais cliniques.

Dans l’espoir de clarifier cela, les scientifiques de la fondation CHDI et de l’étude TRACK-HD ont repensé une nouvelle étude, spécialement centré sur la compréhension des taux d’8OHdG dans le sang des patients de la MH et des porteurs de la mutation. Leur travail vient juste d’être publié dans le journal « Neurology ».

Premièrement, ces scientifiques ont testé à quel point leur méthode et leur mesure étaient correctes. Cela est très important car si votre mesure n’est pas précise, les résultats ne sont pas fiables.

Avec une maîtrise de la précision de leurs instruments, cette équipe a étudié 320 échantillons de sang provenant de l’étude TRACK-HD. Cette étude a minutieusement examiné les porteurs de la mutation HD sur une période de 3 ans.

En utilisant deux techniques de mesure, cette étude minutieuse a clairement démontré qu’il n’y avait pas de différences du taux d’8OHdG dans le sang des porteurs de la mutation HD. Les taux n’ont ni augmenté au début de la maladie, ni changeaient pendant sa progression.

Est-ce vraiment une mauvaise nouvelle ?

Cela pourrait sembler négatif car initialement nous avions pensé qu’8OHdG aurait pu être un bon indice de mesure sanguine dans le cadre d’essai de traitement dans la MH, et nous savons maintenant que ce n’est pas le cas.

Néanmoins, nous pensons que c’est une information très utile. Il est difficile de faire des progrès pour développer des biomarqueurs si nous travaillons avec ceux qui ne fonctionnent pas. Savoir qu’ 8OHdG n’est pas utile nous permet de concentrer nos ressources limitées sur des pistes plus prometteuses de biomarqueurs.

C’est de cette manière que la science avance! La science accumule des connaissances, même si celles-ci sont négatives. Chaque étude se construit sur ce que nous avons appris d’autres avant nous, ce qui nous rapproche tous les jours un peu plus de développer des traitements et de réaliser des essais qui pourraient conduire à des médicaments efficaces de la maladie de Huntington.

Les études comme PREDICT-HD et TRACK-HD nous ont donné un éventail de biomarqueurs potentiels sur lesquels travailler. Eliminer un biomarqueur signifie simplement que nous avons fait un pas en avant dans la découverte d’un qui fonctionne.

Dr Wild qui a édité cet article travaille avec le Professeur Sarah Tabrizi qui est l'auteur reporté de l'article scientifique. Dr Wild n'est pas impliqué dans le travail scientifique décrit et son édition n’altère pas la balance de l'article. L'auteur de l'article, Dr Carroll déclare qu'il n'a pas de conflit d’intérêt. Pour plus d'informations sur notre politique d'information voir notre FAQ ...